Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Fellag - Espoir, es-tu las?

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Fellag - Espoir, es-tu las?

    Espoir es-tu las? les éditions JC Lattès
    Avant son prochain spectacle " Bled runner" programmé pour le début de 2015, Fellag arrive avec un livre, nous invitant à la revue du demi-siècle indépendant de l'Algerie.

    Dans une entrevue au magazine Le point, Fellag décrit comment lui est venue l'idée d'écrire ce livre.

    Le Point Afrique : Comment est née l’idée de ce livre ?

    Fellag : J’avais écrit deux petites répliques sur l’Espoir qui me trottaient dans la tête sur un cahier
    et je les ai laissées dormir. Quand le président Bouteflika a annoncé sa candidature l’an dernier,
    j’ai repris ce cahier pour raconter plus précisément l’histoire de cet Espoir en Algérie.
    Le déclencheur a donc été cette candidature qui avait à l’époque suscité un tollé général dans l’opinion.
    Mais je ne voulais pas faire un livre sur ce seul sujet. Ce qui m’intéressait, comme pour mes spectacles, c'était de raconter les choses de l’intérieur, du point de vue des gens. Voilà pourquoi les événements sont écrits de façon linéaire afin de décrire au mieux le ressenti des Algériens après 50 ans d’indépendance. Cette candidature a seulement été le prétexte pour raconter quelque chose de plus large. Je voulais faire le bilan émotionnel de notre indépendance.

    La forme du livre vous permet-elle de dire des choses que vous ne pouviez pas dire sous la forme de spectacle ?

    Je ne voulais pas en faire un spectacle. Je l’ai volontairement écrit sans description aucune pour que le lecteur entre tout de suite dans l’intimité de ce pays à travers les dialogues de deux personnages.
    Le personnage de Deux réinvente 50 ans d’indépendance pour l’expliquer à Un, ce garçon qui regarde vers l’avenir.
    Deux lui raconte le passé d’un pays sous la forme d’une fable réaliste. Je voulais faire voyager les lecteurs à travers l’intimité de ce peuple, montrer comment il a intériorisé tous les traumatismes d’une histoire post-indépendance.
    Le spectacle suppose une autre écriture, peut-être plus légère à cause du ressort comique,
    et ce que je n’arrive pas à jouer sur scène, sous forme d’écriture scénique, je l’écris dans mes livres.

    Peut-être aussi que ce que vous racontez dans ce livre ne prête pas à rire ?

    Oui, c’est fantaisiste, mais ce n’est pas fait pour rire.
    Il y a aussi un côté fable qu’on retrouve dans la tradition de la Commedia dell’arte.
    Cet Espoir que je décris est une espèce de Scapin, d’Arlequin qui est malmené par le pouvoir,
    mais qui n’est lui-même pas très honnête et se range derrière le premier venu qui prend le pouvoir.
    Il est protéiforme et va en fonction de ses intérêts immédiats, il est séducteur mais est vite séduit.
    C’est un escroc, roublard, hâbleur, porteur de tous les rêves et on ne peut se fier à lui.
    Espoir garde aussi une vraie candeur : il se fait lui-même avoir, est mis parfois en prison,
    est malmené, mais il revient à chaque fois, et à chaque réapparition, le peuple croit de nouveau en lui,
    et lui-même croit en lui-même. Mais un jour arrive où Espoir ne croit même plus en lui-même et finit par fuir l’Algérie dans un exil malheureux. Cet espoir, tel qu’il a été exhibé par tous les régimes autoritaires du monde, finit par se déserter lui-même.

    Vous brisez un mythe fondamental, celui de l’ère Boumediene qui reste pour beaucoup d’Algériens l’âge d’or du rayonnement international du pays…

    Oui sur le plan international, à l’époque de Boumediene, l’Algérie avait certainement sa place.
    Les Algériens en étaient fiers mais la fierté est un sentiment qui s’évapore.
    Il ne faut pas confondre la fierté et la réalisation des rêves. Dans la construction du pays,
    Boumediene a été à l’origine de la cassure de l’enseignement, de la censure, de l’administration sclérosée.
    Tout ce que vit aujourd’hui l’Algérie vient de cette fermeture sur soi qui a fait notre malheur.
    Il a imité l’espoir mais n’était pas l’espoir. Mais plus largement, l’espoir a vite été mis en berne dès l’indépendance, avec la lutte des factions qui ont miné le pays. Ce sont les mêmes qui ont joué de l’espoir et continuent à gouverner depuis 52 ans.

    Pensez-vous que la guerre civile soit vraiment finie ?

    L’assassinat d’Hervé Gourdel n’a-t-il pas démontré qu’il reste des foyers de terrorisme encore très actifs ? Globalement, la paix est revenue et heureusement. Mais ce qui s’est passé avec ce terrible acte dépasse le seul cadre de l’Algérie. Avec l’éclatement de la Libye, la guerre en Syrie, l’Algérie est prise dans un contexte internationalisé de djihadisme. La vraie crainte des Algériens est que ces années noires puissent revenir car rien, au fond, n’a été réglé par la signature en 1999 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui a mis fin à la décennie sanglante. On a certes arrêté cette guerre civile, on a relancé les affaires, mais le peuple subit toujours le chômage et l’absence d’espoir. Ce terrible épisode a mis sur les genoux le peuple algérien qui n’a plus le choix qu’entre la peur du retour du chaos et la passivité dans une société encore fermée.

    L’espoir a-t-il définitivement quitté l’Algérie ?

    Les Algériens réinventent tous les jours leur propre espoir, loin de l’ersatz officiel.
    Ils ont compris qu’il ne faut pas suivre l’espoir brandi par les politiques mais chercher l’espoir en eux.
    Et puis l’espoir peut aussi venir des membres de la diaspora algérienne qui se tournent aussi vers le pays de leurs parents. Il y a un frémissement, quelque chose dans l’air.
    Certes le système est très rigide encore et pèse beaucoup sur la société algérienne. Mais je suis confiant, l’espoir renaît toujours de ses cendres en Algérie.

    H.Mechai Le Point
    Dernière modification par humani, 27 décembre 2014, 17h46.
Chargement...
X