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« Deux poids, deux mesures »Explosion des actes islamophobes. Et derrière, quelles condamnations ?

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  • « Deux poids, deux mesures »Explosion des actes islamophobes. Et derrière, quelles condamnations ?

    Après les événements dramatiques des 7, 8 et 9 janvier, deux faits sont en nette augmentation :
    • les condamnations pour apologie de terrorisme
    • et les actes islamophobes.
    Chaque jour, la liste des peines exemplaires,infligées aux personnes coupables d’avoir loué les actions terroristes des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly s’allonge.
    Chaque jour aussi, la liste des délits ou crimes commis contre la communauté musulmane du pays explose. Mais on ne connaît que très rarement l’issue judiciaire de ces dernières procédures.

    Le ministère de la Justice recense 399 procédures pénales ouvertes depuis l’attaque contre Charlie Hebdo. Sur ce total, 126 procédures pour « apologie d’acte de terrorisme » et « provocation à la haine raciale » ont été ouvertes. Mais les actes islamophobes ne sont pas comptabilisés en tant que tels. Le cabinet de Christiane Taubira explique à Rue89 :
    « Les actes islamophobes sont intégrés aux 399 procédures, mais nous n’avons pas les détails. Si c’est une mosquée taguée, cela sera considéré comme une atteinte à un bien, conformément au code pénal. »
    128 actes islamophobes depuis les attentats

    L’Observatoire national contre l’islamophobie tient toutefois une comptabilité précise, communiquée sur la base des plaintes déposées auprès de la police et de la gendarmerie hors Paris et petite couronne. Au total, ils recensent entre le 7 et le 20 janvier, 128 actes islamophobes :
    • 33 actions (contre des mosquées notamment) ;
    • 95 menaces (insultes, etc.).
    Un chiffre record qui devrait largement dépasser la totalité des actes islamophobes – les chiffres concernant Paris et sa banlieue seront intégrés en février – recensés sur toute l’année 2014 (133).
    Pour avoir des détails sur ces procédures, mieux vaut être très très patient. D’abord parce que dans la plupart des 128 cas, les auteurs des crimes ou délits n’ont pas encore été interpellés. Et lorsque les principaux suspects sont retrouvés, les parquets ne souhaitent pas communiquer sur les affaires en cours. Joint par Rue89, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, le regrette :
    « Lors d’une réunion avec le ministère de l’Intérieur jeudi, j’ai demandé à ce que l’on puisse avoir un compte-rendu de la Chancellerie sur les procédures et les condamnations. »
    Le plus souvent, il s’agit de mosquées taguées (des croix gammées dessinées sur celles de Chalon-sur-Saône ou de Louviers par exemple) ou de musulmans insultés et parfois agressés.

    Croix gammées sur la mosquée de Louviers (Eure) (DR)

    Interpellés, mais laissés libres

    Des incendies criminels ont également touché certains lieux de culte comme à Poitiers , Aix-les-Bains... Plus grave encore, certaines mosquées ou commerces tenus par des musulmans ont essuyé des tirs ou subi des explosions.
    Rue89 a donc entrepris de recenser des détails sur les interpellations et condamnations judiciaires liées à ces procédures. Nous avons contacté plus d’une dizaine de parquets, différentes associations et le ministère de la Justice. Quatre cas sont déjà documentés :
    • A Poitiers, un homme de 38 ans a tagué « Mort aux Arabes » sur le portail de la mosquée. Interpellé le lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, le suspect s’est excusé en évoquant « un acte imbécile ». « Bouleversé par cet acte terroriste », il est passé à l’acte très alcoolisé, a rapporté le procureur de Poitiers. Le parquet a toutefois estimé qu’il pouvait rester en liberté :
    « Il sera convoqué devant le tribunal correctionnel, mais nous le laissons libre jusqu’à sa comparution. »
    • Le 12 janvier dernier à Rodez (Midi-Pyrénées), un homme aurait, selon le site Centre Presse, fait irruption dans la mosquée de la ville, muni d’un bâton, et aurait proféré des insultes à l’encontre de plusieurs pratiquants. Interpellé le soir même alors qu’il tentait de prendre la fuite, il a été relâché. Le parquet précise à Rue89 :
      Pas d’islamophobie pour une 5e interpellation
      Le 8 janvier dernier, après une minute de silence qui s’est tenue au lycée L’Oiselet de Bourgoin-Jallieu (Isère), un lycéen de 17 ans d’origine maghrébine a selon la presse locale, été frappé par un groupe de quatre ou cinq personnes sur un parking voisin, après avoir essuyé des insultes racistes. Un médecin lui a prescrit trois jours d’ITT et les agresseurs ont été placés en garde à vue.
      Contacté par Rue89, le parquet précise qu’il n’a pas retenu le caractère islamophobe de l’agression :
      « Après enquête, nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait pas de connotation raciale lors de cette agression. La victime n’avait d’ailleurs pas d’apparence nord-africaine. Une seule personne est poursuivie pour agression et sera jugée le 10 juin prochain. »


    « Nous avons procédé à une perquisition chez cet individu qui semble par ailleurs souffrir de problèmes psychiatriques. Mais nous n’avons trouvé aucun bâton et personne n’est venu pour témoigner au commissariat. Le dossier sera donc classé sans suite. »
    • A Toulouse, c’est un homme armé d’un couteau de cuisine qui aurait fait irruption devant la grande mosquée pour « tuer un musulman ». Interpellé le 9 janvier, l’homme attendait une éventuelle expertise psychiatrique. A-t-il été remis en liberté en attendant son procès ? Est-il déjà passé en comparution immédiate ? Le parquet de la ville rose ne souhaite faire « aucun commentaire ».
    • La salle de prière musulmane de Delle dans le Territoire de Belfort a peut-être elle aussi évité le pire. Un homme de 45 ans a été mis en examen pour menaces contre un lieu de culte et détention de produits dangereux. Lors de la perquisition de son appartement le 12 janvier, les gendarmes ont retrouvé une armoire pleine de produits chimiques dont le mélange peut constituer un engin incendiaire ou explosif, ainsi que deux détonateurs. L’homme est « très très connu des services de police, notamment pour avoir détruit par explosif un bâtiment voici une quinzaine d’années à Belfort » mais le procureur a toutefois estimé qu’il n’était pas nécessaire de le placer en détention et a ordonné un simple contrôle judiciaire. Sollicité, le parquet n’a pas voulu donner suite.
    Une justice laxiste face à l’islamophobie ?

    Si ces procédures ne sont pas nombreuses par rapport à la totalité des actes islamophobes, elles interpellent. En effet, les personnes poursuivies pour apologie du terrorisme ont, elles, dans la majorité des cas, été placées en détention avant de comparaître devant un juge. Et pour les personnes jugées, les condamnation à de la prison ferme s’accumulent.
    Contactée par Rue89, la porte-parole du collectif contre l’islamophobie en France, Elsa Ray, se dit « même pas étonnée par ce déséquilibre » :
    « Hélas, sur le terrain nous remarquons qu’il y a souvent deux poids, deux mesures. Il y a des peines fermes s’agissant des autres délits et crimes racistes ou d’apologie du terrorisme et nous nous en félicitions.
    Mais lorsqu’il s’agit d’islamophobie, les victimes peinent à déposer plainte (la police décide souvent d’une simple main courante). Et lorsqu’il y a des condamnations, elles sont souvent très faibles. »
    nouvelobs
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