Les signes d'un raidissement de Moscou s'accélèrent, tant en interne qu'au plan diplomatique, au point que de nombreux experts parlent de nouvelle guerre froide entre la Russie et l'Occident. Retour sur les étapes de cette stratégie de la tension.
Crise ukrainienne, accidents ou quasi-accidents aériens, opposants tenus en respect, tandis que d'autres sont assassinés, tel Boris Nemtsov. Les indices d'une nouvelle glaciation russe sont nombreux. Cela fait déjà dix ans que les prémices de cette nouvelle guerre froide sont apparus, estime un rapport publié par la Chambre des lords britannique en février, qui déplore le "somnambulisme" de l'Europe face à Moscou. La relation avec l'UE était basée sur un "postulat optimiste", analyse le document, selon lequel la Russie était engagée sur un chemin menant à plus de démocratie.
Mais peu après son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine a progressivement resserré sa poigne de fer sur son pays et fait obstacle aux velléités d'autonomie des ex-satellites de la Russie. Voici les principales étapes de cette nouvelle ère polaire.
2003 et 2004: les premiers opposants embastillés ou éliminés
Sur le plan intérieur, dès 2003, tous ceux qui se placent sur la route du président russe le paient cher. Le chef du parti "Russie libérale" Sergueï Iouchenkov, est le premier d'une longue série d'opposants mystérieusement assassinés, parmi lesquels la journaliste Anna Politkovskaïa qui dénonce la "sale guerre" en Tchétchénie, et l'ex-agent secret Alexandre Litvinenko. L'obstination de l'oligarque Mikhaïl Khodorkovski, à se lancer dans l'arène politique contre Poutine lui vaudra dix ans de camp.
2007: le discours de Poutine contre un monde "unipolaire"
Dans l'"étranger proche" de la Russie, les "révolutions de couleur" qui amènent au pouvoir des gouvernements pro-européens, en Géorgie en 2003 (la "révolution des roses") et en Ukraine en 2004 (la "révolution orange"), réveillent l'ire du Kremlin persuadé que celles-ci sont commanditées par l'Occident afin d'encercler son pays.
En février 2007, Poutine prononce "le discours le plus agressif d'un leader russe depuis la fin de la guerre froide", selon le républicain John McCain, à l'occasion de la conférence de Munich sur la sécurité. Le président russe y dénonce -non sans fondement face à la politique belliqueuse de l'administration Bush- les prétentions de Washington à ériger un monde "unipolaire" ainsi que l'élargissement de l'Otan, qui n'a "rien à voir avec la modernisation de l'Alliance ni avec la sécurité en Europe".
2008: la Géorgie remise au pas
La Russie met en oeuvre, en 2008 en Géorgie, une tactique qu'elle renouvellera plus tard en Ukraine. A l'issue d'une intervention militaire déclenchée au nom de la protection des minorités russes, Moscou reconnaît l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Il s'agit pour Poutine faire comprendre aux anciens pays satellites de l'URSS qu'il a toujours un droit de regard sur leur sort.
2009: tentative avortée de "reset"
Après les années Bush dont le projet de bouclier antimissile est perçu comme une provocation antirusse par Moscou, Barack Obama tente, à son arrivée au pouvoir en 2009, une politique de "reset" (redémarrage) des relations américano-soviétiques. Il renonce au bouclier antimissile, signe un nouveau traité Start de désarmement nucléaire avec la Russie qui intègre l'Organisation mondiale du commerce. Les effets de cette tentative de détente restent toutefois limités.
2011: le début du réarmement
Le patron du Kremlin engage à partir de 2011 un programme prévoyant de moderniser 70 % des équipements militaires de la Russie d'ici à 2020. Moscou augmente ses dépenses militaires de 44% en 3 ans et prévoit de consacrer près de 72,4 milliards d'euros par an à ses forces armées d'ici 2016, indiquait un rapport de la revue de défense Jane's, paru début 2014, "ce qui place la Russie devant le Royaume-Uni, le Japon et la France", selon le blog militaire opex360.com.
2013: menaces contre l'Ukraine
La perspective d'un accord d'association de l'Ukraine avec l'Union européenne constitue un casus belli pour le Kremlin qui prévoyait de faire de Kiev le pivot d'une "Union eurasienne" avec les anciens pays satellites de la Russie.
Dès l'été 2013, le Kremlin manifeste son hostilité au choix de Kiev. La Russie multiplie les représailles économiques contre l'Ukraine. En septembre 2013, Sergueï Glaziev, un conseiller de Poutine, avertit le pouvoir ukrainien qu'il "commet une erreur énorme s'il croit que la réaction russe sera neutre". Le conseiller évoque -déjà- "la possibilité de l'émergence de mouvements séparatistes dans l'est russophone de l'Ukraine", selon le Guardian, et "suggère que le traité bilatéral délimitant la frontière entre la Russie et l'Ukraine pourrait être remis en cause".
