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PORTRAITS DE FEMMES. Yasmine raconte sa vie de séropositive en Algérie

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  • PORTRAITS DE FEMMES. Yasmine raconte sa vie de séropositive en Algérie

    le 5 mars 2015 à 18 h 01 min - Zahra Rahmouni @ZahraaRhm et Massissilia Chafai @MassissiliaChaf.






    Huit femmes, huit histoires et huit messages… À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, TSA vous propose, depuis dimanche 1er mars, une série de huit portraits d’Algériennes qui ne font pas forcément la Une des médias. Cinquième portrait.
    Au téléphone, Yasmine* 30 ans, explique n’avoir toujours aucune idée de la façon dont elle a été contaminée. Soit lors d’une séance de tatouage soit lors d’une hospitalisation, « Vous connaissez les hôpitaux ici, c’est l’abattoir, on n’a pas de contrôle sur qui passe avant ou après nous ».
    Lors des examens effectués durant sa grossesse aucune analyse ne la révèle séropositive. « Dix jours avant ma césarienne, les tests étaient toujours négatifs », nous explique cette femme qui vit dans une grande ville de l’est du pays. Sa peur du rejet et du regard de la société est telle qu’elle ne souhaite pas qu’on mentionne sa profession qui est pourtant honorable. « J’ai peur que mes collègues ne me reconnaissent, il y a déjà beaucoup de rumeurs qui circulent, je suis actuellement en arrêt maladie. Mon corps va bien mais c’est dur psychologiquement ».
    En plus de la souffrance psychologique, la jeune mère doit s’occuper de sa fille de deux ans elle aussi porteuse du VIH. Pourtant, lorsqu’elle accouche, le bébé qu’elle allaite est en très bonne santé. C’est seulement à l’âge de dix mois que la fillette tombe malade et que de nouveaux examens sont effectués. Les médecins lui annoncent alors qu’elles sont toutes deux séropositives.
    Dans un premier temps, son mari qui s’avère être séronégatif, la soutient. Il en parle même à ses proches. Puis finalement, « il a préféré prendre la fuite, sa famille lui a monté la tête en lui disant que je savais que j’étais séropositive bien avant notre mariage ».
    Yasmine retourne donc vivre chez ses parents, mais préfère garder le secret. « Personne chez moi n’est au courant, ils ont entendu des rumeurs mais à chaque fois je réfute ». La jeune femme ne veut pas les choquer, elle appréhende leur réaction face à une maladie qui reste tabou. Elle est obligée de démentir en utilisant des bilans sanguins d’amies qui ne sont pas atteintes du virus. Pour expliquer ses fréquents déplacements à l’hôpital El Kettar d’Alger, elle leur dit que sa fille est atteinte d’un « microbe ». Tous les trois mois Yasmine se dirige vers ce centre spécialisé dans les maladies infectieuses, un des seuls qui possède un service pédiatrique, pour y effectuer un bilan. « L’Etat prend en charge les soins gratuitement et fournit les médicaments », mais le trajet est long et à ses frais.
    Elle se déplace en bus ou en train puis en taxi, ses affaires et sa fille sur le dos. La jeune femme qui s’est fait dépister assez tôt parvient à vivre avec la maladie, « sans les résultats des analyses, je ne pourrais pas croire que je suis porteuse du virus ». Pourtant, l’avenir est dur à envisager pour elle. Le suicide, c’est seulement sa foi qui l’empêche d’y penser. « J’ai l’impression que je suis déjà morte, je n’ai plus de vie personnelle, ni professionnelle, plus d’ambition. Dans la rue, lorsque quelqu’un change de trottoir, je me dit qu’il sait, je deviens paranoïaque ». Heureusement, elle peut compter sur le soutien sans faille de l’association El Hayat présidée par Nawel Lahouel. Même si l’organisation est à Alger, les contacts sont réguliers.
    La jeune femme s’est aussi constituée un réseau de personnes atteintes du VIH et avec lesquelles elle peut échanger par téléphone. « Il faut arrêter de rejeter les gens et avoir des préjugés. Cette maladie ne vient pas seulement des rapports sexuels, cela peut arriver par accident. J’ai une amie infirmière qui s’est piquée avec une seringue au travail et qui a contracté le virus ».
    Malgré les difficultés, Yasmine ne veut pas lâcher prise. « Je continue à m’habiller et me maquiller normalement. La plupart du temps, la maladie ne se voit pas, certaines personnes sont séropositives sans le savoir, si vous me voyiez dans la rue vous ne le remarqueriez probablement pas ».
    Néanmoins, les discriminations restent nombreuses et la vie quotidienne très compliquée. Impossible pour elle de se rendre chez le dentiste par exemple : « J’ai peur de sa réaction, il refusera de prendre un patient atteint du VIH. Je pourrai très bien y aller et ne pas parler de ma maladie mais il faut penser aux autres ». Yasmine explique que d’autres malades ne s’encombrent pas de détails. La peur du regard des autres, la non-application du secret médical et le désespoir poussent certains à ne pas parler de leur maladie au moment de consulter. Des situations qui contribuent à propager le virus.
    Pour éviter cela, la jeune mère verrait d’un très bon œil la mise en place d’une législation renforçant la protection de la vie privée, pour condamner les personnes qui lancent des rumeurs ou révèlent la maladie. « Je pense surtout à ma fille, mon ex-mari parle à beaucoup de monde. Je ne veux pas qu’elle soit gênée plus tard quand elle ira à l’école ». Yasmine attend aussi de l’Etat qu’il mette en place davantage de moyens pour suivre les malades et désenclaver l’accès au soin.
    Son message pour les femmes algériennes est simple : « N’ayez pas honte de vous faire dépister à n’importe qu’elle étape de votre vie. Si je l’avais su plus tôt, ma fille aurait eu une prise en charge dès l’accouchement et des chances de ne pas être contaminée par le virus ».
    *Le prénom a été modifié.

    tsa
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