Annonce

Réduire
Aucune annonce.

2015, une année à faire froid dans le dos en Russie

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • 2015, une année à faire froid dans le dos en Russie

    Alors que la Russie bénéficiait, il y a à peine deux ans, d’une croissance de 3,4 %, elle figure dans le club des six pays attendus en récession en 2015. A l’occasion de la crise ukrainienne, tous les problèmes accumulés dans l’économie russe depuis des années éclatent au grand jour.

    « On s’arrache mes parfums », se réjouit la gérante d’une chaîne spécialisée à Moscou. Pas tellement par frénésie de coquetterie des femmes russes (ou de galanterie de leurs compagnons) à l’approche des fêtes. Mais parce que les ménages russes achètent à tour de bras des actifs tangibles, pour se prémunir contre la chute du rouble. Parfums, voitures (les ventes de Porsche ont bondi de 55 % le mois dernier), tableaux, électroménager… tout est bon pour constituer une épargne de précaution, ou pour anticiper simplement un regain d’inflation en 2015.

    Une année qui s’annonce dangereuse pour l’économie russe. D’ores et déjà, la prime d’assurance contre un défaut de paiement souverain de Moscou est, à 389 points de base par an, au plus haut depuis la crise de 2008 et au niveau de celle couvrant la dette de pays en pleine tourmente comme le Liban ou l’Irak.

    Certes, la Russie est bien plus solide qu’à la veille du dramatique défaut de paiement de 1998, avec notamment une dette publique qui ferait bien des envieux en zone euro et les quatrièmes réserves de change du monde. Et la résilience des Russes en cas de coup dur, ainsi que l’agilité de leurs entreprises privées sont bien *connues.

    Mais quasiment chaque jour voit l’annonce d’une mauvaise nouvelle, entraînant une chute de 8 % de la Bourse depuis dix jours. Alors que la Russie bénéficiait il y a à peine deux ans d’une croissance de 3,4 %, parmi les plus toniques de la planète, elle figure dans le club des six pays attendus en récession en 2015 ! Le gouvernement, qui tablait sur une croissance de 1,2 %, a reconnu récemment que le PIB chuterait de 0,8 %, un diagnostic confirmé mardi par la Banque mondiale.

    L’inflation frôle les 10 % et va être alimentée par l’impact de la chute du rouble sur les produits de *consommation importés, dont la moitié de l’alimentaire. La devise russe a dévissé de presque 40 % cette année, dont 8,5 % depuis fin novembre.

    La Banque centrale a dépensé en vain le cinquième de ses réserves de change pour défendre sa monnaie avant de se résoudre à la laisser flotter. Elle a augmenté à quatre reprises son taux directeur et va vraisemblablement donner un nouveau tour de vis cette après-midi. Portant les taux d’intérêt à un niveau punitif, près de 12 %, pour les crédits aux ménages et entreprises.

    Rien d’étonnant à ce que les touristes russes se raréfient ces temps-ci et que surgissent des interrogations sur le financement des grands projets du régime. Tandis qu’apparaissent les premiers cortèges depuis des années de protestation contre la situation sociale, tel le récent défilé des médecins à Moscou.

    Bref, « tous les problèmes accumulés dans l’économie russe depuis des années éclatent au grand jour », souligne Konstantin Artemov, gérant du fonds Raiffeisin Capital à Moscou. La dépendance extrême envers le pétrole, qui fournit un tiers des recettes en devises du pays, et le quart des ressources budgétaires, ne pardonne pas quand le prix du baril dévisse.

    La popularité stratosphérique de Vladimir Poutine doit beaucoup au triplement des revenus moyens des Russes depuis l’an 2000, suscitée par une flambée des cours du pétrole. Mais ce dernier est au plus bas depuis cinq ans, à 62,30 dollars le baril hier (contre 110 dollars en début d’année). Très loin du cours de 96-102 dollars, niveau auquel le budget de l’Etat russe est à l’équilibre.

    A Moscou, où l’on croit volontiers que cette chute est due à l’action concertée de Riyad et Washington pour raisons géostratégiques, on veut croire que le baril ne pourra descendre sous les 60 dollars, car alors nombre des gisements et de raffineries ne seraient plus rentables. Mais si le pétrole restait au niveau actuel, l’excédent commercial russe, jadis un des quatre plus imposants au monde, fondrait comme neige au soleil pour se transformer en un déficit équivalent à 2,7 % du PIB, lequel reculerait de 3 % (ou de 1,5 % selon un scénario plus « rose » de prix du baril remontant à 70 dollars), selon l’institut Oxford Economics.

    La chute du rouble, de son côté, ne pourra pas contribuer à un redressement des comptes extérieurs. Elle ne dopera pas les exportations puisque ces dernières sont libellées en dollars (comme les recettes budgétaires, ce qui explique, paradoxalement, que l’Etat tire son épingle du jeu du marasme actuel). Quant aux importations de produits de consommation, elles sont faiblement substituables par des produits locaux.

    L’apparition d’un déficit commercial serait grave pour un pays confronté par ailleurs à un faible flux d’investissements étrangers et à une fuite chronique des capitaux, accélérée depuis le début de la crise ukrainienne qui a poussé l’Union européenne à isoler financièrement les banques publiques russes. Malgré les discours sur un « basculement » de Moscou vers l’Orient, les banques chinoises manquent de la surface nécessaire pour remplacer en Russie leurs homologues occidentaux, ce qui pousse déjà des mastodontes russes à demander de crédits au Kremlin, à l’image de Rosneft requérant 44 milliards de dollars.

    Face à des échéances en dollars gonflées par la chute du rouble, certaines entreprises russes auront du mal à effectuer le roll over de leurs dettes, estimé au total à 150 milliards de dollars l’an prochain. Le risque n’est pas nul de faillites en cascade non sans conséquences pour les banques européennes très impliquées en Russie. Au total, les besoins de financement du pays l’an prochain dépasseraient les 180 milliards de dollars, soit 40 % de ses réserves de change, un niveau préoccupant. De quoi expliquer la prudence de Berlin et Paris en matière de nouvelles sanctions... et l’adoucissement récent du ton du Kremlin.

    De quoi peut être vérifier la « loi de Ross », universitaire selon lequel la dureté, tant domestique qu’internationale, d’un régime vivant de la rente pétrolière est inversement proportionnelle au cours du baril...

    Yves Bourdillon
    Journaliste aux Echos
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
Chargement...
X