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Kamel Daoud. Assia Djebbar peut encore vivre si on le veut

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  • Kamel Daoud. Assia Djebbar peut encore vivre si on le veut

    Assia Djebbar peut encore vivre si on le veut

    Chouyoukhs contre écrivains. Imams contre livres. Fatwas contre fictions. La fin du monde contre le monde. La mort contre le conte.

    Le pays a choisi, un peu, parfois, souvent. D'un côté les écrivains, chassés parfois, morts tellement de fois, exilés, forcés, réduits ou transformés en caricatures d'eux-mêmes ; de l'autre la montée triomphante et dopée de ces armées des « Savants » qui tuent le monde par la langue, salissent la vie et transforment une religion en sexologie de malades.

    D'un côté l'écriture qui cherche du sens sans tuer l'homme, restitue la dignité, l'énigme ou la gravité, de l'autre ceux qui veulent tuer la femme, la liberté, la promenade et le corps et le sens. Le pays, entre le gouffre et le roman, le rite et la rature, un livre et tout les autres livres. Question de fond : le pays a-t-il besoin de ses écrivains ? Presque pas.

    A quoi sert un écrivain dans un pays où la fiction n'est pas tolérée ? Où la fiction est sommée ou soupçonnée ? Où l'imaginaire n'est pas un droit mais le diable ?

    A quoi sert l'écriture quand on répète que tout est dit dans un seul et unique livre ? A quoi sert de faire rêver quand on proclame que tout se passe après la mort et la fin du monde et pas avant ? A quoi sert le roman face au monologue de l'Histoire et à l'inquisition du religieux ? Que veut dire raconter l'homme quand le seul héros est un Dieu ou un Calife ? Qui est Assia Djebbar ? Elle a si peu de traces dans les manuels scolaires, les livres, la vie, les rues, les têtes des enfants et nos écoles et villes et sentiment de fierté hors-hydrocarbures. Comme beaucoup d'écrivains algériens. Et il suffit de feuilleter les manuels scolaires pour s'en convaincre. Elle est morte depuis si longtemps d'ailleurs. Elle n'est pas une chanteuse algéro-égyptienne pour que Bouteflika daigne lui rendre hommage. Elle fait partie de l'oubli organisé et du dédain. Elle est élue de l'Académie française, immortelle chez eux mais depuis longtemps morte chez nous. Comme d'autres. Elle ne sied pas au mythe national confectionné ni au Califat qui s'est installé dans les rues du pays. Elle a trois torts : elle est femme libérée par la langue d'autrui, elle a rencontré la vie en France et dans le monde, elle est algérienne profondément. Donc elle est morte en Algérie depuis longtemps et on a tout fait pour qu'elle ne soit pas modèle, icône, voix et voie chez elle.

    Assia Djebbar est l'écrivain. A l'hymne à la vie qu'il propose, on lui préfère le rite pour décrocher l'éternité. A l'interrogation qu'il défend, on lui préfère la soumission. A la gloire qu'il apporte au pays, on lui oppose l'indifférence ou l'insulte. A la liberté qu'il exerce, on lui oppose le soupçon sur ses croyances, ses appartenances ou ses raisons cachées.

    A l'imaginaire dont il veut maintenir la nécessité, on lui répond par le haussement d'épaules ou l'inculture sale. Il ne faut pas se le cacher : l'hommage sera bref, le livre ne sera pas lu, l'autodafé continuera. Et entre les rues aux noms des Martyrs et les mosquées aux noms des gens d'Arabie, Assia Djebbar ne donnera son nom qu'à sa propre tombe en Algérie ; sauf pour ceux qui veulent encore donner la vie en rouvrant ses livres là où le pays se ferme. Les écrivains algériens étaient déjà mal vus par un régime inculte et méfiant, ils sont désormais déclarés inutiles dans le califat qui se construit sous nos yeux.

    Défendons leurs vies, leurs œuvres, leurs mémoires. Ils sont une possibilité de salut. Une source de fierté et le lieu de la rencontre avec soi et avec le reste du monde.

  • #2
    Le texte est de toi Bachi?

    Sinon quoi dire, tout est resume dans ce texte.

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    • #3
      Gingerman

      Hélàs, non. Comme le titre l'indique, c'est de K. Daoud.

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      • #4
        Une autre chronique sublime

        .
        La chronique de Kamel DAOUD

        31 janvier
        .


