Bien que les guerres impliquant des armadas de chars sur de vastes territoires appartiennent désormais au passé, le char reste au coeur de la force de frappe des armées d’aujourd’hui.
Les fonctions fondamentales de tout nouveau char sont sa protection, sa mobilité et sa puissance de feu. Historiquement, la Russie a toujours su aborder ces problèmes en développant de nouveaux modèles tout en continuant à utiliser ceux en service. C’est pourquoi les forces armées russes disposent aujourd’hui d’un nombre incroyable de types de chars différents, une chose que l’on voit nulle part ailleurs dans le monde. Et le coût de maintien en condition opérationnelle de ce parc est énorme.
Le Général d’Armée Nikolai Makarov, chef de l’armement, attend une révolution dans la construction de chars en 2009 avec l’arrivée du T-95 largement supérieur aux autres types de chars. Il s’agit d’un char entièrement nouveau avec de nouveaux éléments de mobilité, un nouvel armement, de nouveaux systèmes de contrôle de tir, de reconnaissance et de désignation de cible. Ses essais, actuellement en cours, doivent s’achever d’ici la fin de l’année. Sa mise en service laisse enfin espérer une rationalisation du parc de chars russe.
La Russie est le seul pays au monde à utiliser deux types de chars : le T-80 (T-80U) à turbine à gaz et le T-90 (T-90S) à moteur diesel. Ils ont tous les deux la même taille, le même poids et des caractéristiques identiques. D’autres chars sont également en service dont les T-62, T-64 et T-72 en différentes versions et même des T-55.
Cette variété de types de chars est à l’origine de nombreux problèmes d’approvisionnement en carburant, lubrifiants, pièces détachées, outils, et équipements ainsi que de maintenance. C’est un gaspillage du point de vue économique que de maintenir autant de modèles différents. Un grand nombre de chars et de munitions nécessite de les utiliser annuellement, ce que les budgets disponibles n’ont jamais réellement permis.
Dans une perspective plus globale, la politique russe de construction de chars n’a pas changé depuis les années 1960 et 1980 quand les T-64, T-72 et T-80 ont été développés. Si l’on compare les caractéristiques des chars (y compris le T-80M1 Bars et le Black Eagle qui ne sont jamais entrés en production), on constate des modernisations par étapes.
Mais, les chars restant le principal moyen offensif des forces terrestres, de nombreux pays ont développé et produit des missiles anti-chars à la pointe de la technologie. Leurs têtes modernes permettent de pénétrer efficacement tous les types de blindage réactif. Des dispositifs en cours de développement permettront aussi de mettre hors service les moteurs des chars les rendant immobiles. De plus, le char moderne s’avère incapable d’attaquer des cibles aériennes malgré sa grande puissance de feu.
L’ajout d’une capacité de tirs de missiles via le canon des chars russes a significativement augmenté leur efficacité. Ils peuvent désormais détruire un ennemi jusqu’à 5 kilomètres environ. Mais cet avantage est annulé par l’absence de systèmes de reconnaissance et d’observation modernes. Leur portée est si faible qu’il est pratiquement impossible de voir, et plus encore de viser, une cible efficacement. Des moyens de communication modernes ne sont pas disponibles non plus affectant l’organisation et le commandement des unités de chars.
On peut donc dire que la "crise des chars" qui affecte l’Armée russe est largement provoquée par la diversité du parc.
Le commandant en chef des forces terrestres russes, le Général d’Armée Alexei Maslov, n’entrevoit de solution possible qu’à long terme. Il ne nie pas non plus que les russes sont en retard concernant l’utilisation de l’électronique moderne. Il a affirmé que "bien que le développement de systèmes d’information et de commandement (SIC) pour les chars soit déjà en cours, leur installation sur des chars obsolètes serait trop couteuse et n’est pas recommandée. Les nouveaux équipements ne seront installés que sur les nouveaux véhicules blindés."
Il a précisé que même le T-90 (que l’on peut considérer comme moderne et qui équipera uniquement les unités d’élite des divisions Kantemirovskaya et Tamanskaya d’ici 2010) est obsolète et qu’aucun SIC ne serait installé à bord. Ce qui veut dire, que les chars russes resteront "aveugles" sur le champ de bataille. La mise en service du T-95 leur redonnera peut-être la vue ?
Des rumeurs sur ce nouveau char circulent depuis près de 15 ans. On dit qu’il aurait du entrer en service dès 1994. Il existe même un descriptif hypothètique du char : il serait équipé d’un moteur de plus de 1 500 cv (probablement diesel et multi-carburants), d’un canon de 135mm, d’un blindage composite, d’un système de protection active et d’un système de contrôle de tir numérisé. Le T-95 se distinguerait des autres chars par sa configuration innovante avec une tourelle télé opérée et un équipage protégé dans une capsule blindée. Il est difficile de dire si le nouveau char aura effectivement toutes ses caractéristiques.
