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Thrène de Séville - Abul Beca ar-Rondi (1204-1285)

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  • Thrène de Séville - Abul Beca ar-Rondi (1204-1285)



    Accomplie, toute chose porte sa carence :
    La douceur de vivre ne doit leurrer personne.
    Tel que je vois, tout est affaire d’alternance,
    Comblé un instant, on en pâtit l’éternité.
    La vie ici-bas n’épargne jamais personne,
    Jamais rien ne demeure longtemps inchangé.
    Le temps lacère fatalement tout bienfait,
    Dès qu’on érige trop haut ses moucharabiehs.
    Et toute épée est promise au néant, fût-elle
    Celle de Ibn Dhi Yazin
    , fût-elle dans deux fourreaux.
    Où sont les rois de la couronne du Yémen
    ?
    Et où sont donc les diadèmes ni les guirlandes
    ?
    Où sont les bâtisses que fit Chadad à Irem
    ?
    Où est le règne des Sassanides persans ?
    Où sont tous les trésors amassés par Crésus ?
    Où sont ceux de Ad, de Chadad et de Qahtan
    ?
    Ils subirent tous un imparable destin,
    Et ce fut comme s’ils n’avaient jamais existé.
    Les rois et les règnes qui furent en devinrent
    Comme le récit d’un songe par un grand dormeur.
    Le temps s’en prit à Darius et son assassin,
    Puis Hanta Kosrau qui ne trouva point d’abri.
    C’est comme si le Grand Cyrus ne fût jamais,
    Que le règne de Salomon n’eût jamais lieu.
    Les drames dus au temps sont tellement variés,
    Et l’éternité a ses heurs et ses malheurs.
    Un oubli vient adoucir toute catastrophe,
    Or il n’est pas d’oubli pour ce qui frappa l’islam.
    Un drame insurmontable s’abattit sur l’île
    ;
    Ohod
    en croula et Thalan s’en affaissa ;
    Touchée par le mauvais œil, elle fut mortifiée ;
    L’islam disparut de maints pays et contrées.
    Prenez à Valencia
    nouvelles de Murcie,
    Et où est Xàtiva
    , plutôt où est Jaén ?
    Et où est Cordoue
    , qui est la cité des sciences
    Où tant de savants connurent un grand renom ?
    Où sont donc Séville
    et toutes ses promenades ?
    Où est son fleuve à l’eau douce, toujours abondant ?
    Ce sont les pierres angulaires du pays.
    Comment y demeurer, dès lors qu’elles ne sont plus ?
    Voici que la fontaine blanche pleure de peine
    – Comme qui, éploré, pleure sa bien-aimée –
    De voir un pays où l’islam n’est plus présent ;
    Par lui déserté, par l’apostasie peuplé,
    Et où les mosquées sont devenues des églises,
    Où l’on ne voit plus que des cloches et que des croix ;
    Même les mihrabs
    , inanimés, en pleurent,
    Et les minbars
    , qui ne sont que du bois, en pleurent.
    Vous qui êtes distrait malgré les leçons du temps,
    Si vous, vous sommeillez, il est toujours en veille ;
    Vous qui marchez gaiement tout à votre patrie,
    Comment peut-on s’acclimater après Séville ?
    Cette catastrophe fait oublier le reste,
    Elle qui, jamais, ne tombera dans l’oubli.
    Vous qui chevauchez des purs-sangs, au ventre mince,
    Qui sur le champ de course sont tels des aigles ;
    Vous qui portez les fines épées venues d’Inde
    Comme un feu dans la poussière drue des sabots,
    Qui gambadez outre-mer en toute quiétude,
    Vous jouissez, chez vous, de dignité et de pouvoir.
    Avez-vous nouvelles des gens d’Andalousie ?
    Les caravanes ont transporté leur récit ;
    Combien les pauvres gens nous appellent au secours,
    Victimes et prisonniers, et personne ne bouge.
    Pourquoi cette scission entre vous musulmans ?
    Or, créatures de Dieu, vous êtes tous frères.
    À moi ! âmes fières et bonnes volontés
    Qui sont les partisans du bien et ses agents.
    Oh ! vilenie d’un peuple connaissant la gloire
    ,
    En est là par apostasie et tyrannie.
    Hier encore, ils étaient les maîtres
    chez eux
    Aujourd’hui, ils sont soumis en terre hérétique.
    C’est pitié de les voir perdus, sans aucun guide,
    Porteurs de tous les signes de l’humiliation.
    Les voir pleurer, alors qu’on les donnait à vendre,
    Vous aurait scandalisé et beaucoup peiné.
    Il est des mères séparées de leurs enfants,
    Tout comme une âme qui est de son corps dissociée.
    Ou cette enfant belle comme un soleil levé
    ,
    Comme si elle était jacinthe et corail,
    Le Barbare la mène vers son lot forcée.
    Les yeux larmoyants et le cœur endolori,
    C’est pour de tels faits que le cœur fond de peine
    S’il y reste une trace d’islam ou de foi.
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