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LA TRANSPLANTATION D’ORGANES- D’une petite aventure à une grande révolution Pr Kamel Sanhadji

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  • LA TRANSPLANTATION D’ORGANES- D’une petite aventure à une grande révolution Pr Kamel Sanhadji

    «Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.»
    (Friedrich Hegel, 1770-1831, penseur, La Raison dans l’Histoire)

    En transplantation, la légende a précédé, de beaucoup, la réalité. Elle fut, peut-être, inspirée par un beau tableau de la Renaissance italienne représentant la «greffe miraculeuse» de la première transplantation par les frères Saint Côme et Saint Damien. Ils ont greffé la jambe prélevée sur le cadavre d’un Ethiopien (Noir) à la place de la jambe gangrenée du sacristain (Blanc) d’une église cardinalice de Rome. La légende ne dit pas si la greffe a été acceptée ou rejetée. Mais elle a nourri l’imagination de l’Homme. Et, aussi, guidé ses pas. La transplantation connut assurément un élan nouveau, et sa véritable efficacité, après la grande découverte de Jean Dausset des groupes tissulaires (groupes HLA) qui gouvernent la compatibilité de greffes. Mais elle avait commencé véritablement dès 1945 et devait se poursuivre pendant près de trente ans avec tour à tour les premiers essais expérimentaux, les premiers essais chez l’homme, les déceptions, les espoirs, les déceptions encore, enfin le succès et les milliers d’êtres humains qui, dans le monde, lui doivent la poursuite de la vie. La transplantation (ou greffe) d’un organe est une opération chirurgicale qui consiste à remplacer un organe malade ou défaillant, comme le cœur, le foie, un rein ou un poumon, par un organe sain prélevé chez un donneur. L’organe peut provenir d’une personne décédée, ce qui est toujours le cas pour une greffe du cœur, ou d’un donneur vivant, dans les cas d’une greffe du rein, du foie et, rarement, du poumon. Indéniablement, la transplantation prolonge et améliore la vie d’un nombre croissant de patients qui présentent une défaillance ultime d’un ou plusieurs organes.
    La transplantation d’organes est la seule issue thérapeutique pour beaucoup de pathologies qui entraînent une perte de fonction irréversible d’organes vitaux. Les progrès majeurs réalisés au cours des vingt dernières années ont abouti à une augmentation significative du nombre de patients pouvant avoir accès à une transplantation. De même, le nombre de re-transplantations suite à des pertes de fonction du greffon, plusieurs années après une première greffe, a augmenté. Cette situation qui, pour des raisons évidentes, revêt un impact majeur en termes de santé publique explique le besoin de faire un point objectif de la situation afin, d’une part, de dresser la liste des acquis et, d’autre part, de définir les axes de recherche qu’il est indispensable de développer.
    Le but de cette contribution est de fournir les éléments de connaissance, issus de l’expérience internationale, permettant d’aboutir à des indications concrètes.
    En effet, une meilleure connaissance des mécanismes de rejet et la découverte de molécules immunosuppressives (médicaments anti-rejet) ont permis, dans les années soixante, le remplacement, chez l'homme, d'organes vascularisés non fonctionnels par des organes humains prélevés chez d'autres hommes (homogreffe ou allogreffe : greffon prélevé chez la même espèce). Dans la chronologie, il s’agit d'abord du rein, puis le cœur, le foie, le poumon, le pancréas, l'intestin et enfin les bras et le visage. L'amélioration des résultats à court, puis à long terme a créé progressivement un élargissement des indications des transplantations d'organes aboutissant à une situation de pénurie de greffons. Parallèlement la nécessité de maintenir pendant toute la durée de vie du greffon un traitement immunosuppresseur a induit la survenue de nouveaux problèmes cliniques liés en particulier au déficit chronique de l’immunité.