Les bureaucrates russes ont créé de nombreux mythes et légendes sur la survie du secteur de défense russe. Son état actuel est pourtant critique et les raisons sont bien connues. L’une d’entre elles est le vieillissement du personnel qualifié, la plupart approchant l’âge de la retraite. Les jeunes diplômés des écoles d’ingénieur ne sont pas intéressés par les bas salaires proposés dans le secteur de la défense tandis que nulle part dans le pays on ne forme de nouveaux ouvriers. Autrefois, les travailleurs du secteur de l’industrie de défense ne faisaient pas leur service militaire. Maintenant que ce privilège a été aboli, les jeunes diplômés cherchent des emplois ailleurs que dans le secteur de la défense. D’autant plus que travailler dans l’industrie de défense pose des problèmes pour obtenir un passeport.
Un autre problème est le vieillissement de l’outil de production de l’industrie de défense : les chaines de production et machine-outils ont dépassé la limite des 30 ans. De nombreuses technologies clefs ont été perdues ainsi que les co-productions. L’augmentation du coût de l’énergie dépasse celle de l’inflation et n’est pas maîtrisée par le Ministère du développement économique et du commerce. Il paraît évident que le plan d’armement 2006-2015 ne sera pas entièrement réalisé en termes de quantités produites et de qualité.
Le facteur qui contribuera peut-être à la préservation d’une capacité de production de chars de masse sera la création d’un holding des blindés qui a commencé au printemps dernier. Dans une première étape, il comprendra toutes les usines et bureaux d’études d’Uralwagonzavod qui est détenu à 100% par l’Etat fédéral. Dans une seconde étape, des entreprises privées rejoindront le holding dont ChTZ-Uraltrak qui développe et fabrique des moteurs diesels de chars.
Mais quasiment toutes les usines appelées à rejoindre le holding nécessitent une rénovation et un rééquipement à grande échelle qui dépendront de l’implication forte ou non de l’Etat. La situation ne s’améliorerait pas radicalement pour autant car de nombreux autres problèmes affectent le secteur de défense russe et des chars en particulier. Il y a donc peu de chances que les plans actuels de mise en service et de production en grande série d’un nouveau char se traduisent par des éléments concrets, en tout cas pas dans les délais prévus...
Yury Zaitsev is an adviser at the Russian Academy of Engineering Sciences
RIA Novosti
Les fonctions fondamentales de tout nouveau char sont sa protection, sa mobilité et sa puissance de feu. Historiquement, la Russie a toujours su aborder ces problèmes en développant de nouveaux modèles tout en continuant à utiliser ceux en service. C’est pourquoi les forces armées russes disposent aujourd’hui d’un nombre incroyable de types de chars différents, une chose que l’on voit nulle part ailleurs dans le monde. Et le coût de maintien en condition opérationnelle de ce parc est énorme.
Le Général d’Armée Nikolai Makarov, chef de l’armement, attend une révolution dans la construction de chars en 2009 avec l’arrivée du T-95 largement supérieur aux autres types de chars. Il s’agit d’un char entièrement nouveau avec de nouveaux éléments de mobilité, un nouvel armement, de nouveaux systèmes de contrôle de tir, de reconnaissance et de désignation de cible. Ses essais, actuellement en cours, doivent s’achever d’ici la fin de l’année. Sa mise en service laisse enfin espérer une rationalisation du parc de chars russe.
La Russie est le seul pays au monde à utiliser deux types de chars : le T-80 (T-80U) à turbine à gaz et le T-90 (T-90S) à moteur diesel. Ils ont tous les deux la même taille, le même poids et des caractéristiques identiques. D’autres chars sont également en service dont les T-62, T-64 et T-72 en différentes versions et même des T-55.
Cette variété de types de chars est à l’origine de nombreux problèmes d’approvisionnement en carburant, lubrifiants, pièces détachées, outils, et équipements ainsi que de maintenance. C’est un gaspillage du point de vue économique que de maintenir autant de modèles différents. Un grand nombre de chars et de munitions nécessite de les utiliser annuellement, ce que les budgets disponibles n’ont jamais réellement permis.
Dans une perspective plus globale, la politique russe de construction de chars n’a pas changé depuis les années 1960 et 1980 quand les T-64, T-72 et T-80 ont été développés. Si l’on compare les caractéristiques des chars (y compris le T-80M1 Bars et le Black Eagle qui ne sont jamais entrés en production), on constate des modernisations par étapes.
