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Quel impact a la baisse des cours du pétrole sur l’économie marocaine?

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  • Quel impact a la baisse des cours du pétrole sur l’économie marocaine?

    Le cours de pétrole ne cesse sa dégringolade (baisse de 50% depuis juin dernier) pour s ‘établir à des niveaux historiquement bas (moins de 50 $). Une mauvaise nouvelle pour les pays producteurs dépendant des pétro-dollars. En revanche, c’est une bonne nouvelle pour les pays importateurs. Quels sont les impacts d’une conjoncture aussi favorable sur l’économie marocaine ?

    Tout d’abord, le premier gagnant ce sont les équilibres macroéconomiques. Comme tout un chacun sait, l’essentiel du déficit public est nourri par les charges de compensations, lesquelles sont absorbées à 85% par les produits pétroliers. Sur la période 2003-2010, la facture énergétique, en moyenne, a représenté près de 8% du PIB. Dans ces conditions, il est clair qu’une détente des cours à l’international allégera la pression sur le budget de l’État. D’ailleurs, pour 2014, 12,5 milliards de DH ont été économisées sur les dépenses de compensation. Selon le FMI, si les cours continuent leur tendance baissière, ou du moins ils se stabilisent au niveau actuel, et compte tenu de la décompensation (baisse des charges de la compensation), il est vraisemblable, toutes choses égales par ailleurs, qu’en 2014 il sera autour des 5%. Et dès l’année 2015, le déficit budgétaire du Maroc pourrait descendre en dessous des 4% pour se rapprocher progressivement du seuil optimal de 3%.

    En conséquence, si la tendance baissière des cours des hydrocarbures continue, cela permettra au Maroc de poursuivre le redressement de ses équilibres macroéconomiques qui ont été particulièrement malmenés entre 2010 et 2012. La baisse du déficit budgétaire permettra aussi de stopper la spirale d’endettement dans laquelle le pays s’est engagé ces deux derniers années pour atteindre plus de 60% du PIB. Et sans aucun doute, cela libérera des ressources pour l’investissement source de création de richesse et d’emplois, ce qui se traduira par une stimulation de la croissance économique. Par ailleurs, étant donné que les importations se font en devises, la baisse des cours permettra au Maroc aussi de reconstituer ses réserves de change sans parler de l’effet positif sur la balance commerciale (dont le déficit a baissé de 14% jusqu’au mois de novembre 2014) et celle des paiements. Enfin, l’inflation importée sera également davantage maîtrisée car la baisse du coût de l’énergie se traduira aussi par la baisse du coût de revient des produits importés. L’amélioration des indicateurs macroéconomiques est susceptible de redorer le blason de l’économie marocaine à l’international, ce qui lui permettra d’augmenter son attractivité auprès des investisseurs étrangers et des marchés financiers internationaux.

    En plus des équilibres macroéconomiques, et sous l’hypothèse que les cours de pétrole continuent sur la tendance baissière, il est clair que cela va profiter au pouvoir d’achat des ménages marocains et à la compétitivité des entreprises marocaines, du fait du mécanisme d'indexation partielle sur les produits pétroliers. Surtout que l’on sait que le carburant (et donc l’énergie) est un produit particulier, dont les variations ont un impact généralisé, direct et indirect, sur l’ensemble des secteurs d’activité économiques, à tous les niveaux de la chaîne de valeur (production, logistique, fonctionnement…). Cela veut dire que les trois premiers postes du budget du ménage marocain vont être impactés positivement, à savoir l’alimentation (40%), le transport et l’énergie (17% tous les deux). Autrement dit, 57% du budget du ménage marocain sera touché par cette baisse, ce qui va stimuler de manière substantielle les dépenses des ménages. Or, cela est non seulement un facteur de stabilisation sociale, mais aussi un coup de pouce à la croissance économique dans la mesure où l’augmentation de la consommation des ménages, stimulera aussi la demande interne qui représente les deux tiers de la croissance économique. Le même effet positif sera, toutes choses égales par ailleurs, du côté des entreprises (particulièrement celles grandes consommatrices en produits pétroliers) qui pourront améliorer relativement leur compétitivité grâce à la baisse du coût de l’énergie. Les économies réalisées renforceront leurs marges de financement, ce qui va leur permettre à terme, si la baisse continue, d’investir et d’augmenter leur productivité. Cela ne sera que bénéfique pour l’économie marocaine grâce à la stimulation de la consommation et de l’investissement, pourvu que les prix continuent de baisser. Cela dit, si l’impact au niveau macroéconomique est souvent immédiat, celui au niveau microéconomique, des ménages et des entreprises, pourrait prendre plus de temps. Ces effets positifs seront tributaires de la proportion dans laquelle les baisses des produits pétroliers seront répercutées sur les prix des biens et services.

    Ceci étant dit, cette baisse du cours de pétrole pourrait être aussi porteuse de risques non négligeables si cette conjoncture favorable n’est pas bien gérée par nos responsables. En effet, la baisse des prix pourrait inciter à la surconsommation puisque l’énergie est devenue bon marché, aussi bien chez les ménages que les entreprises. Cela pourrait inciter à ne pas rationaliser leurs comportements et à ne pas chercher des sources d’énergie alternatives et moins chères. Autrement dit, cette baisse si elle dure dans le temps pourrait ralentir la transition énergétique au Maroc. De même, le Maroc qui compte sur les investissementsdes pétrodollars, pourrait voir les flux des IDE lui étant adressé s’amenuiser, car ces pays en l’occurrence ceux du Golf vont être obligés de renter dans une phase d’austérité budgétaire impliquant bien évidemment des coupes dans les budgets d’investissement. Bien sur on n’en est pas encore là, mais c’est un risque à prendre en considération si ces pays commencent à puiser dans leurs réserves accumulées jusque là grâce au pétrole cher. Toujours en matière d’investissement, les projets de prospection pétrolière au Maroc risquent, si le pétrole reste bon marché, d’être reportés ou mis en stand by par les compagnies étrangères en attendant des jours meilleurs. En effet, pour être rentable, le pétrole offshore du plateau continental a besoin d’un prix du marché supérieur à 40 dollars le baril, et l’offshore profond 52 dollars. Or au Maroc la majorité des prospections sont en offshore, ce qui signifie que si la dégringolade continue en-dessous des 50$, les projets de prospection au Maroc pour l’année 2015 risquent de connaitre un net ralentissement.

    Somme toute, si les retombées d’une baisse des cours de pétrole, sous réserve de leur persistance, seront positives pour relancer la croissance marocaine, le bon sens voudrait que le gouvernement ne soit pas aveuglé par cette embellie conjoncturelle. Au lieu de continuer avec le même modèle de fonctionnement, le Maroc doit investir ses économies exceptionnelles dans les réformes structurelles, dans l’innovation et la technologie ainsi que le capital humain afin réussir sa transition énergétique. Seule voie pour garantir son émancipation par rapport aux fluctuations conjoncturelles et en même temps consolider la résilience de l’économie marocaine face aux chocs exogènes.

    libre Afrique
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