    Dans le monde, plusieurs centaines de milliers de personnes vivent avec un organe transplanté. Ainsi, le nombre de patients transplantés chaque année a rapidement augmenté tout au long des années 1980 pour atteindre un maximum dans les années 1990 et ensuite diminuer quelque peu en raison de la pénurie de greffons disponibles. Depuis dix ans, ce niveau est resté relativement stable. Le rein représente de loin la première transplantation d'organe, suivi du foie, du cœur, du poumon, du bloc cœur poumons, du pancréas et de l'intestin.

    L’histoire de la transplantation d’organes aujourd’hui et hier

    La transplantation est une thérapeutique récente dont on peut fixer l’origine aux premières greffes rénales que David Hume pratiqua à l’hôpital général de l’université de Harvard à partir de 1951. À l’époque, il s’agissait d’une thérapeutique expérimentale, une de celle que l’on «offrait» aux patients quand plus rien d’autre ne pouvait être tenté. Ces tentatives échouèrent régulièrement jusqu’à la greffe de rein entre deux jumeaux homozygotes (ils ont exactement les mêmes caractéristiques génétiques) que réalisa Joseph Murray, futur prix Nobel de médecine, avec l’aide de Francis Moore. Une fois ce premier succès acquis, les chirurgiens transplanteurs parvinrent à développer cette thérapeutique en élargissant l’application selon deux voies. Premièrement, ils élaborèrent des protocoles chirurgicaux pour la greffe d’autres organes que le rein. Les premières greffes expérimentales sur l’homme furent successivement réalisées pour le foie (1963), les poumons (1964), le pancréas (1964) et le cœur (1968). Deuxièmement, la greffe devait sortir du cadre étroit d’une thérapeutique qui ne fonctionnerait que pour les seuls jumeaux homozygotes. Cette voie-là fut la plus difficile à franchir puisqu’elle demanda à ce que fussent maîtrisés les processus fondamentaux et complexes en proportion des réactions immunitaires de l’organisme face à l’intrusion d’un organe «étranger» (ou plus exactement le «non soi») dans le corps du receveur.
    Dès la fin des années 1950, en France (René Küss, Jean Hamburger) comme aux Etats-Unis (Thomas Starzl) les greffes furent accompagnées de traitements en vue de diminuer le rejet par l’organisme de l’organe greffé. Mais ce ne fut qu’au début des années 1970 que les chirurgiens furent en possession d’un médicament immunosuppresseur puissant et dont ils maîtrisèrent la toxicité : la cyclosporine A. Avec l’arrivée de ce nouveau médicament et grâce à la redéfinition de la mort comme mort encéphalique qui se généralisa après que le «Ad Hoc Committee» de Harvard eut rendu ses conclusions en 1968, les chirurgiens transplanteurs furent en mesure de développer la greffe thérapeutique, d’abord pour les reins, ensuite pour les autres organes solides mentionnés plus haut. Entre 1975 et 1985, le nombre de greffes rénales fut multiplié par cinq aux Etats-Unis comme en France. La transplantation passait définitivement du statut de chirurgie expérimentale à celui de service médical que l’on offrit sur une large base aux malades. Le développement des transplantations a été facilité par le fait que la plus importante d’entre elles représentée par la transplantation rénale, soit environ deux tiers du total, procurait de substantielles économies aux systèmes de soins. En effet, parallèlement au développement de la greffe rénale, s’était mise en place une offre de soins alternatifs avec la dialyse, laquelle permet de procéder à l’épuration du sang des malades dont les reins ne fonctionnent plus. Malgré son coût élevé, dès lors que les chirurgiens ont atteint des taux de réussite très élevés (pour la greffe rénale, ils sont au-dessus de 90% de réussite à échéance de un an), la transplantation rénale est bien moins coûteuse que la dialyse, tout en améliorant substantiellement la qualité de vie des malades.
