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Vu à la télé : Daoud relance le débat

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    Vu à la télé : Daoud relance le débat



    Tandis que l’affaire Daoud fait grand bruit dans la rue, elle est superbement ignorée par la télévision publique. Pas un mot sur la fatwa du prédicateur salafiste contre le romancier, grand espoir de la littérature algérienne, qui a pourtant soulevé un large mouvement de contestation et de dénonciation de la part de la société civile, des intellectuels, des artistes.

    Pas une allusion sur la gravité de son acte qui a fait ressurgir les vieux démons de la terreur et de l’intimidation, alors que des chaînes privées ont eu le courage de ne pas taire le fait en invitant sur le plateau le chroniqueur du quotidien d’Oran. Mais est-ce une simple question de courage ? En fait, le silence de l’Unique est celui observé honteusement par les officiels qui considèrent la violence verbale du représentant du courant islamiste radical comme un banal fait divers. Mis à part trois ministres qui ont eu des réactions différentes, le gouvernement dans son ensemble n’a pas jugé utile, en effet, de clarifier sa position.

    La belle image de cohésion qu’il a voulu donner a même volé en éclats avec les réactions de quelques ministres téméraires qui auront pris leurs responsabilités de s’impliquer, mais avec des nuances notables et une lisibilité quelque peu équivoque qui renseignent sur l’absence de liberté – et de pensée – qui leur est laissée pour s’exprimer devant des cas aussi graves. Il y a d’abord le ministre de la Communication à qui il faut reconnaître le mérite d’avoir été le moins fuyant en condamnant fermement la sentence diabolique du prédicateur intégriste.

    Il y a ensuite la condamnation du ministre du Commerce qui, pour ne pas gêner (ou impliquer) le gouvernement, a préféré faire endosser sa position par son parti, le MPA, histoire de jouer sur deux tableaux avec beaucoup de subtilité. Il y a enfin la sortie attendue du ministre des Affaires religieuses qui aura été un chef-d’œuvre de posture amalgamée dans laquelle chacun trouvera son compte. S’il dénonce l’acte irraisonnée de l’islamiste, il conseille en revanche au romancier la vigilance pour ne pas sombrer dans les rets des sionistes qui cherchent à faire de l’Algérie une deuxième Libye.

    Le clin d’œil est adressé à quelques signataires figurant dans une pétition en faveur du combat de Daoud pour la liberté d’expression, parmi lesquels celui de l’innommable BHL rejeté par tous les Algériens et qui, effectivement, ne rate pas une occasion pour se refaire une virginité démocratique alors qu’il est connu pour être l’un des plus grands ennemis du monde arabe et musulman. L’intrusion de ce triste individu qui ne fait plus recette dans son propre pays dans un vaste mouvement de solidarité en faveur du chroniqueur algérien peut-elle être un motif d’influence intellectuelle pour amener notre ministre des Habous à être aussi maladroit et aussi confus dans son intervention pour distinguer le vrai du faux ?

    Là aussi, on pense que nos dirigeants formatés à la configuration de la réconciliation nationale confondent tout, et, plus grave, perdent leurs repères quand il s’agit d’aller vers la vérité. Contrairement à un intellectuel de renom comme Addi Lhaouari, l’auteur du fameux concept de la régression féconde, qui n’a pas hésité un instant pour défendre l’essence de la notion de liberté que représente Daoud à travers ses opinions et ses prises de position, nos officiels préfèrent nager dans l’ambiguïté pour éviter de s’impliquer, surtout lorsqu’il y a des carrières à défendre.

    Au demeurant, c’est tout le système construit par Bouteflika qui se nourrit de cette ambiguïté pour prolonger son règne. Il se trouve cependant que le régime rencontre toujours des intellectuels sur son chemin pour lui rappeler qu’entre l’intégrisme qui veut renvoyer l’Algérie au moyen-âge et le courant démocratique qui milite avec la force de ses convictions pour instaurer un projet de tolérance , de progrès et d’ouverture sur le monde, le débat de fond est loin d’être achevé.

    Si la survivance d’illuminés comme l’imam qui trouve naturel de lancer des appels au meurtre contre des personnes ayant des opinions contradictoires est encore une réalité dans notre pays, l’émergence brutale du jeune écrivain algérien qui a fait honneur à son pays dans une émission française grand public dans la scène politico-idéologique est là aussi pour conforter tous les démocrates épris de liberté que le combat pour changer le cours historique de l’Algérie est plus que jamais d’actualité. Entre le conservatisme violent de l’un et la faconde culturelle de l’autre, la réflexion philosophique pour transformer le vivre ensemble est désormais grande ouverte.

    Le romancier a servi de déclic à un vaste mouvement de solidarité participative pour lequel, hélas, la classe politique ne semble pas encore se décider vraiment. En effet, mis à part deux ou trois partis et quelques personnalités politiques, la grande chaîne d’implication partisane tarde à venir. On pense surtout aux partis d’opposition qui ne cessent de réclamer le changement pour une Algérie plus démocratique, où la liberté d’expression et les droits de l’homme dans toute leur perception seront respectés. L’affaire Daoud, au-delà de son aspect criminel qui doit mener l’auteur de la fatwa devant la justice, pose en réalité le problème du conflit idéologique qui s’éternise dans notre société.

    Une société qui a besoin d’un projet clair et équitable pour assumer son devenir, mais qui bute toujours sur la valse-hésitation de ses principaux acteurs. Les partis de l’opposition, y compris bien sûr ceux appartenant au camp islamiste mais qui défendent les valeurs démocratiques, n’ont plus le droit de tergiverser quand il faut défendre l’intérêt suprême de la nation. Et cet intérêt ne peut dériver vers l’obscurantisme, même s’il a la couverture des gouvernants sous prétexte qu’il reste indispensable pour garantir la paix et la stabilité.

    Abderezak Merad

    El Watan
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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