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Le Point Afrique - Publié le 11/12/2014 à 17:35 - Modifié le 11/12/2014 à 18:05
Loin de l'image traditionnelle de la Diva, Amel Brahim Djelloul, l'une des sopranos les plus en vue du moment, est une fine jeune femme brune, volubile
PAR HASSINA MECHAÏ
Elle se définit elle-même comme un oiseau rare. Non par manque de modestie mais par simple constat : tout son parcours porte en effet l'empreinte d'une belle exception, faite de rencontres heureuses et de talent évident.
Qui est Amel ?
Amel Brahim Djelloul est en effet une soprano algérienne, née en 1975 dans un pays où l'art lyrique n'avait que très peu sa place. Mais la chance de l'artiste a été de grandir à Alger dans une famille mélomane. Son grand père, joueur de tuba et de mandole dans une fanfare encourageait alors ses petits-enfants à apprendre "la musique classique occidentale". "J'ai donc appris le violon, surtout parce que je voulais imiter mon grand frère (le violoniste et compositeur Rachid Brahim Djelloul ndlr). Mais j'adorais écouter une vieille cassette de Placido Domingo et je l'imitais à tue-tête. J'étais fascinée par sa manière de pousser sa voix de façon aussi puissante et maîtrisée", dit-elle.
La voie à 20 ans
Mais ce n'est qu'à 20 ans, pendant sa licence en musicologie, que la jeune femme découvre vraiment sa voie à l'occasion d'un module de technique vocale. Elle rencontre alors Abdelhamid Belferouni, professeur de musique et formé à l'art lyrique en URSS. C'est lui, le premier, qui saura déceler l'oiseau rare sous la technique encore balbutiante et lui enseignera les premières bases du bel canto.
Elle obtient ainsi une bourse en 1996 pour effectuer son stage de licence à l'Académie musicale de Nice : "Mon parcours est fait de hasards, mais quand c'est écrit, c'est écrit", s'amuse-t-elle encore aujourd'hui à dire dans un fatalisme heureux.
La rencontre avec Noëlle Barker
Le Mektoub, les bonnes Fées ou les Muses, c'est selon, eurent dans son cas la main heureuse. Sur le formulaire de stage, elle choisit en effet de suivre les cours de Noëlle Barker sans savoir qu'elle est elle-même une soprano renommée et la directrice de la très prestigieuse Guildhall School of Music à Londres.
C'est avec cette grande artiste qu'Amel apprendra que sa tessiture est celle d'une soprano lyrique léger. L'artiste anglaise la recommandera auprès du conservatoire de Paris afin que la jeune algéroise puisse y approfondir son art dans un pays dont elle maîtrisait parfaitement la langue. "Je savais que pour vraiment apprendre, je devais traverser la Méditerranée parce que la culture lyrique en Algérie n'était pas vraiment enseignée. Après une année de formation, j'ai donc passé le concours et j'ai été reçue première", explique-t-elle.
La carrière décolle
À partir de là, les rôles s'enchaînent pour la jeune soprano qui n'a jamais décelé le moindre a priori dans le monde du chant lyrique : "Le milieu de l'Opéra est assez ouvert et tolérant ; je n'ai pas eu à faire à des préjugés en raison de mes origines. C'est un monde où les choses sont très précises et écrites : on demande du travail et un respect des oeuvres, c'est tout". Son talent se déploie dès lors à travers les opéras de Bruxelles, Berlin, Washington, New York, Londres où elle se produit avec un succès grandissant.
Mais c'est son interprétation décalé du jeune valet dans Le Couronnement de Poppée, de Monteverdi, qui la font remarquer en 2004. Elle y déploie un jeu très expressif et bouscule avec légèreté les codes un peu figés de la scénographie des opéras. En 2013, elle interprète avec succès à l'Opéra Garnier le rôle de la princesse dans "L'enfant et les sortilèges" de Maurice Ravel.
