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La presse algérienne victime des jeux de pouvoir

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    « L'ÉPOQUE » a cessé de paraître. Inspiré du Canard enchaîné, le journal a mis la clé sous le paillasson faute d'annonceurs privés. Le marché publicitaire est pourtant florissant, grâce au boom économique généré par un pétrole à 60 dollars le baril. Le Matin, le quotidien d'opposition au président Bouteflika a disparu il y a deux ans. Son directeur, Mohammed Benchicou est sorti de prison en juillet après avoir effectué une peine de 24 mois de réclusion. Il signe désormais une chronique hebdomadaire dans Le Soir. Dans sa dernière tribune, consacrée à la visite de Nicolas Sarkozy à Alger, il interpelle encore et toujours le pouvoir : « Le peuple n'a-t-il pas autant besoin d'une repentance pour les crimes commis avant 1962 que pour les injustices qu'il endure depuis 1962 ? Car vous, messieurs, qui vous pardonnera ? »

    Le caricaturiste Ali Dilem continue à croquer le président algérien en nain assis dans un trône trop grand pour lui et à brocarder les militaires présentés comme les parrains d'un système mafieux. Mais son journal, Liberté, a été repris en main. Le conseiller en communication du groupe industriel auquel il appartient n'est autre que le colonel Hadj Zoubir, un ex-haut responsable des services spéciaux. Lorsqu'il oeuvrait au Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le bras politique de l'armée, ce gradé aux faux airs de Groucho Marx avait en charge la surveillance des médias.

    Remise au pas après la réélection d'Abdelaziz Bouteflika en avril 2004, la turbulente presse privée algérienne a été «recadrée ». « J'ai été traîné sept ou huit fois devant la justice. J'ai pris trois mois de prison avec sursis pour avoir remplacé les médailles d'un général par des euros », précise Hichem alias Le Hic, le dessinateur du Soir. Après des années de guérilla judiciaire, Le Hic a été amnistié comme l'ensemble de ses confrères par le chef de l'État. En 2005, au plus fort de l'offensive contre les médias, pas moins de 18 journalistes encouraient des peines d'emprisonnement pour des délits d'offense au président de la République ou de diffamation des institutions.

    Depuis un ressort s'est cassé. Les traditionnelles blagues algériennes en vogue sous le parti unique et durant les années d'insurrection islamiste ont disparu. L'air du temps n'est plus à la dérision.

    La plupart des journaux restent regroupés à la Maison de la presse, dans une ancienne caserne. À l'exception de l'arabophone el-Khabar et du francophone el-Watan, les titres phares de la presse privée, les journaux sont toujours imprimés sur des rotatives appartenant à l'État. Apparus à la fin des années 1980, les principaux quotidiens ont pris position avec virulence contre les islamistes durant la guerre civile. Ils étaient accusés par les réconciliateurs de faire le jeu du régime. De nombreux journalistes sont tombés sous les balles des groupes armés.

    L'arbitraire demeure

    Directeur d'el-Watan, Omar Belhouchet a été la cible d'un attentat en 1994. Son journal sert aujourd'hui de tribune aux voix discordantes. « Bouteflika a revu sa copie. Les attaques en règle contre la presse ont cessé depuis l'arrivée d'un nouveau ministre de la communication même si l'arbitraire demeure, comme le prouve l'affaire Aït Larbi (lire ci-dessous) », affirme-t-il.

    Voila une semaine, el-Watan s'est permis de faire la manchette sur la santé du président. « Les doutes concernant la capacité physique du chef de l'État à assumer pleinement et continuellement ses responsabilités ont tendance à se faire nombreux et à s'exprimer de plus en plus au grand jour y compris à travers des médias pourtant réputés proches du palais présidentiel », expliquait le journal. Impertinence ? Ou volonté de relayer les préoccupations de différents compartiments du pouvoir qui prépareraient la succession ? « Ni l'un ni l'autre. Personne ne m'a appelé pour dire ce qu'on devait écrire ou pour protester. On a relevé que des journaux proches du pouvoir évoquent la maladie de Bouteflika, rien de plus », commente Omar Belhouchet. « Mais si Bouteflika part, le système va rester le même », poursuit-il désabusé.

    Souvent suspecté de faire le jeu des clans militaires, la presse privée se trouve en face d'un vide. Elle manque d'interlocuteurs institutionnels tandis que certains de ses journalistes « bien informés » servent de relais aux « services ». « La majorité des journalistes était avec les militaires durant l'insurrection islamiste. Mon journal a été suspendu pour quelques mois après l'arrêt du processus électoral en 1991 mais l'interdiction a duré huit ans », assure Hamida Ayachi, l'atypique directeur du quotidien arabophone Djazaïr News. « L'ancienne génération fait trop de commentaires. Son discours idéologique lui donne l'illusion d'avoir un impact sur la réalité » poursuit-il. Moins politisés, les jeunes journalistes de Djazaïr News se veulent plus en phase avec une société algérienne en mutation. « Nos lecteurs lisent en arabe et regardent aussi bien al-Jezira que TF1 », affirme Hamida Ayachi. Dans son bureau trône un portrait de l'émir Abdel Kader. Dans celui d'Omar Belhouchet figure en bonne place un tirage de la photo symbole de « La Madone », prise par Hocine, le photographe de l'AFP après le massacre de Benthala en 1997. Il est un peu jauni.

    source: Le Figaro
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