Près d’une année après l’élection présidentielle d’avril 2014, le président de la République est de plus en plus absent en raison de sa maladie. Le pays peut-il s’accommoder de cette situation qui est partie pour durer ?
C’est une question très vaste. Beaucoup de choses se sont passées depuis l’élection présidentielle à l’échelle du monde, sur le plan régional et dans notre pays également. Nous ne vivons pas en autarcie. Et si, jusqu’à il n’y a pas longtemps, nous étions plus ou moins en dehors de la crise du système capitaliste et de ses impacts terrifiants, maintenant nous sommes rattrapés.
Mais revenons à la question de la présidentielle elle-même, parce que cela nous donne un éclairage pour la suite. Le 17 avril 2014 s’est exprimé chez l’ensemble des Algériennes et des Algériens — quel que soit le choix de chacun, ceux qui ont voté tout comme ceux qui se sont abstenus — donc à l’unanimité le peuple a décrété la chose suivante : il n’y aura pas de chaos en Algérie, pas de printemps arabe, parce que tout le monde voit maintenant qu’il s’agit, en fait, de chaos. C’était grandiose comme démonstration, pour nous-mêmes et pour le reste du monde. Rappelez-vous le discours qui consistait à dire, aux USA et en France notamment, que l’Algérie allait sombrer dans le chaos le 17 avril.
Eh bien non, le peuple algérien a dressé un rempart, affirmant que l’intégrité de ce pays, son indépendance et la souveraineté nationale sont la ligne rouge. Nous ne serons ni la Côte d’Ivoire ni le Kenya et encore moins la Libye ou la Syrie. Partant de là, le peuple algérien ayant pris ses responsabilités, il est tout à fait normal que chacun attende qu’on réponde à ses aspirations sur le terrain économique et social. Parce que même si beaucoup de choses ont été faites dans le cadre de la reconstruction du pays, de la relance de l’économie, du développement humain, les frustrations demeurent pour de larges couches dans la société, des disparités énormes persistent, car les acquis sociaux arrachés, qui étaient le produit de grèves et autres mouvements sociaux, n’ont pas été suivis d’une refonte de la politique sociale et salariale.
Quand on sait qu’il y a encore des familles entières qui «vivent» avec 3000 DA ou que des dizaines, voire des centaines de milliers d’Algériens travaillent depuis 20 ans pour 6000 DA alors qu’il y a des gens qui brassent des milliards pompés des fonds publics, des banques publiques et à travers le patrimoine public quand on arrive à un tel écart si provocateur, il faut s’attendre à tout, parce que cela devient insupportable.
Sur le plan politique, il était évident que si les Algériens ont décidé que la priorité était à la souveraineté et l’intégrité du pays, pour autant l’aspiration à la démocratie véritable s’exprime depuis des décennies, avec force, pour qu’il y ait de vraies institutions crédibles, transparentes, un Etat de droit, la séparation des pouvoirs, une justice indépendante. Que les citoyens puissent exercer pleinement leurs droits politiques, le droit de s’exprimer, de s’organiser, de se réunir et de manifester, d’autant qu’en principe, l’état d’urgence a été levé. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier l’existence de poches de terrorisme, des dangers à nos frontières. Tout le pourtour de l’Algérie est en flammes. Nous sommes entourés de volcans, mais en même temps, l’Algérie a pu vaincre le terrorisme sans ingérence.
- Ne pensez-vous pas que la démocratie est reportée à chaque fois sous prétexte que le pays est menacé dans sa souveraineté ?
C’est une aberration de dire qu’il faut reporter la démocratie parce qu’il y a des dangers. S’il y a un moyen efficace pour éloigner les dangers extérieurs, pour immuniser le pays, c’est précisément de redonner la parole au peuple et qu’il exerce pleinement sa souveraineté. La démocratie est une condition pour immuniser le pays. Nous n’avons eu de cesse de le marteler.
Il y a la responsabilité de l’Etat, celle de l’armée et des services de sécurité quant à la protection du pays, mais cela ne saurait immuniser le pays s’il n’y a pas l’adhésion et la mobilisation populaire, c’est-à-dire restituer la parole au peuple pour qu’il puisse retrouver confiance en l’Etat algérien, pour qu’il puisse avoir une voie de recours à chaque fois que c’est nécessaire. Il faut reconstruire les liens positifs entre les citoyens et l’Etat, mis à mal par le système du parti unique et les privations et souffrances endurées pendant plusieurs décennies.
Nous avons mis cela au centre de la campagne présidentielle en expliquant que maintenant, il faut aller vers la IIe République qui ne signifie en aucun cas la rupture avec la Révolution, bien au contraire. Nous constatons que la Ire République est vraiment à bout de souffle d’autant plus que, malheureusement, elle se confond avec le système du parti unique. Il nous faut passer à l’ère de la démocratie, d’autant que cette question est devenue une arme de guerre à l’échelle internationale.
