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Présidentielles françaises: divorce avec la «middle class» ?

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  • Présidentielles françaises: divorce avec la «middle class» ?

    Toujours dominée par l’affrontement «Ségo-Sarko», l’élection pourrait connaître son lot de surprises avec une révolte des classes moyennes.

    A un peu moins de six mois du premier tour de l’élection présidentielle, la large désignation par le PS (60 % du vote interne) de Mme Royal comme candidate de cette formation donne le signal du véritable départ de la campagne. Responsable de second plan du Parti socialiste, Ségolène a réussi à mettre à bas tous les barons en affichant, toute de blanc vêtue, une seule certitude: «Je suis la seule à pouvoir battre Sarkozy». Le lendemain de sa désignation, les sondages lui donnent raison à 51 % contre 49 % pour son rival. Une étudesur l’image présidentielle du duo complète l’observation. Pour 42% des Français, contre 36%, Ségolène Royal ferait un meilleur président de la République que Nicolas Sarkozy. Le président de l’UMP paraît «avoir le plus d’autorité» (à 71 %), être «le plus compétent» (48 %), être «le plus capable de faire face à une crise internationale» (58 %), ou encore «représenter le mieux la France à l’étranger» (46 %). La candidate du PS pour la présidentielle est en revanche jugée par les sondés «la plus sympathique» (65 %), «la plus moderne» (49 %) et «la plus soucieuse de défendre (leurs) intérêts» (48 %).

    L’élection est loin d’être jouée

    On s’acheminerait donc vers un face-à-face Ségo-Sarko, la mère de famille contre l’hyperactif, la fille de la France profonde contre le fils d’un réfugié hongrois, la socialiste contre le libéral, le PS contre l’UMP ? «Ségo-Sarko ? Deux candidats du vide ! Ils ne parlent que de sécurité alors que les Français attendent des réponses sur ce qui les inquiète le plus, la mondialisation» rétorque Emmanuel Todt. Ce bouillant démographe, dérangeur d’idées, parfois visionnaire, peut se vanter d’avoir déjà à son actif, deux prévisions: il est le premier chercheur à avoir annoncé la chute de l’URSS et, dans un registre plus mineur, la victoire de Chirac en 1996 sur le thème de la rupture sociale.

    Porteurs ou non à leur tour, d’une «rupture», les deux têtes de liste actuelles devront chacune, ces prochains mois, se méfier de leur principal rival, et des autres ! Du côté de chez Sarkozy, la désignation de la très populaire Ségolène ne ravit évidemment pas. Pis, les Chiraquiens, Dominique de Villepin en tête et son ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, dite MAM, toujours en embuscade, vantent dorénavant les charmes de la démocratie interne du PS, «un parti où l’on peut débattre des idées, choisir librement son candidat», pour mieux marquer leurs différences et dénoncer le verrouillage imposé par Sarkozy. Car le président de l’UMP dirige sa formation comme le ministre de l’Intérieur qu’il est: une politique dirigiste, beaucoup de communication et peu de place à une possible opposition.

    Le chef de l’Etat lui-même n’a pas dit son dernier mot. Bernadette Chirac a laissé entendre que son mari allait se représenter. Si cette hypothèse laisse sceptique, elle n’est pas à écarter en cas de réelle aggravation de la situation internationale dans les prochains mois.

    En dehors des deux «grands» partis, qui n’ont représenté, rappelons-le, que 35 % des suffrages exprimés lors du 1er tour de la Présidentielle de 2002, subsiste toujours l’inconnue «Le Pen». Le leader de l’extrême droite, qui recueille 17 % de partisans dans les sondages, assure qu’il sera de nouveau présent au second tour. Il mise sur la présence du centriste François Bayrou, en hausse dans les sondages avec plus de 12 points et qui pourrait prendre des voix aux deux grands partis de gouvernement. Jean-Marie Le Pen mise aussi sur des divisions à gauche où les «anti-libéraux» de la «Gauche de la Gauche» peinent à présenter une candidature commune.

    Car le responsable du Front National a indéniablement séduit un électorat populaire. Celui-ci autrefois acquis au Parti Communiste, resté très méfiant vis-à-vis de l’économie libérale et de tous «ceux d’en haut», soutient facilement les candidatures «anti-système». L’allergie des couches populaires s’est étendue à la mondialisation. La «classe laborieuse» rejette dans le même mouvement la concurrence des entreprises étrangères, les délocalisations, l’immigration.

    Les catégories populaires portent également un regard soupçonneux sur les élus et les responsables politiques, les médias et les experts en tous genres, les chefs de grandes entreprises et les banquiers, la Haute administration... Bref, tout ce qui constitue ou s’autoproclame l’élite politico-financière du pays.

