L’Algérie vient de commémorer le 60e anniversaire du 1er Novembre 1954 dans un contexte international marqué par de grands bouleversements, notamment dans le monde dit «arabe», avec une crise sans précédent des Etats-nations, et pour certains la remise en question de leurs frontières. En Algérie, à la place d’une réflexion sérieuse sur les fondamentaux du pays en vue d’un changement politique vital pour l’avenir, les décideurs ont choisi, une fois encore, de reconduire le système politique à l’origine de la crise multidimensionnelle et chronique vécue depuis l’indépendance.
La révision constitutionnelle prévue, autant qu’on puisse en juger compte tenu de l’opacité habituelle, n’aurait d’autre objectif que l’assurance de maintien du système en place et de ses constantes politico-idéologiques, et ce, dans un Etat de non-droit où l’esprit et la lettre de la loi sont régulièrement violés par ceux qui la font, au gré de leurs intérêts.
Parallèlement, nous assistons depuis quelques mois à des regroupements et à des repositionnements de différentes organisations politiques ainsi qu’à des interventions de personnalités politiques qui avancent diverses propositions de mode de «transition démocratique» pour répondre à la crise du régime afin qu’elle ne se transforme pas, selon eux, en une crise de l’Etat. Mais il est un sujet qui semble faire le consensus entre tous les acteurs, dans le pouvoir ou dans l’opposition : l’occultation de la question kabyle et la crise de l’Etat-nation.
En tant que citoyens algériens et en tant que Kabyles appartenant à une communauté régionale, nous avons notre mot à dire et considérons qu’un véritable débat s’impose sur les fondements de la nation et de l’Etat algériens. La situation et le devenir de la Kabylie, sujet tabou dans les prises de position politiques, est l’une des questions essentielles algériennes. On ne peut l’éviter ni l’occulter si nous voulons nous comprendre entre Algériens, avancer ensemble et aller vers une véritable cohésion nationale.
L’affirmation identitaire kabyle
Nous, Kabyles, avons une terre, une langue, des coutumes, un système de valeurs, une organisation sociale particulière, toutes les caractéristiques définissant un peuple. Cette affirmation, en tant que peuple, n’est pas dirigée contre les autres composantes de la société algérienne et ne s’inscrit pas dans une vision ethnocentrique. Il s’agit de l’existence d’une communauté humaine qui possède des caractères distinctifs des autres entités algériennes.
Ce n’est pas un choix, mais une réalité historique que nous offre l’immensité de notre pays et sa diversité géographique, humaine culturelle et linguistique. Cette richesse doit être une source de fierté et non d’appréhension.Nous sommes Kabyles et appartenons au plus ancien peuple que l’Afrique du Nord ait connu : le peuple amazigh. Notre kabylité ne vient ni d’Orient ni d’Occident, elle puise ses racines dans nos valeurs propres transmises par nos aïeux. Ce sont ces valeurs qui fondent notre ouverture aux idées de liberté, telles que le respect des droits humains, l’égalité des sexes, la liberté de croyance et de culte.
Forts de notre spécificité, nous ne nions cependant aucun des liens profonds et puissants d’ordre identitaire, historique et culturel, fondateurs d’un désir d’avenir commun, que nous avons avec tous les Algériens. En réclamant le respect de notre droit à la différence, nous voulons légitimement préserver ce que nous sommes, être acteurs de notre destin et construire un espace de vie qui nous est propre, tout en revendiquant une algérianité plurielle qui reste à construire avec tous, dans le cadre d’un nouveau pacte d’union nationale.
Nous voulons que la Kabylie ait une place de plein droit avec un statut politique reconnu dans un Etat algérien refondé. La Kabylie doit être en droit d’avoir les instruments juridiques nécessaires pour gérer en toute souveraineté ses spécificités sur son territoire, tout en participant à la gestion commune des intérêts supérieurs de l’Algérie. Ceux-ci ont, par ailleurs, constitué avec la reconnaissance identitaire, l’essence des luttes kabyles qui ont jalonné le récit national depuis plus d’un siècle.
Le rôle historique de la Kabylie dans le mouvement national
Il n’est pas inutile de rappeler, à l’occasion de l’anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, le rôle essentiel et décisif de la Kabylie dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. Dès les débuts du mouvement national, les Kabyles, fer de lance de l’idée d’indépendance, à l’image de Mohand Saïd Si Djilani, de Amar Imache, ont voulu, en vain, introduire dans la pensée de ce mouvement la diversité de la société algérienne et l’inclure dans les fondamentaux de la future Algérie.