On ne peut pas prétendre défendre la souveraineté nationale, nous prémunir des ingérences et en même temps ne pas reconnaître le droit au peuple algérien d’exercer sa souveraineté pleine et entière. La IIe République c’est le parachèvement des objectifs de la Révolution algérienne, à savoir l’édification de l’Etat, des citoyens égaux en droits et en devoirs, un Etat démocratique souverain, avec toute la plénitude des prérogatives de souveraineté.
La rupture nette avec le système du parti unique, parce qu’il est toujours en place. Les institutions sont obsolètes, gangrenées par la corruption, les détournements de fonds et biens publics sont une menace de la mafia. Tous les nouveaux riches qu’on voit autour de nous ont fait leur beurre à la faveur du système du parti unique et, après, ils ont profité des privatisations, du Plan d’ajustement structurel et même du terrorisme.
Pendant que les Algériennes et les Algériens mouraient, que l’Etat concentrait son action dans la lutte contre le terrorisme, certains ont amassé des fortunes colossales avec la politique de bazardisation de l’économie et des soutiens à l’intérieur des institutions.
Dix mois se sont écoulés depuis avril 2014, le Président s’était engagé à introduire une réforme politique de fond, immédiatement après les élections ; il en avait parlé en 2011 déjà.
Il s’est engagé à édifier des institutions crédibles et incontestables. Mais cela n’a pas eu lieu lors des législatives et des locales de 2012, produits de la fraude généralisée. Cette réforme politique n’est pas encore soumise aux Algériennes et aux Algériens, pourtant c’est une urgence. Parce que nous sommes en train de constater le délitement de l’Etat algérien à cause de la jonction violente entre les institutions de la République et les nouveaux riches.
- Est-ce que le Président n’a pas tenu ses engagements ?
Concernant la réforme politique, jusque-là il ne les a pas tenus. C’est clair. Et nous disons qu’il doit les tenir. Cela s’appelle le respect du mandat.
- Pourquoi, justement, la révision de la Constitution tarde à voir le jour ?
Pour nous, il s’agit de la réforme de la Constitution si c’est une révision, c’est-à-dire quelques retouches ; un lifting par-ci par-là, ce n’est pas la peine ! Nous pensons qu’il est impératif d’opérer la rupture. Chaque jour qui passe est un jour de trop parce que dans la société, il y la décomposition, les trafics en tous genres, le gain facile.
La perte de repères est évidente comme produit de la décomposition qui a atteint les institutions. Les diplômés, les travailleurs qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts sont découragés quand ils voient les nouveaux riches arrogants, sans culture, exhibant le clinquant, les grosses voitures. C’est de la provocation, parce que la précarité est encore là, malheureusement. Et cela cause des tensions sociales en permanence.
C’est une question très vaste. Beaucoup de choses se sont passées depuis l’élection présidentielle à l’échelle du monde, sur le plan régional et dans notre pays également. Nous ne vivons pas en autarcie. Et si, jusqu’à il n’y a pas longtemps, nous étions plus ou moins en dehors de la crise du système capitaliste et de ses impacts terrifiants, maintenant nous sommes rattrapés.
Mais revenons à la question de la présidentielle elle-même, parce que cela nous donne un éclairage pour la suite. Le 17 avril 2014 s’est exprimé chez l’ensemble des Algériennes et des Algériens — quel que soit le choix de chacun, ceux qui ont voté tout comme ceux qui se sont abstenus — donc à l’unanimité le peuple a décrété la chose suivante : il n’y aura pas de chaos en Algérie, pas de printemps arabe, parce que tout le monde voit maintenant qu’il s’agit, en fait, de chaos. C’était grandiose comme démonstration, pour nous-mêmes et pour le reste du monde. Rappelez-vous le discours qui consistait à dire, aux USA et en France notamment, que l’Algérie allait sombrer dans le chaos le 17 avril.
Eh bien non, le peuple algérien a dressé un rempart, affirmant que l’intégrité de ce pays, son indépendance et la souveraineté nationale sont la ligne rouge. Nous ne serons ni la Côte d’Ivoire ni le Kenya et encore moins la Libye ou la Syrie. Partant de là, le peuple algérien ayant pris ses responsabilités, il est tout à fait normal que chacun attende qu’on réponde à ses aspirations sur le terrain économique et social. Parce que même si beaucoup de choses ont été faites dans le cadre de la reconstruction du pays, de la relance de l’économie, du développement humain, les frustrations demeurent pour de larges couches dans la société, des disparités énormes persistent, car les acquis sociaux arrachés, qui étaient le produit de grèves et autres mouvements sociaux, n’ont pas été suivis d’une refonte de la politique sociale et salariale.
Quand on sait qu’il y a encore des familles entières qui «vivent» avec 3000 DA ou que des dizaines, voire des centaines de milliers d’Algériens travaillent depuis 20 ans pour 6000 DA alors qu’il y a des gens qui brassent des milliards pompés des fonds publics, des banques publiques et à travers le patrimoine public quand on arrive à un tel écart si provocateur, il faut s’attendre à tout, parce que cela devient insupportable.
