Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Des chercheurs français réactivent un virus fossile

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Des chercheurs français réactivent un virus fossile

    Si les virus appartenaient au domaine du vivant, on pourrait dire de Phoenix qu'il a été ressuscité. Mais les chercheurs ne s'entendent toujours pas pour faire une place aux virus sur l'arbre de la vie. Tout ce qu'on peut écrire est donc que des chercheurs français ont "reconstitué" un rétrovirus - baptisé Phoenix - dont on sait qu'il a infecté un lointain ancêtre d'Homo sapiens, voilà plusieurs millions d'années. Non que des particules virales aient été retrouvées sur d'anciens fossiles : pour réaliser cette "reconstruction", publiée dans la dernière édition de la revue Genome Research, les chercheurs de l'Institut Gustave-Roussy n'ont fait que réactiver certains fragments du génome humain.

    L'intérêt majeur de ce travail réside dans une meilleure connaissance du rôle que pourraient jouer ces rétrovirus dans le développement des cancers.

    Pour comprendre comment les chercheurs s'y sont pris, il faut savoir qu'un rétrovirus a la capacité, une fois qu'il a pénétré une cellule, d'en contaminer l'ADN avec le sien. Ainsi, lorsqu'un tel virus infecte un gamète (spermatozoïde ou ovule), son génome se retrouve naturellement intégré à celui transmis par l'individu infecté à sa descendance.

    Ce processus s'est produit à de nombreuses reprises dans l'histoire évolutive de l'homme. A tel point que, si étonnant que cela puisse paraître, "notre génome est composé pour environ 8 % de séquences génétiques provenant d'une centaine de familles de rétrovirus", explique Thierry Heidmann, directeur de l'unité Rétrovirus endogènes et éléments rétroïdes des eucaryotes supérieurs (CNRS, Institut Gustave-Roussy et université Paris-XI), l'un des auteurs de Phoenix. Il y a donc du virus dans l'homme. Comme, d'ailleurs, dans le reste du monde vivant.

    Une fois intégrées au génome de l'hôte, ces séquences génétiques virales (aussi appelées "rétrovirus endogènes") s'y copient en plusieurs endroits. Avec, dans chaque copie, de petites variations par rapport à l'original. Ainsi, pour reconstituer Phoenix, explique M. Heidmann, "nous avons aligné plusieurs copies - donc plusieurs "versions" - des séquences en question pour parvenir à déterminer la "copie-consensus" la plus susceptible d'être la progénitrice de toutes les autres".

    La reconstitution de Phoenix n'est pas allée sans d'infinies précautions. "Nous avons procédé en plusieurs étapes, en testant d'abord l'infectivité de l'enveloppe du virus, c'est-à-dire sa capacité à entrer dans la cellule. Cette infectivité s'est révélée extrêmement faible, précise M. Heidmann. Ensuite, nous avons génétiquement modifié le virus de façon à ce qu'il ne puisse pas se répliquer dans la cellule infectée."

    Ces vestiges viraux présents dans le génome ne s'expriment pas. En tout cas pas dans les cellules saines. Dans celles-ci, dit M. Heidmann, "il existe des moyens de réprimer l'expression de ces séquences génétiques, notamment par le biais de certaines protéines".

    Des travaux publiés en 2005 dans Cancer Research ont compliqué ce tableau, suggérant l'implication des rétrovirus dans les mécanismes de développement de certains cancers. "Au microscope électronique, nous avons observé dans les cellules d'un mélanome de souris la présence de particules virales, résultat de l'expression d'un rétrovirus endogène de la même famille que Phoenix, dit M. Heidmann. Après avoir "éteint", par des techniques d'interférence ARN, les séquences génétiques en question, nous avons noté que la tumeur cessait de croître ou ralentissait fortement sa croissance."

    Selon les chercheurs de l'Institut Gustave-Roussy, ces rétrovirus endogènes ne seraient pas liés au déclenchement du cancer, mais pourraient jouer un rôle dans la prolifération des cellules cancéreuses. "Nous pensons que le déclenchement de cancers pourrait perturber les mécanismes de répression des rétrovirus endogènes, explique M. Heidmann. Leur expression pourrait ensuite favoriser la croissance de la tumeur." L'étude de Phoenix devrait permettre une meilleure compréhension de ces mécanismes.

    - Le Monde
Chargement...
X