    Pour des raisons didactiques, la chronologie de cette histoire des greffes est la suivante : la greffe d’organes (et de tissus) est passée de la petite histoire à la grande aventure. D’une simple curiosité expérimentale à la greffe complète d’un visage. Et pas plus que le 4 octobre dernier, la revue médicale The Lancet rapporte la fantastique nouvelle, celle de la naissance d’un petit garçon, pesant 1,775 kg, chez une maman de 35 ans avec un utérus greffé par l’équipe suédoise du Pr Mats Bränström à l’hôpital de Gothembourg, en Suède. L’utérus a été prélevé chez une femme ménopausée âgée de 61 ans. Au préalable les ovules étaient prélevés chez la jeune femme, puis fécondés in vitro avec les spermatozoïdes de son mari et ensuite congelés. L’implantation a eu lieu une fois l’utérus greffé accepté par la receveuse et la jeune femme est tombée enceinte et a accouché avec succès à 31 semaines et demie de grossesse (presque 8 mois).
    Il s’agit d’un exploit médical porteur d’espoir pour de nombreuses femmes. Celles qui naissent génétiquement sans utérus ou avec un utérus détérioré par un fibrome ou atteintes d’un cancer de l’utérus.
    Il s’agit donc d’une longue histoire passionnante mais semée d’embûches et parfois de légendes. Des difficultés certes mais qui ont nourri l’imaginaire de l’homme aboutissant à des succès indiscutables comme la greffe de cellules souches multipotentielles réparatrices quasiment de tous les organes et tissus. En effet, la possibilité de greffer un organe n’a pas toujours été évidente, une succession de découvertes et de tentatives plus ou moins fructueuses ont jalonné les progrès amenant à la situation actuelle.
    Le constat que l’on peut faire aujourd’hui est que la transplantation d’organes est gouvernée par quatre volets, ci-après évoqués, complémentaires et solidairement associés.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Les limites cliniques de la greffe
    En effet, la transplantation signifie qu’un organe puisé dans un corps peut remplacer l’organe défaillant d’un autre corps et améliorer le fonctionnement de ce dernier. L’organe peut passer d’un vif à un vif, comme d’un mort à un vif. Il peut également passer d’une génération à une autre (du père ou de la mère à l’enfant, ou l’inverse), d’un genre à un autre, d’une couleur de peau à une autre, d’un âge à l’autre (un malade d’âge mûr peut recevoir le cœur d’un jeune adulte, mais l’inverse n’est que peu probable). Cette circulation de corps à corps ne s’embarrasse pas des frontières que les hommes ont dressées entre eux. Les frontières religieuses, politiques, sociales ne sont pas des frontières médicales.
    Les barrières immunologiques ont été franchies et les compatibilités tissulaires (le système HLA découvert par Jean Dausset, prix Nobel de médecine) peuvent être contournées grâce aux médicaments immunosuppresseurs. Ce franchissement de la frontière biologique permet le double franchissement de la frontière corporelle et inscrit donc cette commune humanité la pratique médicale des sociétés modernes. Cette commune humanité a bien sûr des limites qui tiennent aux caractéristiques biologiques des individus malades et prélevés. La transplantation ne peut s’affranchir des compatibilités hématologiques : les deux corps doivent appartenir au même groupe sanguin. L’économie du corps humain intervient aussi, car des proportions doivent exister entre l’organe implanté et le corps receveur : l’organe doit pouvoir trouver sa place dans le corps (la taille des poumons greffés dépend du volume de la cage thoracique) et y être fonctionnel (la taille des poumons doit permettre d’alimenter en oxygène le corps du receveur, celle du cœur à la masse corporelle du receveur, etc.).