Sur le plan politique, il était évident que si les Algériens ont décidé que la priorité était à la souveraineté et l’intégrité du pays, pour autant l’aspiration à la démocratie véritable s’exprime depuis des décennies, avec force, pour qu’il y ait de vraies institutions crédibles, transparentes, un Etat de droit, la séparation des pouvoirs, une justice indépendante. Que les citoyens puissent exercer pleinement leurs droits politiques, le droit de s’exprimer, de s’organiser, de se réunir et de manifester, d’autant qu’en principe, l’état d’urgence a été levé. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier l’existence de poches de terrorisme, des dangers à nos frontières. Tout le pourtour de l’Algérie est en flammes. Nous sommes entourés de volcans, mais en même temps, l’Algérie a pu vaincre le terrorisme sans ingérence.
- Ne pensez-vous pas que la démocratie est reportée à chaque fois sous prétexte que le pays est menacé dans sa souveraineté ?
C’est une aberration de dire qu’il faut reporter la démocratie parce qu’il y a des dangers. S’il y a un moyen efficace pour éloigner les dangers extérieurs, pour immuniser le pays, c’est précisément de redonner la parole au peuple et qu’il exerce pleinement sa souveraineté. La démocratie est une condition pour immuniser le pays. Nous n’avons eu de cesse de le marteler.
Il y a la responsabilité de l’Etat, celle de l’armée et des services de sécurité quant à la protection du pays, mais cela ne saurait immuniser le pays s’il n’y a pas l’adhésion et la mobilisation populaire, c’est-à-dire restituer la parole au peuple pour qu’il puisse retrouver confiance en l’Etat algérien, pour qu’il puisse avoir une voie de recours à chaque fois que c’est nécessaire. Il faut reconstruire les liens positifs entre les citoyens et l’Etat, mis à mal par le système du parti unique et les privations et souffrances endurées pendant plusieurs décennies.
Nous avons mis cela au centre de la campagne présidentielle en expliquant que maintenant, il faut aller vers la IIe République qui ne signifie en aucun cas la rupture avec la Révolution, bien au contraire. Nous constatons que la Ire République est vraiment à bout de souffle d’autant plus que, malheureusement, elle se confond avec le système du parti unique. Il nous faut passer à l’ère de la démocratie, d’autant que cette question est devenue une arme de guerre à l’échelle internationale.
On ne peut pas prétendre défendre la souveraineté nationale, nous prémunir des ingérences et en même temps ne pas reconnaître le droit au peuple algérien d’exercer sa souveraineté pleine et entière. La IIe République c’est le parachèvement des objectifs de la Révolution algérienne, à savoir l’édification de l’Etat, des citoyens égaux en droits et en devoirs, un Etat démocratique souverain, avec toute la plénitude des prérogatives de souveraineté.
La rupture nette avec le système du parti unique, parce qu’il est toujours en place. Les institutions sont obsolètes, gangrenées par la corruption, les détournements de fonds et biens publics sont une menace de la mafia. Tous les nouveaux riches qu’on voit autour de nous ont fait leur beurre à la faveur du système du parti unique et, après, ils ont profité des privatisations, du Plan d’ajustement structurel et même du terrorisme.
Pendant que les Algériennes et les Algériens mouraient, que l’Etat concentrait son action dans la lutte contre le terrorisme, certains ont amassé des fortunes colossales avec la politique de bazardisation de l’économie et des soutiens à l’intérieur des institutions.
Dix mois se sont écoulés depuis avril 2014, le Président s’était engagé à introduire une réforme politique de fond, immédiatement après les élections ; il en avait parlé en 2011 déjà.
Il s’est engagé à édifier des institutions crédibles et incontestables. Mais cela n’a pas eu lieu lors des législatives et des locales de 2012, produits de la fraude généralisée. Cette réforme politique n’est pas encore soumise aux Algériennes et aux Algériens, pourtant c’est une urgence. Parce que nous sommes en train de constater le délitement de l’Etat algérien à cause de la jonction violente entre les institutions de la République et les nouveaux riches.
- Est-ce que le Président n’a pas tenu ses engagements ?
Concernant la réforme politique, jusque-là il ne les a pas tenus. C’est clair. Et nous disons qu’il doit les tenir. Cela s’appelle le respect du mandat.
- Pourquoi, justement, la révision de la Constitution tarde à voir le jour ?
Pour nous, il s’agit de la réforme de la Constitution si c’est une révision, c’est-à-dire quelques retouches ; un lifting par-ci par-là, ce n’est pas la peine ! Nous pensons qu’il est impératif d’opérer la rupture. Chaque jour qui passe est un jour de trop parce que dans la société, il y la décomposition, les trafics en tous genres, le gain facile.
La perte de repères est évidente comme produit de la décomposition qui a atteint les institutions. Les diplômés, les travailleurs qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts sont découragés quand ils voient les nouveaux riches arrogants, sans culture, exhibant le clinquant, les grosses voitures. C’est de la provocation, parce que la précarité est encore là, malheureusement. Et cela cause des tensions sociales en permanence.
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