        Allah est Grand, l'Arabie est très petite, Michelle est belle

        Cheveux contre Royaume. Titre d'un poème possible ou déjà épuisé. Ou de l'actualité. A l'enterrement d'un autre Roi d'Arabie, il y a eu le monde et le monde entier. Entre autres, Michelle Obama et son époux. Moment d'interrogations protocolaires : ira-elle cheveux nus ou voilée ? La première dame du monde a opté pour les cheveux nus, face à des monarques aux cheveux cachés et aux femmes enterrées. Le message était direct car, en Indonésie, la dame avait pris soin de se couvrir la tête. Donc il s'agissait d'un message et pas seulement d'une coiffure. Il s'agissait de rappeler que dans ce Royaume qui s'est accaparé la Mecque, l'Islam et le lever de soleil, les femmes étaient voilées, cachées, enterrées, frappées, interdites de conduire, de décider, de se promener dans l'univers seules, de voyages (sauf accompagnées ou avec un bracelet électronique comme du bétail tatoué. Sur le net, certains amateurs du déni ont insisté pour présenter le nouveau roi comme un héros musulman (il abandonne le couple américain pour aller faire sa prière) cela ne change rien : Michelle Obama est venue tête nue, a été reçue, on n'a pas osé la voiler comme on ose avec les Saoudiennes que l'on met dans les sachets noirs, on lui a souri, elle a dit et rappelé que ce pays est absurde, tue, condamne la fabrication des bonhommes de neige, lapide, décapite en plein rue. Allah est Grand mais l'Arabie peut se faire toute petite pour ses protecteurs. C'est bien. Cela rappelle, malgré la «couverture» qu'apporte l'Occident à ce pays tueur de liberté, qu'il est la matrice du mal du siècle, fabrique du kamikaze et lieu de naissance des fatwas, des dérives et de cet Islam wahhabite qui veut étendre le désert et ses bédouins au reste des géographies. En ce sens, Michelle a fait mieux que son Amérique.


        Car face à l'Arabie Saoudite, l'Occident a parlé par deux voix de femmes. D'un côté les cheveux de Michelle Obama et, de l'autre, la concubine Christine Lagarde. «De façon très discrète, c'était un fervent défenseur des femmes», dira-t-elle après la mort du roi saoudien Abdallah, vendredi dernier. Une Saoudienne fouettée n'aurait pas dit mieux sous la torture. Chérazade qui ne raconte rien justement pour ne pas être décapitée. «Mille et une nuits» insonores. Tapis écrasés, lampes à pétrole sans magie, quarante voleurs fréquentés et honorés. C'est ainsi. De cet enterrement, retenons les cheveux de Michelle, la prosternation de Christine, le silence de Aïcha et le dos de Raef Badawi.

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        • #5
          Très beau texte sur Michelle Obama et l'ignominie saoudite...


          En attendant, il me semble que beaucoup de monde est entrain de mourir ces derniers temps sauf .......la momie d'El Mouradia
          Il a trouvé la fontaine de jouvence ou s'est-il cogné le cou aux crocs d'un vampire ?!!!
          مالي و للناس كم يلحونني سفها
          ديني لنفسي و دين الناس للناس

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          • #6
            Elle ne sied pas au mythe national confectionné ni au Califat qui s'est installé dans les rues du pays. Elle a trois torts : elle est femme libérée par la langue d'autrui, elle a rencontré la vie en France et dans le monde, elle est algérienne profondément. Donc elle est morte en Algérie depuis longtemps et on a tout fait pour qu'elle ne soit pas modèle, icône, voix et voie chez elle.
            mani fahem walou !
            Je ne sais que dire ..
            Ce passage m'intrigue au plus haut point !..
            Comment peut-on être le modèle d'une société dont nous sommes à la base détachés ???
            La preuve.. la défunte Assia Djebar a stipulé que son corps ne transite pas par la mosquée

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            • #7
              Salem Amigo, l'monde d'ici et d'ailleurs.

              Amigo,
              Y'a de la lecture chez mister propreoeilfermé

              la défunte Assia Djebar a stipulé que son corps ne transite pas par la mosquée
              Elle avait vraiment demandé ça!!!!!...
              Et alors, pourquoi on avait prié sur sa dépouille!!!!!..
              Dernière modification par Egomis, 15 février 2015, 22h48.

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              • #8
                mani fahem walou !
                Je ne sais que dire ..
                Moi non plus.Ce journaliste menestrel m'intrigue beaucoup.

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                • #9
                  Salam .. entendu AmiGo

                  La réponse est oui ..
                  Pour revenir à la question .. qui rejette qui dans ce pays ?..

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