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Avec ses Rafale, la France torpille la révolution égyptienne

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  • Avec ses Rafale, la France torpille la révolution égyptienne

    Entre la sanglante répression s'abattant sur les opposants égyptiens et l'opportunité de vendre enfin son Rafale à l'étranger, la France a tranché. En annonçant la conclusion lundi d'un gigantesque contrat de 24 avions de chasse Rafale et d'une frégate Fremm avec l'Égypte du président Abdel Fattah al-Sissi, pour un montant de 5,2 milliards d'euros, Paris réalise le plus grand coup commercial de l'Égypte post-révolutionnaire. Mais elle consacre définitivement son coup d'État contre l'ex-président Mohamed Morsi le 3 juillet 2013. Et apporte son blanc seing à la sanglante répression de toute opposition menée par le nouvel homme fort de l'Égypte, notamment les Frères musulmans : en un an et demi, 1 400 partisans de Morsi ont été tués, au moins 15 000 emprisonnés et plusieurs centaines condamnés à mort.

    Se félicitant de la grande nouvelle, le président François Hollande a précisé dans un communiqué que l'État français s'était "pleinement engagé dans cette négociation" et, "par son implication", "avait permis les conclusions de ce contrat". "Ces équipements permettront à l'Égypte d'accroître sa sécurité et de jouer tout son rôle au service de la stabilité régionale", a précisé le chef d'État. Car les priorités de la France ont changé dans la région.

    Nouvelle donne géopolitique

    Autrefois soutien, bien que timide, des révolutionnaires égyptiens, Paris possède désormais en la personne de leur bourreau, le président Abdel Fattah al-Sissi, l'un des rares partenaires stables et puissants pour contrer l'essor du groupe État islamique, aujourd'hui présent dans le Sinaï égyptien et jusque dans l'est de la Libye. De même, les États-Unis ont décidé dès l'année dernière de reprendre leurs livraisons d'armes au Caire, suspendues à la suite de la destitution de l'ex-président Morsi.

    Conscient de cette nouvelle donne géopolitique, le Premier ministre égyptien Ibrahim Mahlab n'a pas boudé son plaisir en annonçant cette semaine à Dubaï que son pays "poursuivait son devoir d'éradiquer les racines du terrorisme dans le monde arabe". Problème, le mot "terrorisme" revêt une définition plutôt large chez les autorités égyptiennes. Il englobe aussi bien les djihadistes du groupe Sinaï, Ansar Beït al-Maqdess, auteur de nombreux attentats contre les forces de sécurité égyptiennes, que les Frères musulmans, organisation politique islamo-nationaliste qui a remporté toutes les premières élections démocratiques en Égypte avant d'être chassée du pouvoir.

    Révolution confisquée

    Pire, cette "paranoïa sécuritaire" vise désormais les forces libérales laïques. Fer de lance de la révolution égyptienne de 2011, le Mouvement de la jeunesse du 6 avril pourrait bientôt être classé sur la liste des "organisations terroristes". Deux de ses fondateurs, Ahmed Maher et Mohamed Adel, demeurent emprisonnés depuis plus d'un an pour avoir appelé à manifester. Car, au nom de la lutte contre le terrorisme, les autorités du Caire ont instauré en novembre 2013 une nouvelle loi interdisant tout rassemblement - ou manifestation - non autorisé préalablement par le ministère de l'Intérieur.

    Et les réfractaires doivent payer le prix fort. Le 24 janvier, Shaima al-Sabagh, 34 ans, a été abattue à la chevrotine alors qu'elle participait à une marche pacifique rendant hommage aux martyrs de la place Tahrir, théâtre de la révolution égyptienne. Les images de la militante socialiste, sombrant, le visage ensanglanté, dans les bras de son ami ont fait le tour du monde, symbole d'une révolution confisquée. Nombre de témoins, mais aussi les organisations de défense des droits de l'homme, accusent un policier de l'avoir tuée, ce que dément le gouvernement, qui a ordonné une enquête.

    "Répression sans précédent depuis trente ans" (Amnesty)

    Entre le 23 et le 26 janvier, à l'occasion des manifestations commémorant les quatre ans de la révolution, "les autorités égyptiennes ont tenté de dissimuler la mort d'au moins 27 personnes", affirme dans un communiqué Amnesty International. "Cinq cents manifestants, parmi lesquels deux personnes handicapées et des enfants, ont été incarcérés dans des centres de détention non officiels à travers le pays." Cette répression "sans précédent depuis trente ans" devrait, selon l'ONG, "conduire la France à opposer un veto à d'éventuelles ventes d'armement à l'Égypte".

    Cette demande, déjà formulée à maintes reprises par Amnesty, est une nouvelle fois tombée dans l'oreille d'un sourd. Lors de la visite à Paris d'Abdel Fattah al-Sissi en novembre dernier, François Hollande n'avait pas eu le moindre mot pour la spectaculaire dégradation des droits de l'homme en Égypte, certainement dans l'optique du juteux contrat à venir. Une stratégie qui s'avère payante aujourd'hui, consacrant enfin ce fleuron de l'industrie aéronautique française dans le monde. Une excellente nouvelle pour l'économie française, mais qui heurte tous ceux qui, dans le monde, croyaient encore que la France était la patrie des droits de l'homme.


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