Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Après la libération de Serge Lazarevic: Les non-dits de la France face au business des prises d’otages

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Après la libération de Serge Lazarevic: Les non-dits de la France face au business des prises d’otages

    Les autorités françaises, qui démentent toujours avoir payé des rançons dans les cas de prise d’otages, n’ont certes donné aucune information sur les conditions de la libération du dernier otage français dans le monde, Serge Lazarevic, rentré en France mercredi dernier, après un passage par Niamey. Cependant, des rumeurs persistantes disent que cet ex-otage a été libéré en échange de quatre prisonniers détenus au Mali.

    Une source de sécurité malienne a indiqué à l’AFP que les quatre prisonniers ont été transférés à Niamey, capitale du Niger, impliqué dans les négociations, avant d’être conduits dans le nord du Mali, où ils ont été remis aux ex-ravisseurs de Serge Lazarevic. Le ministre malien de la Justice, Mohamed Ali Bathily, l’a reconnu vendredi dernier. « L’évidence est là. Je confirme, votre chiffre est bon, quatre prisonniers ont été libérés des prisons maliennes pour que Serge Lazarevic recouvre la liberté. Pour les détails, c’est autre chose », a déclaré à l’AFP le ministre joint par téléphone. Dès la libération de Serge Lazarevic, une source de sécurité malienne et des ONG de défense des droits de l’Homme avaient affirmé que des djihadistes emprisonnés au Mali, y compris l’organisateur présumé de son enlèvement, avaient été relâchés en échange de l’otage. Le responsable de la sécurité malien avait précisé qu’il s’agissait d’un « échange de prisonniers » réalisé « à la demande de Paris ». « Ce n’est pas de gaieté de cœur que le Mali s’engage dans de telles décisions », a souligné le ministre de la Justice dans une interview vendredi à la chaîne de télévision France 24, insistant toutefois sur « la réalité d’une négociation ». « C’est un fait, tout le monde le sait, ça ne sert à rien de nier la réalité», a déclaré M. Bathily, interrogé sur la véracité de ces informations. « Sauver la vie a été une constante dans l’attitude des autorités maliennes chaque fois que des innocents ont eu leur vie menacée, y compris lorsqu’il s’est agi de Maliens », a-t-il expliqué, indiquant que 38 militaires, préfets ou policiers maliens ont déjà été libérés « de la même manière et avec le même type d’échange ». « Le Mali ne peut pas faire moins pour les ressortissants de pays qui l’ont aidé que ce qu’il a fait pour ses propres fils», a-t-il ajouté. Un collectif d’organisations de défense des droits de l’Homme, dont la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) et la section malienne d’Amnesty International, a critiqué mercredi dans un communiqué publié à Bamako la libération de ces quatre hommes « en échange de l’otage français ». Outre Mohamed Aly Ag Wadoussène, « organisateur principal de l’enlèvement » de Serge Lazarevic et de son compatriote Philippe Verdon, retrouvé tué en juillet 2013, ainsi que son complice présumé Haïba Ag Acherif, les autorités maliennes ont relâché un djihadiste tunisien et un autre originaire du Sahara occidental, selon le texte.