2014: annexion de la Crimée
La décision du président ukrainien Ianoukovitch de renoncer à l'accord avec l'UE entraine le soulèvement de la place Maïdan, décrié par Moscou. Dès la destitution de Ianoukovitch à Kiev, le 22 février, des troubles éclatent en Crimée entre prorusses et proKiev. Des hommes en armes prennent le contrôle des bâtiments officiels, organisent un référendum et demandent le rattachement à la Russie, aussitôt acté par Vladimir Poutine. Une étape qui fait craindre aux régions de l'ex-Urss, Moldavie, Pays baltes, peuplées de russophones, la répétition de ce scénario.
2014-2015: guerre en Ukraine
Depuis le début de la crise ukrainienne, Moscou n'a de cesse de souffler le chaud et le froid, reculant d'un pas dans son soutien aux séparatistes lorsque les pays occidentaux haussent le ton, avant d'avancer de deux pas dès que la pression se relâche. Les deux accords de cessez-le-feu de Minsk (septembre 2014 et en février 2015) en sont l'illustration: les rebelles prorusses en profitent à chaque fois, avec le soutien de Moscou, pour avancer leurs pions. La prise du noeud ferroviaire de Debaltseve par les séparatistes quelques jours après la trêve en est le dernier exemple.
2014-2015: stratégie de la tension dans l'espace aérien
Vis-à-vis de l'Europe, la Russie multiplie, les provocations militaires. Les avions russes frôlent à de nombreuses reprises l'espace aérien des pays d'Europe de l'ouest -Pays baltes, Royaume-Uni ou de la France. Au point d'éviter de justesse à deux reprises un accident avec un avion de ligne suédois.
La Guerre froide par les ondes
Aux provocations militaires, le Kremlin ajoute l'usage du "soft power", domaine dans lequel il sait rivaliser avec le grand rival américain. Des médias aux ordres multiplient les diatribes contre les ennemis intérieurs et extérieurs, Ukrainiens ou occidentaux. Parmi les propagandistes zélés, le patron de l'agence de presse Rossia Segodnia, Dmitri Kisselev, agite la menace atomique et ironise sur l'opportunité de "réduire les Etats-Unis en poudre nucléaire".
Beaucoup ont cru, à l'Ouest, que les difficultés économiques de la Russie, conjonction des sanctions et de la chute des cours du pétrole, amèneraient le Président russe à désserrer l'étau sur l'Ukraine. Certains analystes craignent désormais, a contrario, que la panne économique russe n'encourage Vladimir Poutine à s'engager plus encore dans la rhétorique guerrière.
l'express fr
Crise ukrainienne, accidents ou quasi-accidents aériens, opposants tenus en respect, tandis que d'autres sont assassinés, tel Boris Nemtsov. Les indices d'une nouvelle glaciation russe sont nombreux. Cela fait déjà dix ans que les prémices de cette nouvelle guerre froide sont apparus, estime un rapport publié par la Chambre des lords britannique en février, qui déplore le "somnambulisme" de l'Europe face à Moscou. La relation avec l'UE était basée sur un "postulat optimiste", analyse le document, selon lequel la Russie était engagée sur un chemin menant à plus de démocratie.
Mais peu après son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine a progressivement resserré sa poigne de fer sur son pays et fait obstacle aux velléités d'autonomie des ex-satellites de la Russie. Voici les principales étapes de cette nouvelle ère polaire.
2003 et 2004: les premiers opposants embastillés ou éliminés
Sur le plan intérieur, dès 2003, tous ceux qui se placent sur la route du président russe le paient cher. Le chef du parti "Russie libérale" Sergueï Iouchenkov, est le premier d'une longue série d'opposants mystérieusement assassinés, parmi lesquels la journaliste Anna Politkovskaïa qui dénonce la "sale guerre" en Tchétchénie, et l'ex-agent secret Alexandre Litvinenko. L'obstination de l'oligarque Mikhaïl Khodorkovski, à se lancer dans l'arène politique contre Poutine lui vaudra dix ans de camp.
2007: le discours de Poutine contre un monde "unipolaire"
Dans l'"étranger proche" de la Russie, les "révolutions de couleur" qui amènent au pouvoir des gouvernements pro-européens, en Géorgie en 2003 (la "révolution des roses") et en Ukraine en 2004 (la "révolution orange"), réveillent l'ire du Kremlin persuadé que celles-ci sont commanditées par l'Occident afin d'encercler son pays.
En février 2007, Poutine prononce "le discours le plus agressif d'un leader russe depuis la fin de la guerre froide", selon le républicain John McCain, à l'occasion de la conférence de Munich sur la sécurité. Le président russe y dénonce -non sans fondement face à la politique belliqueuse de l'administration Bush- les prétentions de Washington à ériger un monde "unipolaire" ainsi que l'élargissement de l'Otan, qui n'a "rien à voir avec la modernisation de l'Alliance ni avec la sécurité en Europe".