    Ces contraintes biologiques ne vont pas sans créer des difficultés particulières, voire des inégalités entre les malades dans l’accès aux soins. Le cas typique d’une telle situation et celui des malades des reins dont le sang est de type O (donneur universel). Un tel malade se trouve dans la situation peu enviable d’avoir un groupe sanguin pour lequel les donneurs de même type sanguin sont des donneurs universels (leurs organes peuvent être proposés à tous les malades), alors qu’un malade ne peut recevoir un organe qu’en provenance d’un donneur du même groupe sanguin. À l’inverse, les malades dont le sang est de type AB (receveur universel) sont avantagés. La traduction, en France par exemple, est la suivante : pour les malades inscrits en attente de donneur, la durée moyenne d’attente est de 1 852 jours, mais de 855 jours, soit moins de deux fois moins longtemps pour les malades dont le sang est de type AB. Toutefois, les malades dont le sang est de type B, le groupe le moins fréquent dans la population, sont encore plus mal placés que ceux dont le sang est de type O, avec 1 937 jours d’attente en moyenne.
    Le premier aspect relève des résultats cliniques. A l’évidence, la réussite majeure que soulignent les données disponibles aujourd’hui, comparativement à celles de la fin des années 1970 et du début des années 1980, concerne la possibilité de contrôler de manière très efficace le rejet aigu d’allogreffe (greffe entre individus de la même espèce) pour la majorité des patients. Ceci rend compte des survies extrêmement bonnes des greffons dans les trois premières années qui suivent la transplantation. Il existe certes des différences en fonction des organes, mais dans l’ensemble il s’agit d’un point très positif.
    Si le rejet aigu (rapide) peut être contrôlé aujourd’hui, c’est grâce au développement de très nombreux médicaments immunosuppresseurs chimiques et biologiques.
    Administrés de manière chronique et en association comme il est devenu pratique courante de le faire en transplantation, ils diminuent de manière très efficace les réponses immunitaires du receveur. Cette action est cependant dénuée de spécificité pour les antigènes du greffon (alloantigènes ou marqueurs génétiques) impliqués dans la réaction d’allogreffe. Il s’agit d’une immunosuppression non spécifique, qui implique toutes les défenses immunitaires du receveur, y compris l’immunité anti-infectieuse et anti-tumorale. Ceci entraîne, chez les receveurs d’allogreffe, une augmentation importante de l’incidence d’infections et de tumeurs (d’ailleurs souvent induites par des infections virales mal contrôlées), sources non seulement de morbidité mais qui mettent également en jeu le pronostic vital des patients.
    Enfin, il est nécessaire de souligner un autre point tout aussi important. La diminution nette de l’incidence du rejet aigu n’a pas pour autant permis d’enrayer la survenue du rejet chronique (rejet tardif) notamment en transplantations rénale et cardiaque, mettant en cause le dogme qui prévalait au début des années 1980 suivant lequel il existait une relation étroite entre la survenue du rejet aigu et chronique, dogme qui a d’ailleurs justifié la pratique d’une immunosuppression de plus en plus «lourde». On peut donc conclure sur ce point en disant qu’une réflexion de fond s’impose : le type d’immunosuppression pratiqué aujourd’hui est-il adapté à la lutte contre la destruction chronique du greffon ?
    La prévention des différents types de rejet repose sur l’appariement donneur/receveur et sur le choix du traitement immunosuppresseur en fonction principalement du risque immunologique du receveur. La conception du traitement immunosuppresseur s’appuie sur l’association d’un traitement dit d’induction, c’est-à-dire un traitement qui est censé diminuer l’incidence du rejet aigu dans les 3 mois qui suivent la transplantation, et d’un traitement dit «de maintenance» qui est destiné à limiter ou prévenir le développement du rejet chronique après cette période initiale. Toutefois, dans la pratique courante, le terme d’induction a été réservé à des traitements biologiques comme les anticorps anti-lymphocytes ou les anticorps monoclonaux anti-récepteur de l’interleukine 2. Ces traitements sont administrés au tout début de la transplantation, en même temps que d’autres immunosuppresseurs qui, eux, seront maintenus après la phase initiale même si les doses sont réduites.
    Le terme d’induction a été choisi car dans des modèles expérimentaux, certains de ces traitements ont pu entraîner une «induction de tolérance». Le traitement curatif des rejets, quant à lui, repose d’abord sur la définition la plus précise possible du type de rejet et donc de son mécanisme physiopathologique.