Ali Laïmeche et ses compagnons, en affirmant l’identité berbère de l’Afrique du Nord, se sont heurtés, en avançant le concept d’«Algérie algérienne», à un environnement hostile dicté par une idéologie monolithique et exclusiviste, associant le nationalisme arabe importé du Moyen-Orient et l’islamisme des Oulémas.
Bien que fortement majoritaires dans le PPA- MTLD, les Kabyles ont privilégié l’union contre le colonialisme français et ont tu leurs revendications identitaires pour se consacrer totalement à la lutte de Libération nationale. Ce n’est pas un hasard si le Congrès de la Soummam, acte fondateur politique du FLN, a eu lieu sur leur territoire et si la majorité des officiers supérieurs de l’ALN est issue de cette région.
On oublie trop souvent le lourd tribut en vies humaines payé par la Kabylie, le plus important du pays. Son élite a été décimée par la guerre, mais aussi par les luttes internes dont fut victime l’un des plus grands, Abane Ramdane, lequel venait de donner une orientation politique, démocratique et sociale à la Révolution, tout en fixant le cadre de l’exercice du pouvoir par la résolution de la primauté du politique sur le militaire.
Le rappel de ces faits historiques n’a pas pour but de diminuer ou de nier la contribution des autres wilayas lors de la guerre d’indépendance. Il est fait pour relever que la Kabylie n’a pas eu en retour, après 1962, ce qui lui revenait de droit après tant de sacrifices : la reconnaissance de son identité propre et la reconquête de la souveraineté qu’elle a perdues sous la domination coloniale française depuis 1857.
Ce rappel historique nous commande aussi, aujourd’hui, d’oser une lecture critique du projet national, tel qu’il a été pensé et engagé par les idéologues du mouvement national. Les dérives politiques de ceux qui se sont imposés aux commandes de l’Etat depuis l’indépendance ne sauraient expliquer, à elles seules, l’impasse actuelle.
Bien plus que le reniement de la plateforme de la Soummam de 1956, c’est l’absence de référents explicites à la pluralité politique et culturelle dans le discours du mouvement national, après la mise à l’écart de militants de valeur, tels que Ouali Benaï, M’barek Aït Menguelet, Amar Aït Hamouda et Rachid Ali Yahia lors de la «crise berbériste» de 1949, qui a ouvert la voie aux dérives totalitaires qui ont marqué l’histoire politique de l’Algérie depuis l’indépendance.
La révision constitutionnelle prévue, autant qu’on puisse en juger compte tenu de l’opacité habituelle, n’aurait d’autre objectif que l’assurance de maintien du système en place et de ses constantes politico-idéologiques, et ce, dans un Etat de non-droit où l’esprit et la lettre de la loi sont régulièrement violés par ceux qui la font, au gré de leurs intérêts.
Parallèlement, nous assistons depuis quelques mois à des regroupements et à des repositionnements de différentes organisations politiques ainsi qu’à des interventions de personnalités politiques qui avancent diverses propositions de mode de «transition démocratique» pour répondre à la crise du régime afin qu’elle ne se transforme pas, selon eux, en une crise de l’Etat. Mais il est un sujet qui semble faire le consensus entre tous les acteurs, dans le pouvoir ou dans l’opposition : l’occultation de la question kabyle et la crise de l’Etat-nation.
En tant que citoyens algériens et en tant que Kabyles appartenant à une communauté régionale, nous avons notre mot à dire et considérons qu’un véritable débat s’impose sur les fondements de la nation et de l’Etat algériens. La situation et le devenir de la Kabylie, sujet tabou dans les prises de position politiques, est l’une des questions essentielles algériennes. On ne peut l’éviter ni l’occulter si nous voulons nous comprendre entre Algériens, avancer ensemble et aller vers une véritable cohésion nationale.
L’affirmation identitaire kabyle
Nous, Kabyles, avons une terre, une langue, des coutumes, un système de valeurs, une organisation sociale particulière, toutes les caractéristiques définissant un peuple. Cette affirmation, en tant que peuple, n’est pas dirigée contre les autres composantes de la société algérienne et ne s’inscrit pas dans une vision ethnocentrique. Il s’agit de l’existence d’une communauté humaine qui possède des caractères distinctifs des autres entités algériennes.