Mais, les chars restant le principal moyen offensif des forces terrestres, de nombreux pays ont développé et produit des missiles anti-chars à la pointe de la technologie. Leurs têtes modernes permettent de pénétrer efficacement tous les types de blindage réactif. Des dispositifs en cours de développement permettront aussi de mettre hors service les moteurs des chars les rendant immobiles. De plus, le char moderne s’avère incapable d’attaquer des cibles aériennes malgré sa grande puissance de feu.
L’ajout d’une capacité de tirs de missiles via le canon des chars russes a significativement augmenté leur efficacité. Ils peuvent désormais détruire un ennemi jusqu’à 5 kilomètres environ. Mais cet avantage est annulé par l’absence de systèmes de reconnaissance et d’observation modernes. Leur portée est si faible qu’il est pratiquement impossible de voir, et plus encore de viser, une cible efficacement. Des moyens de communication modernes ne sont pas disponibles non plus affectant l’organisation et le commandement des unités de chars.
On peut donc dire que la "crise des chars" qui affecte l’Armée russe est largement provoquée par la diversité du parc.
Le commandant en chef des forces terrestres russes, le Général d’Armée Alexei Maslov, n’entrevoit de solution possible qu’à long terme. Il ne nie pas non plus que les russes sont en retard concernant l’utilisation de l’électronique moderne. Il a affirmé que "bien que le développement de systèmes d’information et de commandement (SIC) pour les chars soit déjà en cours, leur installation sur des chars obsolètes serait trop couteuse et n’est pas recommandée. Les nouveaux équipements ne seront installés que sur les nouveaux véhicules blindés."
Il a précisé que même le T-90 (que l’on peut considérer comme moderne et qui équipera uniquement les unités d’élite des divisions Kantemirovskaya et Tamanskaya d’ici 2010) est obsolète et qu’aucun SIC ne serait installé à bord. Ce qui veut dire, que les chars russes resteront "aveugles" sur le champ de bataille. La mise en service du T-95 leur redonnera peut-être la vue ?
Des rumeurs sur ce nouveau char circulent depuis près de 15 ans. On dit qu’il aurait du entrer en service dès 1994. Il existe même un descriptif hypothètique du char : il serait équipé d’un moteur de plus de 1 500 cv (probablement diesel et multi-carburants), d’un canon de 135mm, d’un blindage composite, d’un système de protection active et d’un système de contrôle de tir numérisé. Le T-95 se distinguerait des autres chars par sa configuration innovante avec une tourelle télé opérée et un équipage protégé dans une capsule blindée. Il est difficile de dire si le nouveau char aura effectivement toutes ses caractéristiques.
Les bureaucrates russes ont créé de nombreux mythes et légendes sur la survie du secteur de défense russe. Son état actuel est pourtant critique et les raisons sont bien connues. L’une d’entre elles est le vieillissement du personnel qualifié, la plupart approchant l’âge de la retraite. Les jeunes diplômés des écoles d’ingénieur ne sont pas intéressés par les bas salaires proposés dans le secteur de la défense tandis que nulle part dans le pays on ne forme de nouveaux ouvriers. Autrefois, les travailleurs du secteur de l’industrie de défense ne faisaient pas leur service militaire. Maintenant que ce privilège a été aboli, les jeunes diplômés cherchent des emplois ailleurs que dans le secteur de la défense. D’autant plus que travailler dans l’industrie de défense pose des problèmes pour obtenir un passeport.
Un autre problème est le vieillissement de l’outil de production de l’industrie de défense : les chaines de production et machine-outils ont dépassé la limite des 30 ans. De nombreuses technologies clefs ont été perdues ainsi que les co-productions. L’augmentation du coût de l’énergie dépasse celle de l’inflation et n’est pas maîtrisée par le Ministère du développement économique et du commerce. Il paraît évident que le plan d’armement 2006-2015 ne sera pas entièrement réalisé en termes de quantités produites et de qualité.
Le facteur qui contribuera peut-être à la préservation d’une capacité de production de chars de masse sera la création d’un holding des blindés qui a commencé au printemps dernier. Dans une première étape, il comprendra toutes les usines et bureaux d’études d’Uralwagonzavod qui est détenu à 100% par l’Etat fédéral. Dans une seconde étape, des entreprises privées rejoindront le holding dont ChTZ-Uraltrak qui développe et fabrique des moteurs diesels de chars.
Mais quasiment toutes les usines appelées à rejoindre le holding nécessitent une rénovation et un rééquipement à grande échelle qui dépendront de l’implication forte ou non de l’Etat. La situation ne s’améliorerait pas radicalement pour autant car de nombreux autres problèmes affectent le secteur de défense russe et des chars en particulier. Il y a donc peu de chances que les plans actuels de mise en service et de production en grande série d’un nouveau char se traduisent par des éléments concrets, en tout cas pas dans les délais prévus...
Yury Zaitsev is an adviser at the Russian Academy of Engineering Sciences
RIA Novosti
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