    Les limites liées à la disponibilité des greffons
    Le deuxième aspect est de nature épidémiologique et concerne tout autant les receveurs que les donneurs. Aujourd’hui, les receveurs ne sont pas seulement plus nombreux que dans le passé mais ils sont également plus âgés. Dans un certain nombre de cas, il s’agit de receveurs d’une deuxième allogreffe. Dans la population des receveurs, il y a donc plus de personnes à «haut risque» pour des raisons médicales générales (âge avancé, situation vasculaire, etc.) et pour des raisons immunologiques. Dans le cas des deuxièmes greffes, les patients ont déjà été soumis à une immunosuppression chronique ou bien sont immunisés vis-à-vis des alloantigènes du premier greffon, d’où un risque de réaction croisée. Dans le cas de patients plus âgés, ils sont plus sensibles aux problèmes infectieux liés à l’immunosuppression et aux effets secondaires propres des immunosuppresseurs. L’épidémiologie des greffons provenant de donneurs cadavériques s’est fortement modifiée ces dernières années. Un nombre important d’organes est prélevé chez des donneurs plus âgés, décédés d’accidents vasculaires cérébraux car les décès chez des sujets jeunes dus aux accidents de la voie publique ont significativement baissé.
    S’ajoutent également dans ce contexte les nouvelles pratiques de prélèvement d’organes chez des donneurs à cœur arrêté. Les greffons prélevés sur ces donneurs sont plus sensibles aux lésions d’ischémie/re-perfusion (l’ischémie correspond à la privation d’oxygène de l’organe ; la re-perfusion correspond à la ré-oxygénation de l’organe) et à la néphrotoxicité des immunosuppresseurs. Ils présentent déjà des lésions chroniques liées au donneur avant le prélèvement, qui réduiront d’autant leur durée de vie après la transplantation.

    Les limites immunologiques dans les rejets de greffes
    Le troisième aspect concerne l’amélioration de la connaissance grâce aux progrès de la recherche en immunologie fondamentale de la transplantation, des mécanismes qui sous-tendent les rejets aigu et chronique d’allogreffe. Cette connaissance va de pair avec une meilleure compréhension des mécanismes d’action des différents médicaments immunosuppresseurs qui, individuellement, sont très sélectifs de certaines sous-populations de cellules immunitaires et/ou de voies de signalisation de ces cellules.
    Un grand pas en avant a été franchi dans le domaine de l’immunité innée, au niveau des récepteurs qu’elle implique (en particulier, les récepteurs «toll like») et des cellules spécialisées, telles que les cellules dendritiques, qui constituent le lien entre les réponses immunitaires innées et adaptatives. Longtemps négligé par manque de connaissances, le rôle de l’immunité innée est aujourd’hui reconnu pour expliquer les conséquences immunologiques du syndrome d’ischémie/re-perfusion.
    Il est important de citer également l’intérêt tout particulier porté aux lymphocytes «mémoire» (globule blanc), aussi bien lymphocytes T que B (catégories de globules blancs assurant les défenses immunitaires), ainsi qu’aux plasmocytes (lymphocyte B produisant des anticorps) à longue durée de vie du fait de leur rôle chez les patients hyperimmunisés (sensibilisés à un antigène donné). Soulignons également à propos des lymphocytes B et des plasmocytes, le regain d’intérêt pour le suivi des anticorps anti-HLA (anticorps acteurs du rejet) en post-transplantation en lien avec leur rôle «amplificateur» de la progression du rejet chronique.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      Les limites liées à la santé des patients transplantés et les traitements immunosuppresseurs

      L’amélioration constatée des résultats de la transplantation pose le problème du devenir à long terme des patients. La majorité des patients ont des survies prolongées après transplantation, supérieures à 10 ans pour les transplantés rénaux et hépatiques. Bien que leur qualité de vie soit améliorée significativement par rapport à la situation en pré-transplantation, elle reste néanmoins inférieure à celle de la population générale. Par ailleurs, en dehors des complications liées au rejet chronique, les patients greffés restent exposés aux complications de l’immunosuppression et à la récidive de la maladie initiale.