Elle est aussi sollicitée pour des pièces du répertoire aussi bien classique, romantique ou baroque telles La Petite Messe solennelle de Rossini, des cantates de Bach ou encore des chants scandinaves de Grieg. Mais elle précise : "Mon compositeur fétiche, c'est vraiment Mozart. J'ai joué plusieurs fois le rôle de Suzanne dans les Noces de Figaro ou Pamina dans La flûte enchantée. Sa dimension scénique m'enchante à chaque fois...sa musique est si belle, très simple en apparence mais très dense".
Une belle ouverture artistique
Ses origines et son parcours singulier lui ont aussi donné une ouverture artistique indéniable. Avec son frère Rachid et leur groupe musical "Amedyaz", elle enregistrera ainsi en 2008 Souvenirs d'El Andalous. Dans ce très bel album, elle revisitera différents styles de musiques du Maghreb et du Levant issus de l'âge d'or de la musique andalouse, sépharade et arabo-berbère. Ce disque lui donnera ainsi l'occasion de chanter à Alger, à l'invitation de l'Orchestre national algérien.
Des projets, des projets, des projets
La jeune femme fourmille encore de projets. Elle interprétera prochainement à Paris l'oeuvre contemporaine du compositeur libanais Zad Moultaka : "Avant, j'avais besoin d'être que dans le classique, cela me rassurait ; maintenant je veux tout explorer, à partir du moment où c'est bien écrit, tout me va. Cela ne s'arrête jamais dans la musique, chaque univers artistique nourrit l'autre. Je ne veux pas être classée dans une seule catégorie de rôle ou de genre musical. Par exemple, je vais chanter bientôt à Paris cette composition originale aux sons électroniques et à la langue inspirée de l'ancien égyptien, c'est assez étonnant", indique-t-elle. Puis, après une tournée avec l'orchestre philarmonique du Maroc, avec au répertoire Mozart bien sûr, elle sera à Vienne pour célébrer les Te Deum de Lully. Qui a dit éclectisme heureux ?
Le Point Afrique - Publié le 11/12/2014 à 17:35 - Modifié le 11/12/2014 à 18:05
Loin de l'image traditionnelle de la Diva, Amel Brahim Djelloul, l'une des sopranos les plus en vue du moment, est une fine jeune femme brune, volubile
PAR HASSINA MECHAÏ
Elle se définit elle-même comme un oiseau rare. Non par manque de modestie mais par simple constat : tout son parcours porte en effet l'empreinte d'une belle exception, faite de rencontres heureuses et de talent évident.
Qui est Amel ?
Amel Brahim Djelloul est en effet une soprano algérienne, née en 1975 dans un pays où l'art lyrique n'avait que très peu sa place. Mais la chance de l'artiste a été de grandir à Alger dans une famille mélomane. Son grand père, joueur de tuba et de mandole dans une fanfare encourageait alors ses petits-enfants à apprendre "la musique classique occidentale". "J'ai donc appris le violon, surtout parce que je voulais imiter mon grand frère (le violoniste et compositeur Rachid Brahim Djelloul ndlr). Mais j'adorais écouter une vieille cassette de Placido Domingo et je l'imitais à tue-tête. J'étais fascinée par sa manière de pousser sa voix de façon aussi puissante et maîtrisée", dit-elle.
La voie à 20 ans
Mais ce n'est qu'à 20 ans, pendant sa licence en musicologie, que la jeune femme découvre vraiment sa voie à l'occasion d'un module de technique vocale. Elle rencontre alors Abdelhamid Belferouni, professeur de musique et formé à l'art lyrique en URSS. C'est lui, le premier, qui saura déceler l'oiseau rare sous la technique encore balbutiante et lui enseignera les premières bases du bel canto.
Elle obtient ainsi une bourse en 1996 pour effectuer son stage de licence à l'Académie musicale de Nice : "Mon parcours est fait de hasards, mais quand c'est écrit, c'est écrit", s'amuse-t-elle encore aujourd'hui à dire dans un fatalisme heureux.
