C’est une victoire nette que vient de remporter le laïc Béji Caïd Essebsi, alias «BCE», avec 55,68% des voix et 11 points d’avance sur son rival. A 88 ans, cet ex-ministre de Bourguiba devient le premier président de la République tunisienne élu à la régulière. Une victoire nette, mais pas écrasante. «Il n’est pas élu très confortablement, c’est positif. Près d’un électeur sur deux n’a pas voté pour lui et il va falloir en tenir compte», nuance ainsi l’analyste Selim Kharrat. «Nous sommes en train de construire une démocratie, où il n’y a pas un écart énorme, à l’instar des démocraties occidentales», se félicitait dès dimanche soir le directeur de campagne de BCE, Mohsen Marzouk.
La Tunisie a gagné […], on a réussi à mettre fin aux mascarades électorales de 99%», soulignait de son côté Moncef Marzouki. Soutenu par nombre de sympathisants du parti islamique Ennahdha, le président sortant a contraint son concurrent à un véritable second tour et réalise un score honorable, avec 44,32% des voix. L’ex-opposant de Ben Ali, qui accusait ses adversaires de préparer des fraudes pendant la campagne, a reconnu sa défaite et appelé le vainqueur pour le féliciter, dissipant les craintes d’une remise en cause des résultats. La Tunisie conclut ainsi avec soulagement un long marathon électoral entamé en octobre avec les législatives. Alors que le pays craignait des attaques terroristes, aucun incident majeur n’est venu perturber la tenue des trois votes successifs. Et l’intégrité du processus, surveillé de près par de nombreux observateurs nationaux et internationaux, est reconnue par tous.
Clivage. Quatre ans après le renversement de Ben Ali, l’horizon politique se clarifie et la page des institutions provisoires est tournée. Un seul bémol : le taux de participation est faible, surtout chez les jeunes, atteignant péniblement 60% des inscrits pour ce second tour. En tenant compte de tous ceux qui ne figurent pas sur les listes électorales, à peine 40% de la population en âge de voter a pris part au processus. «Beaucoup de gens ont été dégoûtés par le ton de la campagne», souligne Selim Kharrat. Les deux finalistes, qui se vouent une hostilité mutuelle, ont en effet échangé ces dernières semaines de lourdes accusations et envenimé le climat. Le scrutin a également révélé un profond clivage entre le Nord, qui a majoritairement voté Essebsi, et le Sud, plus conservateur, qui a plébiscité Marzouki. Des régions affichent des scores staliniens pour l’un ou pour l’autre candidat : 70% des voix à Nabeul ou Tunis pour Essebsi, 88% à Tataouine en faveur de Marzouki.
«Il est très important que l’unité nationale soit recomposée et reconstituée. Nous tendons la main à tous les acteurs politiques car nous avons les mêmes défis», souligne Mohsen Marzouk. Dimanche soir, Essebsi se voulait rassembleur. «La Tunisie a besoin de tous ses enfants car la tâche est éprouvante et on ne pourra s’en sortir que dans l’union, main dans la main», a-t-il lancé. Les défis sont nombreux pour le camp vainqueur. Il faudra d’abord former un gouvernement stable. La tâche s’annonce compliquée pour Nidaa Tounes, le parti laïc d’Essebsi, arrivé en tête des législatives (85 sièges sur 217), mais avec une majorité relative (40% des sièges à l’Assemblée). Il lui faudra des alliés pour construire une majorité et déterminer son modus vivendi avec d’Ennahdha qui, avec 69 sièges, est incontournable, notamment pour les grandes réformes à venir. Le défi économique s’annonce le plus pressant : inflation, chômage, déséquilibre entre les régions… Les attentes sont fortes. «Il faudra redonner confiance aux gens, qu’ils sentent que l’Etat est là et que leur vie va changer», souligne Mahmoud ben Romdhane, un cadre de Nidaa Tounes. La situation est d’autant plus compliquée que les finances publiques sont à la peine. Il faudra donc d’abord relancer l’investissement, notamment étranger, et le tourisme.
Jihadistes. Les nouveaux responsables sont aussi très attendus sur le dossier sécuritaire et la lutte antiterroriste. A la frontière algérienne, des groupes armés installés dans les montagnes commettent régulièrement des attaques, cantonnées pour l’heure aux forces de sécurité. Le voisin libyen, pris dans le chaos, est devenu une base de repli pour les jihadistes tunisiens et les filières du crime organisé. Avec 2 000 à 3 000 jeunes partis combattre en Syrie et en Irak, les Tunisiens y constituent le premier contingent de jihadistes étrangers.