    Les classes moyennes rattrapées par la crise


    Pour manifester leur défiance, ces couches populaires s’abstiennent aux élections ou votent de préférence en dehors des grands partis, à l’extrême droite comme à l’extrême gauche.

    Dorénavant, les observateurs craignent que ce mouvement de contestation ne gagne les classes moyennes. Ce terme passe-partout désigne tout ce qui sépare dans la société «ceux d’en bas», ouvriers, employés, précaires.., des 10 % des Français les plus riches. Dans beaucoup de démocraties, les pouvoirs politiques s’appuient de façon préférentielle sur les classes moyennes, électeurs traditionnellement légitimistes.

    La «middle class» subit aujourd’hui la crise économique de plein fouet. Selon de nombreuses études parues récemment *, elle est maintenant persuadée que l’insécurité la gagne et que sa situation ne pourra que se dégrader. Pire, les parents de la classe moyenne craignent que leurs enfants connaissent une existence plus difficile: c’est la fin de «l’ascenseur social» qui laissait espérer une amélioration de condition entre générations d’une même famille.

    Au niveau individuel, l’absence d’avenir est devenue criante. Dans l’entreprise, les promotions sont devenues de plus en plus rares et la mobilité, le plus souvent forcée, ne garantit aucunement d’accéder à une rémunération supérieure. Dans les années 70, un salarié pouvait espérer un doublement de son salaire en vingt ans. Au rythme des augmentations de salaires actuelles, il lui faudrait maintenant... 140 ans ! Dans Paris intra-muros, cinq ans du salaire annuel net moyen permettait d’acheter 9 m² en 1986: seulement 4 m² aujourd’hui. La hausse de l’immobilier partout en France rend de plus en plus difficile l’acquisition d’un logement. L’héritage ne constitue même plus le viatique traditionnel à l’accession à la propriété: la taxation des droits de succession pénalisent principalement en France les revenus moyens.

    C’est une des contraintes auxquelles les Français fortunés ont appris à échapper grâce à une armée d’avocats et les appuis politiques nécessaires: le rôle qu’a ainsi joué l’Etat français dans la succession de l’empire Lagardère restera dans les annales.

    La vague de créations d’entreprises liées à l’innovation technologique, la montée en charge des métiers liés à la finance accentuent le fossé entre ceux qui ont la possibilité, au long de leur vie professionnelle, de constituer un capital et les autres. Comme dans beaucoup de pays, les écarts sociaux se creusent, quelles que soient les politiques de redistribution en oeuvre. Les menaces qui pèsent sur les systèmes sociaux portent pour l’essentiel sur les classes moyennes: elles en sont pourtant déjà les principaux contributeurs mais elles ne pourront pas se payer des systèmes de substitution. La dégradation des retraites, des systèmes de santé, des assurances sociales portent et porteront sur cette middle class qui ne peut que voir son niveau de vie se dégrader.

    Une telle montée de l’insatisfaction trouvera son expression politique. Et le malaise est mondial.

    La mondialisation au coeur des inquiétudes

    Larry Summers, ancien secrétaire d’Etat américain au Trésor s’interrogeait dans une tribune sur le faible soutien des classes moyennes à la politique économique actuelle: «On peut interpréter l’hostilité à la mondialisation comme une manifestation de résistance aux Etats-Unis en réaction aux mésaventures de l’administration Bush en politique étrangère, explique-t-il. Mais il y a une explication plus troublante: la prise de conscience que la classe moyenne n’a pas sa part des bénéfices de l’actuelle phase de croissance et que sa portion du gâteau pourrait même diminuer». Pour ce responsable des Finances, les premiers bénéficiaires de cette mondialisation, certes, sont quelques grands pays en voie d’émergence, mais les autres grands gagnants sont surtout des individus qui détiennent beaucoup d’actifs, actionnaires et dirigeants des sociétés multinationales, intermédiaires financiers.

    Tous les autres sont loin de bénéficier du système. Comme les grandes entreprises tirent les gains de productivité de l’emploi de technologies de pointe conjugué à celui d’une main-d’oeuvre à bas coût, les travailleurs ordinaires qui forment les gros bataillons de la classe moyenne du Midwest à l’Europe, en passant par l’Amérique latine, «sont laissés de côté».

    Face à la mondialisation, cette immense population cherche donc «désespérément soit du réconfort, soit un changement de cap». Pour l’ancien secrétaire d’Etat, les réponses des politiques à une classe moyenne anxieuse ne sont guère convaincantes. «Or, sans son appui, il est fort peu probable que l’ordre économique mondial actuel parvienne à durer».

    Par Pierre Morville, le quotidien d'Oran
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