La rencontre avec Noëlle Barker
Le Mektoub, les bonnes Fées ou les Muses, c'est selon, eurent dans son cas la main heureuse. Sur le formulaire de stage, elle choisit en effet de suivre les cours de Noëlle Barker sans savoir qu'elle est elle-même une soprano renommée et la directrice de la très prestigieuse Guildhall School of Music à Londres.
C'est avec cette grande artiste qu'Amel apprendra que sa tessiture est celle d'une soprano lyrique léger. L'artiste anglaise la recommandera auprès du conservatoire de Paris afin que la jeune algéroise puisse y approfondir son art dans un pays dont elle maîtrisait parfaitement la langue. "Je savais que pour vraiment apprendre, je devais traverser la Méditerranée parce que la culture lyrique en Algérie n'était pas vraiment enseignée. Après une année de formation, j'ai donc passé le concours et j'ai été reçue première", explique-t-elle.
La carrière décolle
À partir de là, les rôles s'enchaînent pour la jeune soprano qui n'a jamais décelé le moindre a priori dans le monde du chant lyrique : "Le milieu de l'Opéra est assez ouvert et tolérant ; je n'ai pas eu à faire à des préjugés en raison de mes origines. C'est un monde où les choses sont très précises et écrites : on demande du travail et un respect des oeuvres, c'est tout". Son talent se déploie dès lors à travers les opéras de Bruxelles, Berlin, Washington, New York, Londres où elle se produit avec un succès grandissant.
Mais c'est son interprétation décalé du jeune valet dans Le Couronnement de Poppée, de Monteverdi, qui la font remarquer en 2004. Elle y déploie un jeu très expressif et bouscule avec légèreté les codes un peu figés de la scénographie des opéras. En 2013, elle interprète avec succès à l'Opéra Garnier le rôle de la princesse dans "L'enfant et les sortilèges" de Maurice Ravel.
Elle est aussi sollicitée pour des pièces du répertoire aussi bien classique, romantique ou baroque telles La Petite Messe solennelle de Rossini, des cantates de Bach ou encore des chants scandinaves de Grieg. Mais elle précise : "Mon compositeur fétiche, c'est vraiment Mozart. J'ai joué plusieurs fois le rôle de Suzanne dans les Noces de Figaro ou Pamina dans La flûte enchantée. Sa dimension scénique m'enchante à chaque fois...sa musique est si belle, très simple en apparence mais très dense".
Une belle ouverture artistique
Ses origines et son parcours singulier lui ont aussi donné une ouverture artistique indéniable. Avec son frère Rachid et leur groupe musical "Amedyaz", elle enregistrera ainsi en 2008 Souvenirs d'El Andalous. Dans ce très bel album, elle revisitera différents styles de musiques du Maghreb et du Levant issus de l'âge d'or de la musique andalouse, sépharade et arabo-berbère. Ce disque lui donnera ainsi l'occasion de chanter à Alger, à l'invitation de l'Orchestre national algérien.
Des projets, des projets, des projets
La jeune femme fourmille encore de projets. Elle interprétera prochainement à Paris l'oeuvre contemporaine du compositeur libanais Zad Moultaka : "Avant, j'avais besoin d'être que dans le classique, cela me rassurait ; maintenant je veux tout explorer, à partir du moment où c'est bien écrit, tout me va. Cela ne s'arrête jamais dans la musique, chaque univers artistique nourrit l'autre. Je ne veux pas être classée dans une seule catégorie de rôle ou de genre musical. Par exemple, je vais chanter bientôt à Paris cette composition originale aux sons électroniques et à la langue inspirée de l'ancien égyptien, c'est assez étonnant", indique-t-elle. Puis, après une tournée avec l'orchestre philarmonique du Maroc, avec au répertoire Mozart bien sûr, elle sera à Vienne pour célébrer les Te Deum de Lully. Qui a dit éclectisme heureux ?
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