Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le pétrole plonge, les métaux coulent

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le pétrole plonge, les métaux coulent

    Alors que le monde a les yeux rivés sur le cours du pétrole, qui a chuté de 60% en 6 mois, nombre de métaux industriels ont perdu entre un tiers et la moitié de leur valeur en 2014. Certains facteurs baissiers sont communs, entre autres un dollar fort et une offre qui a crû bien au-delà de la demande. Mais chaque métal, du minerai de fer à l’aluminium, a aussi sa propre histoire à raconter.

    A première vue, l’histoire des métaux est la même que celle du pétrole : l’envolée des cours liée à l’explosion de la demande chinoise dans les années 2000 a déclenché des investissements massifs dans le secteur. Comme il faut dix ans pour ouvrir une mine, ces nouvelles capacités se déversent maintenant sur un marché qui a sérieusement changé de profil. Mais ce n’est pas toujours la faute de la Chine. Même si le ralentissement de sa croissance vient effacer tout espoir d’absorption des surcapacités développées par les sociétés minières.

    Car en ce qui concerne les métaux, c’est bien de surplus lié à l’offre qu’il s’agit. Prises dans leur ensemble, les matières premières ont perdu 27 % de leur valeur en un an. Et la tendance devrait durer, au point de pousser Goldman Sachs à abaisser sa prévision sur le secteur et lui préférer les marchés actions pour les trois mois à venir. Entre 2013 et 2014, les sept matières (charbon thermique, minerai de fer, charbon métallurgique, coke, phosphates, potasse et bauxite) qui composent l’indice de référence de l’analyste londonien CRU ont perdu conjointement 200 milliards de dollars en valeur. Le cours de référence du minerai de fer a dégringolé de 50 % en un an, le cuivre et le plomb ont perdu 20 % en six mois.

    Cette baisse est due, en partie, à la chute des cours du pétrole, qui vient alléger sensiblement les coûts de la filière, notamment en abaissant le coût du transport et les coûts énergétiques liés à la première transformation. Ce prix de l’énergie représente 40 % du coût de production de l’aluminium, 37 % de celui du fer, 33 % du nickel et 18 % du cuivre. Elle est aussi favorisée par la hausse du dollar, dont l’évolution est (schématiquement) inversement proportionnelle à celle des matières : la plupart de ces dernières étant cotées dans la monnaie états-unienne alors que leurs coûts sont en monnaie locale, les producteurs obtiennent à nombre de billets verts constants un meilleur change en devises, ce qui assouplit leurs exigences.

    Ces deux facteurs mis à part, "je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un mouvement global dans lequel on aurait un contre-choc général qui serait lié au ralentissement de l’activité en Chine. C’est une lecture à laquelle je ne peux pas adhérer", tempère Philippe Chalmin, le fondateur du Cercle Cyclope qui édite chaque année le rapport du même nom. Effectivement, à bien y regarder, chaque métal a sa propre histoire.

    Le minerai de fer est le plus emblématique. Si la sidérurgie chinoise a bien ralenti la cadence récemment – de nombreuses aciéries ont avancé leurs opérations annuelles de maintenance autour du Nouvel An chinois – les importations de minerai de fer en Chine (932 millions de tonnes) ont tout de même crû de 13,87 % en 2014. Les vrais responsables de la dégringolade du prix du minerai et, partant, de l’acier [lire l’entretien avec Marcel Genet page 30], sont les géants miniers eux-mêmes. Le brésilien Vale (300 millions de tonnes par an), les anglo-australiens Rio Tinto (290 Mt), BHP Billiton (255 Mt) – qui contrôlent à eux trois 60 % du marché export – et l’australien Fortescue (160 Mt) se sont lancés dans une course aux records de production. Appliquant la même stratégie que les pétroliers du Golfe, en privilégiant les parts de marché au détriment des marges, ils comptent sur la fermeture de mines chez les petits producteurs pour réduire l’offre mondiale et faire remonter les prix.

    COURSE AUX VOLUMES

    Ce que Philippe Chalmin qualifie de "politique totalement suicidaire" menée par les grands mineurs qui ont augmenté "de manière démentielle leurs capacités". En conséquence, la banque australienne Macquarie prévoit l’arrivée sur le marché de 100 Mt cette année, après un surplus de 87 Mt en 2014. Dans le peloton de tête, la course aux volumes s’accompagne d’une réduction drastique des coûts. Rio Tinto reste titulaire du record du prix de revient le plus bas (20,40 dollars la tonne). Selon Paul Gait, analyste chez Bernstein, Rio est désormais concurrencé par Vale, dont les frais de port sont une composante plus importante du coût total. La minière brésilienne est capable d’acheminer en Chine une tonne de minerai pour 6 dollars de moins que l’australienne BHP, dont la route maritime est pourtant beaucoup plus courte.

    Le cuivre, lui, raconte d’autres dérives : celles liées à la spéculation et au détournement d’usages. Utilisé comme garantie de prêts bancaires, le métal rouge sert aussi de "dollars solides" dans les pays où l’achat de devises est proscrit. Loin des fondamentaux de l’offre et de la demande industrielle, le scandale de Qingdao et la vente massive et coordonnée par les fonds d’investissement chinois en janvier illustrent l’opacité entretenue à dessein sur les stocks. "Les autres métaux, en revanche, sont plutôt à la hausse, qu’il s’agisse du zinc, de l’aluminium ou du nickel", rappelle Philippe Chalmin. Ces deux derniers métaux présentant, eux aussi, des cas de figure très particuliers.

    Au London Metal Exchange, le cours de l’aluminium lui-même est relativement stable. Mais ce cours ne reflète qu’une partie de la réalité. Il faut lui ajouter une prime de disponibilité du physique ("prime lingot"), qui continue à grimper en raison du fort déséquilibre géographique entre un surplus chinois mal quantifié et un déficit dans le reste du monde. En Europe et aux États-Unis, il est aggravé par la forte demande des secteurs automobile et aéronautique, friands de ce métal qui répond à leurs exigences d’allégement. Même si les défenseurs de l’acier rappellent que le coût énergétique d’une caisse en blanc en aluminium ne sera jamais rattrapé, malgré des économies de carburant réalisées sur toute la durée de vie de la voiture. Sans compter le surcoût financier, que le consommateur lambda n’est pas forcément prêt à supporter.

    Le nickel, enfin, réaffirme le droit des pays en développement à bénéficier de leurs ressources. Deux solutions s’offrent à ces pays : la revalorisation des royalties perçues par l’État ou la transformation sur place, créatrice de revenus fiscaux. Le Niger pour son uranium et la Zambie pour son cuivre ont choisi la première. L’Indonésie a choisi la seconde, en décrétant un embargo sur les exportations de minerai brut de nickel, destiné à conserver la création de valeur ajoutée sur le sol national. Une annonce qui a fondamentalement modifié le marché, qui passe d’un surplus de 36 000 tonnes à un déficit de 12 000 tonnes (6 % de la production mondiale), selon le producteur japonais Sumitomo Metal Mining. Il faut rappeler que l’Indonésie est le premier producteur mondial, en concurrence avec les Philippines.
    Dans toute leur diversité, ces métaux racontent une même histoire. Celle de la fin d’un fonctionnement de cartel entre les sociétés minières, qui ont longtemps soutenu les prix collectivement, même lorsque les coûts d’extraction étaient relativement faibles. Dans ce nouveau chapitre, où chacun essaie de compenser en volume le resserrement de ses marges, il n’y aura pas de place pour les petits poucets...

    usine nouvelle
Chargement...
X