Dans une vidéo visiblement tournée en Syrie, trois Tunisiens ralliés à l’Etat islamique revendiquent, pour la première fois, l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, deux leaders de gauche tués en 2013. Et menacent : «Nous allons revenir pour assassiner beaucoup d’entre vous. Vous n’allez plus vivre en paix tant que la Tunisie n’est pas régie par l’islam et gouvernée par la charia.» Les chantiers sont, enfin, institutionnels : il faudra mettre en place une Cour constitutionnelle, la décentralisation instituée par la nouvelle loi fondamentale, organiser rapidement des élections municipales, probablement d’ici à la fin de l’année 2015.
libération fr
La Tunisie a gagné […], on a réussi à mettre fin aux mascarades électorales de 99%», soulignait de son côté Moncef Marzouki. Soutenu par nombre de sympathisants du parti islamique Ennahdha, le président sortant a contraint son concurrent à un véritable second tour et réalise un score honorable, avec 44,32% des voix. L’ex-opposant de Ben Ali, qui accusait ses adversaires de préparer des fraudes pendant la campagne, a reconnu sa défaite et appelé le vainqueur pour le féliciter, dissipant les craintes d’une remise en cause des résultats. La Tunisie conclut ainsi avec soulagement un long marathon électoral entamé en octobre avec les législatives. Alors que le pays craignait des attaques terroristes, aucun incident majeur n’est venu perturber la tenue des trois votes successifs. Et l’intégrité du processus, surveillé de près par de nombreux observateurs nationaux et internationaux, est reconnue par tous.
Clivage. Quatre ans après le renversement de Ben Ali, l’horizon politique se clarifie et la page des institutions provisoires est tournée. Un seul bémol : le taux de participation est faible, surtout chez les jeunes, atteignant péniblement 60% des inscrits pour ce second tour. En tenant compte de tous ceux qui ne figurent pas sur les listes électorales, à peine 40% de la population en âge de voter a pris part au processus. «Beaucoup de gens ont été dégoûtés par le ton de la campagne», souligne Selim Kharrat. Les deux finalistes, qui se vouent une hostilité mutuelle, ont en effet échangé ces dernières semaines de lourdes accusations et envenimé le climat. Le scrutin a également révélé un profond clivage entre le Nord, qui a majoritairement voté Essebsi, et le Sud, plus conservateur, qui a plébiscité Marzouki. Des régions affichent des scores staliniens pour l’un ou pour l’autre candidat : 70% des voix à Nabeul ou Tunis pour Essebsi, 88% à Tataouine en faveur de Marzouki.
«Il est très important que l’unité nationale soit recomposée et reconstituée. Nous tendons la main à tous les acteurs politiques car nous avons les mêmes défis», souligne Mohsen Marzouk. Dimanche soir, Essebsi se voulait rassembleur. «La Tunisie a besoin de tous ses enfants car la tâche est éprouvante et on ne pourra s’en sortir que dans l’union, main dans la main», a-t-il lancé. Les défis sont nombreux pour le camp vainqueur. Il faudra d’abord former un gouvernement stable. La tâche s’annonce compliquée pour Nidaa Tounes, le parti laïc d’Essebsi, arrivé en tête des législatives (85 sièges sur 217), mais avec une majorité relative (40% des sièges à l’Assemblée). Il lui faudra des alliés pour construire une majorité et déterminer son modus vivendi avec d’Ennahdha qui, avec 69 sièges, est incontournable, notamment pour les grandes réformes à venir. Le défi économique s’annonce le plus pressant : inflation, chômage, déséquilibre entre les régions… Les attentes sont fortes. «Il faudra redonner confiance aux gens, qu’ils sentent que l’Etat est là et que leur vie va changer», souligne Mahmoud ben Romdhane, un cadre de Nidaa Tounes. La situation est d’autant plus compliquée que les finances publiques sont à la peine. Il faudra donc d’abord relancer l’investissement, notamment étranger, et le tourisme.
Jihadistes. Les nouveaux responsables sont aussi très attendus sur le dossier sécuritaire et la lutte antiterroriste. A la frontière algérienne, des groupes armés installés dans les montagnes commettent régulièrement des attaques, cantonnées pour l’heure aux forces de sécurité. Le voisin libyen, pris dans le chaos, est devenu une base de repli pour les jihadistes tunisiens et les filières du crime organisé. Avec 2 000 à 3 000 jeunes partis combattre en Syrie et en Irak, les Tunisiens y constituent le premier contingent de jihadistes étrangers.
Dans une vidéo visiblement tournée en Syrie, trois Tunisiens ralliés à l’Etat islamique revendiquent, pour la première fois, l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, deux leaders de gauche tués en 2013. Et menacent : «Nous allons revenir pour assassiner beaucoup d’entre vous. Vous n’allez plus vivre en paix tant que la Tunisie n’est pas régie par l’islam et gouvernée par la charia.» Les chantiers sont, enfin, institutionnels : il faudra mettre en place une Cour constitutionnelle, la décentralisation instituée par la nouvelle loi fondamentale, organiser rapidement des élections municipales, probablement d’ici à la fin de l’année 2015.
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