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Le livre: Black Blanc Beur

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    Black Blanc Beur : « Le communautarisme vient d'en haut »
    Dans Black Blanc Beur..., Stéphanie Marteau et Pascale Tournier enquêtent sur la difficulté des élites françaises à accepter la société telle qu'elle est.
    Les préjugés de la France d'en haut et son refus d'ouvrir son club fermé contrastent en effet avec les exhortations en faveur de la "diversité" et du "métissage" qu'elle assène à la France d'en bas.




    Black Blanc Beur... (La guerre civile aura-t-elle vraiment lieu ?, Stéphanie Marteau, Pascale Tournier, Albin Michel Et si, pour comprendre ce qui se passe dans les banlieues, ou, plus précisément, ce qui ne se passe pas dans les banlieues, il fallait plutôt arpenter les salons ministériels que les cages d'escalier des cités ?

    C'est l'idée qui guide l'enquête de deux journalistes, Stéphanie Marteau et Pascale Tournier, publiée par Albin Michel sous le titre Black Blanc Beur... (La guerre civile aura-t-elle vraiment lieu ?). Et, au fil de la lecture de ce livre très documenté, on se dit que cette idée est éclairante pour comprendre les ratés de la machine intégratrice française.

    Première observation des enquêtrices à l'issue des dizaines d'entretiens qu'elles ont eus avec ceux que l'on appelle -souvent abusivement- les "décideurs" : "L'immense majorité (des responsables) sont des hommes, blancs, bourgeois, et au minimum quinquagénaires". Ainsi, ceux-là mêmes qui se lamentent du "retard français" en ce qui concerne l'intégration des populations issues de l'immigration et de ce qu'il est plus généralement convenu d'appeler "les minorités" ne semblent guère s'appliquer les bons principes qu'ils professent volontiers.

    De ce point de vue, Black Blanc Beur... fourmille d'anecdotes aussi drôles que consternantes. Comme cet aveu angélique de Blandine Kriegel, la présidente du Haut Conseil à l'Intégration (HCI) : "J'ai découvert, étudiante, la question de la différence par une amie directrice du CNRS. Elle m'a invitée à dîner dans un restaurant marocain dans le quartier latin. Je me souviens lui avoir dit : un pays qui mange comme ça ne peut être qu'une grande civilisation". Blandine Kriegel ne dit pas si cette méthode imparable s'applique par exemple aux Etat-Unis...

    Stéphanie Marteau et Pascale Tournier ne sont pas tendres envers le HCI dont elles critiquent l'approche des questions d'intégration, souvent simpliste. " Pour le HCI plus exactement, un Arabe, en France, est un modèle d'intégration républicaine, une victime ou un islamiste". Un travers que les deux journalistes ont souvent observé dans le discours des "élites" qui, nourri de clichés et de poncifs médiatiques, balance d'un extrême à l'autre et ignore l'immense majorité des situations vécues, "comme s'il n'existait rien entre Zidane et une primo-arrivante mariée de force".

    Cette vision réductrice imprègne aussi le discours de l'association Ni ***** Ni Soumises. Le livre analyse en profondeur le succès médiatique -et financier !- de cette création artificielle aussi populaire chez les people du showbiz qu'elle est absente du terrain dans les cités. Stéphanie Marteau et Pascale Tournier font ainsi la lumière sur les casseroles de cette association (antécédents judiciaires d'un dirigeant, embrouilles immobilières, récupération éhontée du drame vécue par Samira Bellil, auteur du livre Dans l'enfer des tournantes...) et ses liens organiques avec le Parti socialiste.

    Les partis politiques ne sont pas épargnés par cet essai mordant qui montre bien les difficultés qu'ils rencontrent pour favoriser l'accès à des militants issus des "minorités visibles" aux fonctions électives. Et pourtant, ce n'est pas faute de bonne volonté si l'on en croit ces propos de François Hollande rapportés par un "camarade" issu de l'immigration : "Moi-même, je fais mon possible. Ma secrétaire s'appelle Yasmina et mon chauffeur Rachid".

    Difficile de traiter les ambitions des uns et des autres sur un pied d'égalité quand on applique allègrement la ségrégation au niveau local. Le livre soutient l'idée que "le communautarisme vient d'en haut" et que les quinqua-sexagénaires qui sont aux affaires continuent d'appliquer une vision héritée du colonialisme qui tend à segmenter la population selon son origine pour répondre de façon clientéliste aux attentes prêtées à chaque catégorie. Un mode de gestion théorisé à gauche par Georges Frêche et à droite par Manuel Aeschlimann, le maire sarkozyste d'Asnières. Stéphanie Marteau et Pascale Tournier auraient pu tout aussi bien prendre l'exemple de Bertrand Delanoë à Paris.

    Si le monde politique est désolant, le sursaut pourrait bien venir de l'entreprise où le pragmatisme l'emporte sur les préjugés. Au-delà des phrases creuses (du genre "donner plus à ceux qui ont moins"...) sur la discrimination positive -dont les promoteurs se gardent bien d'expliquer comment ils comptent la mettre en oeuvre- les entreprises savent en effet qu'elles devront compter sur tout le monde pour renouveler leurs effectifs à l'heure où la génération du baby-boom passera la main. Pourquoi ne parle-t-on jamais de tous ces enfants d'origine maghrébine qui, après être certes souvent entrés par la petite porte (intérim, CDD...), font leur trou dans les entreprises en se tenant à l'écart du dilemme bidon "être Zidane ou une racaille islamiste" ?

    Les dirigeants, en France, ont du mal à appréhender le pays tel qu'il est aujourd'hui. Il suffit de se rappeler de cette grotesque remise de prix sous patronage ministériel aux "Français venus de loin" pour récompenser des citoyens français le plus souvent nés de l'autre côté du périf... Il est sans doute vrai, comme l'écrivent Stéphanie Marteau et Pascale Tournier, que les institutions ont surtout un problème avec les musulmans -leur récit édifiant des coulisses de la commission Stasi tend à le montrer- ce qui ne manque pas de surprendre dans une république laïque qui ne devrait voir que des citoyens sans considération de leur appartenance confessionnelle.

    On regrettera juste que les deux auteurs de Black Blanc Beur... ne questionnent pas davantage l'attitude des "jeunes des cités", où du moins de leurs représentants autoproclamés, dans un livre où ils sont décrits comme un tiers-état ostracisé. Car, comme l'a dit avec raison Alain Soral, ils sont quand même un peu responsables de leur mauvaise image dans la société française et des conséquences qui en découlent. Peut-être justement parce qu'ils ne contrôlent pas une image façonnée par d'autres qu'eux qui les considèrent d'en haut...

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    Stéphanie Marteau, Pascale Tournier, Black Blanc Beur... (La guerre civile aura-t-elle vraiment lieu ?, Albin Michel, 16€.
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