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« Il faut retirer la Coupe du monde au Qatar »

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  • « Il faut retirer la Coupe du monde au Qatar »

    Le Monde.fr
    Propos recueillis par Yann Bouchez

    L'émir du Qatar et son épouse reçoivent le trophée de la Coupe du monde des mains du président de la FIFA, le 2 décembre 2010.
    Les accusations s'accumulent et obscurcissent l'horizon de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Mardi, l'ex-chargée de la communication du comité de candidature Qatar 2022, Phaedra Almajid, raconte dans une interview à France Football avoir vu des responsables qataris proposer en janvier 2010 de l'argent à des dirigeants du football africains. Pour le Belge Marc Tarabella, député socialiste européen, qui avait déjà tiré la sonnette d'alarme devant la Commission européenne en février sur les conditions de travail sur les chantiers du Mondial 2022, l'attibution de cette compétition au Qatar est « une insulte à l'éthique ».

    Le Qatar doit organiser la Coupe du monde 2022. L'accumulation de scandales révélés autour de la candidature qatarie doit-elle conduire à réattribuer l'événement à un autre pays ?

    Cela vient accréditer la thèse que je défends, qui est que la Coupe du monde ne doit pas être organisée au Qatar en 2022. Il faut retirer cette compétition au Qatar. J'ai déjà dénoncé cette situation en regard du mépris vis-à-vis des gens qui travaillent sur les chantiers de cette Coupe du monde, sur les stades et les infrastructures. L'année passée, il y avait déjà près de 1 000 ouvriers, essentiellement népalais, indiens, parfois sri-lankais, morts sur les chantiers. A cause de la chaleur, du manque de règles de sécurité. C'est de l'esclavagisme moderne : on leur retire leur passeport, ils ne peuvent même pas quitter le pays s'ils en ont envie.

    Des problèmes de corruption sont venus s'ajouter. Ils ont été clairement mis en évidence dans le rapport Garcia, utilisé de manière très partielle par la FIFA pour justifier que l'on allait maintenir le Mondial au Qatar. Le témoignage de Mme Almajid vient renforcer les accusations de corruption. Jusqu'à quand les dirigeants de la FIFA vont-ils être sourds à ces évidences ? Jusqu'à quand vont-ils maintenir cette décision d'organiser la Coupe du monde au Qatar ? Cela devient inconcevable.

    Lire l'article : FIFA : Garcia refuse que son rapport soit enterré

    Il n'y a pourtant pas d'exemple de Coupe du monde retirée à un pays organisateur...

    En 1986, la Colombie, par manque d'argent, s'est désistée. La Coupe du monde a été réattribuée au Mexique. Nous nous rendons compte que les compétitions sportives sont attribuées de plus en plus en dépit de critères sociaux, environnementaux. Il serait temps que la FIFA donne l'exemple en disant : « Puisqu'il y a eu tricherie, on annule. » Ce serait un signal fort donné pour les éditions futures.

    A la suite de l'enquête du procureur Michael Garcia, le président de la chambre de jugement de la commission d'éthique de la FIFA, Hans-Joachim Eckert, a conclu qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause les désignations...


    Le procureur Garcia a contesté lui-même les conclusions de la FIFA par rapport à son enquête. Il mettait en évidence des faits avérés de corruption et il n'en a pas été tenu compte. M. Eckert a dit que c'était des éléments mineurs et qu'il ne convenait pas de remettre en cause l'organisation de la Coupe du monde. Avec les révélations, la situation devient intenable.

    L'organisation d'un événement sportif international devrait être l'aboutissement d'une mise en conformité des règles qui assure le respect des droits des travailleurs, mais aussi des règles environnementales. Est-il concevable que l'on demande à tout le monde de faire des efforts pour produire moins de gaz à effet de serre et qu'on organise une Coupe du monde par un été où il fait 50 degrés dans des stades climatisés, au milieu du désert ? Cela n'a pas de sens.

    Faut-il revoir les critères d'attribution de ces grandes compétitions ?

    L'attribution d'une compétition comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde devrait être le résultat d'un engagement du pays organisateur à améliorer les conditions de vie, notamment des travailleurs engagés sur les chantiers. Cet engagement devrait être antérieur à l'organisation. Il ne faut pas que cela soit l'inverse, l'utilisation d'esclaves étrangers qui viennent construire des stades qui ne serviront plus à rien. Il suffit de regarder les compétitions qui se déroulent au Qatar, les caméras filment du béton dans les stades : il n'y a pas de spectateurs.

    Michel Platini a eu une excellente idée en voulant faire un Euro sur l'ensemble de l'Europe en 2020. Peut-être faudrait-il s'inspirer de cette idée pour organiser les futures Coupes du monde non pas sur un continent mais sur une partie de continent, comme l'Amérique du Nord, du Sud, ou l'Asie du Sud-Est. Plusieurs pays peuvent unir leurs forces, comme l'ont fait la Belgique et les Pays-Bas (Euro 2000) , la Suisse et l'Autriche (Euro 2008) ou la Pologne et l'Ukraine (Euro 2012).

    Il faut que les fédérations désignent des candidats en fonction de critères qui ne sont pas seulement le fric. Or le Qatar, c'est le fric. Cela pourrait être des critères sur l'engagement de construire des structures qui pourront servir à la jeunesse du pays, à construire des centres de formation, des écoles.

    La France organise l'Euro 2016. Le gouvernement français accordera un cadeau fiscal à l'UEFA, une défiscalisation présentée comme nécessaire par le ministre des sports, Patrick Kanner, pour pouvoir organiser la compétition. Les associations de football sont-elles devenues trop puissantes ? Sont-elles au-dessus des lois ?

    C'est un sentiment que l'on peut avoir. Aménager des lois fiscales par rapport à des grosses entreprises ou par rapport à l'organisation d'un événement n'est pas normal. Dans l'Europe, où il existe déjà une concurrence fiscale effrénée, il faut éviter ce genre de particularismes fiscaux.

    Lire l'article : Euro 2016 : pourquoi offrir un cadeau fiscal à l’UEFA ?

    En dehors de l'échéance 2022, vous êtes également assez critique de l'organisation de la prochaine Coupe du monde en Russie, en 2018.

    La candidature russe n'est pas exempte de tout reproche. Le fait que le Parlement russe ait voté une loi qui restreint le droit des travailleurs en vue de ces chantiers énormes est un très mauvais signal. On peut aussi citer les Jeux de Sotchi. De plus en plus, les investissements réalisés lors de ces candidatures endettent le pays mais ne servent à rien par la suite. Les gens sont en attente d'autres investissements. Au Brésil, un pays de football, les émeutes avant le Mondial l'ont montré.

    Yann Bouchez
    Journaliste au service Sport
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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