2008: la Géorgie remise au pas
La Russie met en oeuvre, en 2008 en Géorgie, une tactique qu'elle renouvellera plus tard en Ukraine. A l'issue d'une intervention militaire déclenchée au nom de la protection des minorités russes, Moscou reconnaît l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Il s'agit pour Poutine faire comprendre aux anciens pays satellites de l'URSS qu'il a toujours un droit de regard sur leur sort.
2009: tentative avortée de "reset"
Après les années Bush dont le projet de bouclier antimissile est perçu comme une provocation antirusse par Moscou, Barack Obama tente, à son arrivée au pouvoir en 2009, une politique de "reset" (redémarrage) des relations américano-soviétiques. Il renonce au bouclier antimissile, signe un nouveau traité Start de désarmement nucléaire avec la Russie qui intègre l'Organisation mondiale du commerce. Les effets de cette tentative de détente restent toutefois limités.
2011: le début du réarmement
Le patron du Kremlin engage à partir de 2011 un programme prévoyant de moderniser 70 % des équipements militaires de la Russie d'ici à 2020. Moscou augmente ses dépenses militaires de 44% en 3 ans et prévoit de consacrer près de 72,4 milliards d'euros par an à ses forces armées d'ici 2016, indiquait un rapport de la revue de défense Jane's, paru début 2014, "ce qui place la Russie devant le Royaume-Uni, le Japon et la France", selon le blog militaire opex360.com.
2013: menaces contre l'Ukraine
La perspective d'un accord d'association de l'Ukraine avec l'Union européenne constitue un casus belli pour le Kremlin qui prévoyait de faire de Kiev le pivot d'une "Union eurasienne" avec les anciens pays satellites de la Russie.
Dès l'été 2013, le Kremlin manifeste son hostilité au choix de Kiev. La Russie multiplie les représailles économiques contre l'Ukraine. En septembre 2013, Sergueï Glaziev, un conseiller de Poutine, avertit le pouvoir ukrainien qu'il "commet une erreur énorme s'il croit que la réaction russe sera neutre". Le conseiller évoque -déjà- "la possibilité de l'émergence de mouvements séparatistes dans l'est russophone de l'Ukraine", selon le Guardian, et "suggère que le traité bilatéral délimitant la frontière entre la Russie et l'Ukraine pourrait être remis en cause".
2014: annexion de la Crimée
La décision du président ukrainien Ianoukovitch de renoncer à l'accord avec l'UE entraine le soulèvement de la place Maïdan, décrié par Moscou. Dès la destitution de Ianoukovitch à Kiev, le 22 février, des troubles éclatent en Crimée entre prorusses et proKiev. Des hommes en armes prennent le contrôle des bâtiments officiels, organisent un référendum et demandent le rattachement à la Russie, aussitôt acté par Vladimir Poutine. Une étape qui fait craindre aux régions de l'ex-Urss, Moldavie, Pays baltes, peuplées de russophones, la répétition de ce scénario.
2014-2015: guerre en Ukraine
Depuis le début de la crise ukrainienne, Moscou n'a de cesse de souffler le chaud et le froid, reculant d'un pas dans son soutien aux séparatistes lorsque les pays occidentaux haussent le ton, avant d'avancer de deux pas dès que la pression se relâche. Les deux accords de cessez-le-feu de Minsk (septembre 2014 et en février 2015) en sont l'illustration: les rebelles prorusses en profitent à chaque fois, avec le soutien de Moscou, pour avancer leurs pions. La prise du noeud ferroviaire de Debaltseve par les séparatistes quelques jours après la trêve en est le dernier exemple.
2014-2015: stratégie de la tension dans l'espace aérien
Vis-à-vis de l'Europe, la Russie multiplie, les provocations militaires. Les avions russes frôlent à de nombreuses reprises l'espace aérien des pays d'Europe de l'ouest -Pays baltes, Royaume-Uni ou de la France. Au point d'éviter de justesse à deux reprises un accident avec un avion de ligne suédois.
La Guerre froide par les ondes
Aux provocations militaires, le Kremlin ajoute l'usage du "soft power", domaine dans lequel il sait rivaliser avec le grand rival américain. Des médias aux ordres multiplient les diatribes contre les ennemis intérieurs et extérieurs, Ukrainiens ou occidentaux. Parmi les propagandistes zélés, le patron de l'agence de presse Rossia Segodnia, Dmitri Kisselev, agite la menace atomique et ironise sur l'opportunité de "réduire les Etats-Unis en poudre nucléaire".
Beaucoup ont cru, à l'Ouest, que les difficultés économiques de la Russie, conjonction des sanctions et de la chute des cours du pétrole, amèneraient le Président russe à désserrer l'étau sur l'Ukraine. Certains analystes craignent désormais, a contrario, que la panne économique russe n'encourage Vladimir Poutine à s'engager plus encore dans la rhétorique guerrière.
l'express fr
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