Ce n’est pas un choix, mais une réalité historique que nous offre l’immensité de notre pays et sa diversité géographique, humaine culturelle et linguistique. Cette richesse doit être une source de fierté et non d’appréhension.Nous sommes Kabyles et appartenons au plus ancien peuple que l’Afrique du Nord ait connu : le peuple amazigh. Notre kabylité ne vient ni d’Orient ni d’Occident, elle puise ses racines dans nos valeurs propres transmises par nos aïeux. Ce sont ces valeurs qui fondent notre ouverture aux idées de liberté, telles que le respect des droits humains, l’égalité des sexes, la liberté de croyance et de culte.
Forts de notre spécificité, nous ne nions cependant aucun des liens profonds et puissants d’ordre identitaire, historique et culturel, fondateurs d’un désir d’avenir commun, que nous avons avec tous les Algériens. En réclamant le respect de notre droit à la différence, nous voulons légitimement préserver ce que nous sommes, être acteurs de notre destin et construire un espace de vie qui nous est propre, tout en revendiquant une algérianité plurielle qui reste à construire avec tous, dans le cadre d’un nouveau pacte d’union nationale.
Nous voulons que la Kabylie ait une place de plein droit avec un statut politique reconnu dans un Etat algérien refondé. La Kabylie doit être en droit d’avoir les instruments juridiques nécessaires pour gérer en toute souveraineté ses spécificités sur son territoire, tout en participant à la gestion commune des intérêts supérieurs de l’Algérie. Ceux-ci ont, par ailleurs, constitué avec la reconnaissance identitaire, l’essence des luttes kabyles qui ont jalonné le récit national depuis plus d’un siècle.
Le rôle historique de la Kabylie dans le mouvement national
Il n’est pas inutile de rappeler, à l’occasion de l’anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, le rôle essentiel et décisif de la Kabylie dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. Dès les débuts du mouvement national, les Kabyles, fer de lance de l’idée d’indépendance, à l’image de Mohand Saïd Si Djilani, de Amar Imache, ont voulu, en vain, introduire dans la pensée de ce mouvement la diversité de la société algérienne et l’inclure dans les fondamentaux de la future Algérie.
Ali Laïmeche et ses compagnons, en affirmant l’identité berbère de l’Afrique du Nord, se sont heurtés, en avançant le concept d’«Algérie algérienne», à un environnement hostile dicté par une idéologie monolithique et exclusiviste, associant le nationalisme arabe importé du Moyen-Orient et l’islamisme des Oulémas.
Bien que fortement majoritaires dans le PPA- MTLD, les Kabyles ont privilégié l’union contre le colonialisme français et ont tu leurs revendications identitaires pour se consacrer totalement à la lutte de Libération nationale. Ce n’est pas un hasard si le Congrès de la Soummam, acte fondateur politique du FLN, a eu lieu sur leur territoire et si la majorité des officiers supérieurs de l’ALN est issue de cette région.
On oublie trop souvent le lourd tribut en vies humaines payé par la Kabylie, le plus important du pays. Son élite a été décimée par la guerre, mais aussi par les luttes internes dont fut victime l’un des plus grands, Abane Ramdane, lequel venait de donner une orientation politique, démocratique et sociale à la Révolution, tout en fixant le cadre de l’exercice du pouvoir par la résolution de la primauté du politique sur le militaire.
Le rappel de ces faits historiques n’a pas pour but de diminuer ou de nier la contribution des autres wilayas lors de la guerre d’indépendance. Il est fait pour relever que la Kabylie n’a pas eu en retour, après 1962, ce qui lui revenait de droit après tant de sacrifices : la reconnaissance de son identité propre et la reconquête de la souveraineté qu’elle a perdues sous la domination coloniale française depuis 1857.
Ce rappel historique nous commande aussi, aujourd’hui, d’oser une lecture critique du projet national, tel qu’il a été pensé et engagé par les idéologues du mouvement national. Les dérives politiques de ceux qui se sont imposés aux commandes de l’Etat depuis l’indépendance ne sauraient expliquer, à elles seules, l’impasse actuelle.
Bien plus que le reniement de la plateforme de la Soummam de 1956, c’est l’absence de référents explicites à la pluralité politique et culturelle dans le discours du mouvement national, après la mise à l’écart de militants de valeur, tels que Ouali Benaï, M’barek Aït Menguelet, Amar Aït Hamouda et Rachid Ali Yahia lors de la «crise berbériste» de 1949, qui a ouvert la voie aux dérives totalitaires qui ont marqué l’histoire politique de l’Algérie depuis l’indépendance.
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