      La prévention de la récidive de la maladie initiale est un enjeu majeur. Si des progrès spectaculaires ont été effectués dans la prévention de la récidive de l’hépatite B post-transplantation hépatique, il n’en est pas de même pour la prévention et le traitement de la récidive de l’hépatite C.
      Les complications liées aux immunosuppresseurs sont nombreuses, elles sont spécifiques de chaque immunosuppresseur et secondaires à l’mmunosuppression en général. Ainsi, il est indispensable dans le futur de diminuer la fréquence des complications rénales, cardiovasculaires et du diabète.
      Le développement fréquent de cancers (indépendamment des récidives) est une autre conséquence importante de l’immunosuppression générale. Toutes ces complications soulignent l’intérêt d’une réflexion approfondie sur les conséquences à long terme de l’immunosuppression.
      Les deux contraintes majeures en transplantation sont, d’une part, éviter les épisodes de rejet aigu du greffon, d’autre part, limiter aux mieux les nombreux effets secondaires des drogues immunosuppressives. Bien que tous les épisodes de rejet ne soient pas de la même sévérité, le fait de développer un rejet aigu représente un facteur de risque majeur de perte du greffon rénal, soit par rejet incontrôlable soit ultérieurement par rejet chronique. L’impact délétère d’un épisode de rejet reste présent lorsqu’on analyse des cohortes récentes, transplantées dans le courant des années 1990. Ceci justifie les approches tentant de prévenir au mieux la survenue du rejet aigu. Le risque de rejet aigu est le plus élevé pendant les 3 premiers mois après la greffe. Il est maximal durant le premier mois, peut-être parce que l’inflammation consécutive à l’ischémie du greffon augmente son pouvoir immunogénique.
      L’immunosuppression doit donc être la plus intense à cette période. Plusieurs nouveaux immunosuppresseurs sont apparus dans l’arène clinique au cours des vingt dernières années. Certains correspondent à des drogues dont un représentant de leur classe était déjà utilisé en médecine de transplantation en général : le tacrolimus, un inhibiteur de la calcineurine comme la cyclosporine A ; ou encore le mycophénolate mofétil (MMF), un inhibiteur de la prolifération lymphocytaire, comme l’azathioprine (AZA).
      D’autres possèdent un mécanisme d’action véritablement nouveau, comme le sirolimus, qui inhibe la prolifération cellulaire induite par de nombreux facteurs de croissance, et les anticorps anti-récepteurs à l’interleukine-2, qui bloquent la prolifération lymphocytaire induite par cette cytokine.
      Ces nouvelles drogues, associées à celles disponibles jusqu’alors (cyclosporine, azathioprine, stéroïdes, gammaglobulines anti-lymphocytes T ou ATG et anticorps monoclonal anti-T3 ou OKT3) ont permis d’évaluer de nouvelles stratégies d’immunosuppression ayant pour but principal, soit de réduire l’incidence des rejets aigus soit de limiter les effets secondaires parfois considérables des inhibiteurs de la calcineurine (ICN) ou des stéroïdes. Toutefois et dans la pratique, on rappelle que, selon le type d’organe greffé, un schéma thérapeutique de traitements immunosuppresseurs précis et spécifique est appliqué.

      La recherche pour la tolérance immunologique aux greffes : un axe prioritaire et salvateur

      La transplantation est non seulement une discipline à part entière mais également une discipline transversale. Elle touche à tous les domaines de la médecine et ouvre même sur des pathologies émergentes, notamment dans le domaine infectieux. On peut citer l’exemple de l’hépatite E chronique ou du virus BK (papillomavirus) chez les greffes de rein. Par ailleurs, les progrès liés au développement de stratégies d’immunosuppression et d’induction de tolérance en transplantation peuvent s’appliquer aux pathologies auto-immunes et inflammatoires chroniques.