    LA FRANCE, CHAMPIONNE DU PAIEMENT DES RANÇONS A AL QAÏDA

    La France et ses voisins européens payent-ils des rançons à Al Qaïda pour libérer leurs otages ? Si l’on en croit l’enquête très fouillée publiée par le New York Times mardi 29 juillet, plutôt que les démentis permanents des chancelleries, la réponse est oui. Et cette manne est même devenue un « business mondial pour Al Qaïda, qui finance ainsi ses opérations à travers le monde », écrit le très sérieux journal américain. Selon le NYT, Al Qaïda et ses groupes affiliés (Aqmi, Aqpa, Al Shabab…) ont empoché au moins 125 millions de dollars de rançons depuis 2008, dont 66 millions rien qu’en 2013. Le département du Trésor américain évoque même la somme de 165 millions de dollars sur la même période. Et, selon le quotidien, c’est la France qui a versé, via des aides au développement déguisées ou des intermédiaires (le New York Times cite le géant du nucléaire Areva), le plus d’argent aux djihadistes depuis 2008. Plus de 58 millions de dollars, selon les chiffres avancés, tableau à l’appui, par le quotidien, dont plus de 40 millions payés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pour libérer les quatre otages au Mali l’an passé (la somme de 20 millions avait été avancée et le paiement de cette rançon démenti par le Quai d’Orsay). Viennent ensuite la Suisse (12,4 millions), l’Espagne (5,9 millions) ou l’Autriche (3,2 millions). A noter également les 20 millions payés, pour le compte de gouvernements européens, à Al Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa) par le Qatar et Oman, deux pays du Golfe qui servent habituellement d’intermédiaires aux Occidentaux au Yémen. L’organisation terroriste, à l’origine principalement financée par de riches donateurs, est aujourd’hui largement nourrie par les millions des pays européens, qui financent ainsi indirectement le recrutement, l’entraînement et l’achat d’armes par le réseau Al Qaïda. « Les enlèvements contre rançon sont devenus aujourd’hui la plus importante source de financement du terrorisme », déclarait déjà David S. Cohen, sous-secrétaire au Trésor américain pour le terrorisme et le renseignement financier, dans un discours en 2012. « Chaque transaction en entraîne une autre. » « Dit plus brutalement, l’Europe est devenue un assureur involontaire d’Al Qaïda », écrit même le NYT, qui rappelle que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont, jusqu’à très récemment, toujours refusé de négocier avec les terroristes, ce qui a parfois pu entraîner le destin tragique de certains de leurs otages. Ce qui provoque aussi aujourd’hui la colère de Vicki Huddleston, ancienne ambassadrice des Etats-Unis au Mali. «Les Européens ont beaucoup de comptes à rendre. Ils mènent une politique hypocrite. Ils paient des rançons et ensuite nient les avoir payées. Le danger n’est pas seulement que ça fait grandir le mouvement terroriste, c’est aussi que ça rend tous nos citoyens vulnérables », assure-t-elle au NYT.

    LES OTAGES, UN RETOUR SUR « INVESTISSEMENT » GARANTI

    Les prises d’otages obéissent à un mode opératoire bien rôdé, et désormais supervisé en haut lieu depuis la maison-mère au Pakistan, comme le montre le New York Times dès l’entame de son enquête en relatant une transaction opérée au Mali en 2003 par des officiels allemands. Sur les 53 otages qui ont officiellement été enlevés ces dernières années par Al Qaïda et ses groupes affiliés, un tiers était de nationalité française.
    Seuls trois Américains ont, en revanche, été recensés, alors que 20% des victimes venaient de pays comme l’Autriche ou la Suisse. Ce qui tendrait à confirmer que les djihadistes, qui kidnappent désormais des groupes pour obtenir des rançons plus élevées, ne veulent plus enlever d’Américains ou de Britanniques, comme l’expliquait David S.
    Cohen en 2012 : « Les récentes tendances indiquent que les kidnappeurs préfèrent ne plus prendre d’otages américains ou britanniques, presqu’à coup sûr parce qu’ils savent qu’ils ne recevront jamais de rançons. » Les djihadistes préfèrent désormais cibler leurs futurs otages en fonction de leur nationalité et du potentiel «retour sur investissement ». Ce que confirme au NYT Jean-Paul Rouiller, directeur du centre d’analyse du terrorisme de Genève : « Il est évident qu’Al Qaïda cible par nationalité. Les otages sont un investissement. Et vous n’allez pas investir à moins d’être quasi certain que vous allez être payé. »

    L’EXEMPLE ALGÉRIEN

    L’Algérie a de tout temps plaidé pour « l’universalisation de l’interdiction de paiement de rançons ». « C’est à travers les ressources financières rendues disponibles par le trafic de drogue et les rançons obtenues suite à des prises d’otages que les groupes terroristes renforcent leurs capacités et étendent leur sphère d’action », a souligné Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères, dans une allocution prononcée à l’ouverture mardi dernier à Oran du 2e séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique.
    Pour préserver la paix et la stabilité dans le continent africain, M. Lamamra a, par ailleurs, appelé à l’adaptation des outils et une mise à niveau des capacités nationales dans le processus de consolidation de la sécurité. L’Algérie a été l’un des premiers pays au monde à avoir appelé à criminaliser le paiement de rançons, notamment dans les cas de rapt de ressortissants étrangers.
    Car payer une rançon ne faisait, expliquent les autorités algériennes, que renforcer le groupe ravisseur et aiguiser son appétit pour commettre d’autres enlèvements. L’Algérie mène une campagne au niveau des instances internationales pour appeler à l’interdiction générale et même à la criminalisation des paiements de rançons aux groupes terroristes. Même si sa position est soutenue par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, cela n’empêche pas plusieurs Etats européens de payer pour obtenir la libération de leurs citoyens.


    Auteur: Mariam Ali Marina
    reporters.dz
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
Chargement...
X