      Translationnelle et multidisciplinaire, la recherche en transplantation nécessite une organisation en réseau entre les différents centres de transplantation et avec les laboratoires de recherche. L’amélioration des résultats quantitatifs et qualitatifs de la greffe implique de développer de nouvelles voies de recherche dans plusieurs thématiques.
      Tout d’abord, il faut reconsidérer les stratégies d’immuno-intervention.
      L’induction d’une tolérance immunitaire opérationnelle, définie comme une survie à long terme du greffon en l’absence d’immunosuppression chronique, est devenue une approche d’avenir du moins dans certains sous-groupes de populations. Une meilleure connaissance des mécanismes conduisant au développement de la tolérance immunitaire ainsi que ceux impliqués dans le développement des lésions du rejet chronique permettra de mettre au point de nouvelles stratégies thérapeutiques mieux ciblées.
      Le suivi du statut immunologique des patients transplantés et la prédiction, à court terme, de la survie du greffon à long terme ne pourra s’effectuer qu’à l’aide de marqueurs le moins invasifs possibles, utilisables en pratique clinique et, surtout, validés de manière adéquate dans le contexte de protocoles prospectifs. Il est fondamental de se pencher de manière avisée sur l’ensemble de la problématique du prélèvement d’organes et de la conservation des greffons. Il ne s’agit pas uniquement de faire plus mais aussi de faire mieux. Ce sont les caractéristiques intrinsèques de l’organe prélevé et des liquides de conservation utilisés qui sous-tendent la stimulation de l’immunité innée qui s’en suit avec tous les éléments délétères qu’elle comporte.
      La recherche dans le domaine de la protection des greffons contre les lésions d’ischémie/re-perfusion (approches de pré- et de post-conditionnement, définition de la place des machines de perfusion d’organe ex vivo par exemple) prend toute sa valeur dans le contexte actuel de pénurie d’organes et d’utilisation de greffons marginaux.
      Un certain nombre de ces problématiques de recherche sont à discuter avec les spécialistes de l’art. Néanmoins, cette dernière ne couvre pas l’ensemble du champ de recherche sur la transplantation. Par exemple, les travaux très innovants sur la xénogreffe (greffe entre deux espèces différentes, exemple entre l’animal et l’homme), dont les applications cliniques sont encore limitées, ne sont pas abordés dans la présente contribution. L’analyse des travaux et des implications éthiques, non évoqués ici, concernant l’allogreffe et la xénogreffe, nécessiterait une expertise spécifique.
      K. S.
      * Professeur des universités. Directeur de recherches, service d’immunologie des transplantations CHU de Lyon, France.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        la revue médicale The Lancet rapporte la fantastique nouvelle, celle de la naissance d’un petit garçon, pesant 1,775 kg, chez une maman de 35 ans avec un utérus greffé par l’équipe suédoise du Pr Mats Bränström à l’hôpital de Gothembourg, en Suède. L’utérus a été prélevé chez une femme ménopausée âgée de 61 ans. Au préalable les ovules étaient prélevés chez la jeune femme, puis fécondés in vitro avec les spermatozoïdes de son mari et ensuite congelés. L’implantation a eu lieu une fois l’utérus greffé accepté par la receveuse et la jeune femme est tombée enceinte et a accouché avec succès à 31 semaines et demie de grossesse (presque 8 mois).
        Très bel exploit de la médecine en effet!

        Par ailleurs on pourrait peut être dans le futur se passer de greffe si on arrive vraiment à cultiver les tissus in vitro avec des cellules souches, mais il reste encore beaucoup de progrès à faire en attendant la greffe sauve ou prolonge des vies tous les jours.
        Hope is the little voice you hear whisper "maybe" when it seems the entire world is shouting "no!"

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