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Belkacem Mostefaoui: «Il y a des contradictions dans le discours du ministre de la Communication»

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  • Belkacem Mostefaoui: «Il y a des contradictions dans le discours du ministre de la Communication»

    Belkacem Mostefaoui. Sociologue des médias : «Il y a des contradictions dans le discours du ministre de la Communication»

    Le ministère de la Communication a décidé de retirer son accréditation au correspondant de Asharq Al Awsat. Comment voyez-vous cette décision ?

    On ne retire une accréditation d’une façon aussi brutale par l’administration chargée de la communication et surtout sans qu’il y ait un argumentaire recevable sur le plan du droit. Le ministère de la Communication n’a pas le souci de respecter des règles qui devraient portant être mieux codifiées et respectées. Ce n’est pas seulement la publication d’Asharq Al Awsat qui m’intéresse. Il y a une multitude de médias qui s’intéressent à couvrir les réalités de notre pays. Le ministère de la Communication doit travailler dans les normes et les usages qui contribueraient à donner une meilleure image de l’Algérie dans le monde, en évitant que l’on octroie des accréditations et qu’on les retire au gré de jeux d’intérêt particulier.

    Quel commentaire faites-vous sur les dernières déclarations du ministre de la Communication, notamment celles appelant la presse à «rentrer dans le rang» ?

    Hamid Grine s’est singularisé, en particulier ces derniers mois, dans des discours qui outrepassent les devoirs et les responsabilités de ministre de la République auxquels il est assujetti. L’une de ses sorties, la plus grave, est de faire croire qu’il y a une instance de régulation de l’audiovisuel, alors que, de fait, concrètement, seul le président de cette institution a été nommé par décret.

    Le second point, c’est qu’il y a une démagogie qu’il déverse via de trop nombreux discours singulièrement dans les médias audiovisuels, d’ailleurs, qui veut faire croire que le ministère travaille sérieusement sur deux chantiers qui ne peuvent qu’apporter l’adhésion des citoyens : les principes de l’éthique et de la déontologie. Et, depuis ce week-end, sur une loi sur la professionnalisation du journalisme.

    Ce sont des déclarations qui pourraient être magnifiques. Mais, comme sociologue des médias, le droit méthodologique m’oblige à observer quelques points de réalité. Le premier est le marécage dans lequel est maintenue à barboter la presse de droit public, en particulier depuis une quinzaine d’années. En fait, c’est le marché informel dans le secteur.

    Les quelque 130 entreprises qui éditent des quotidiens sont gérées dans l’anomie la plus criante. Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait une réelle volonté de nos gouvernants de travailler à ce que la société algérienne puisse disposer de médias endogènes de sa propre créativité de sorte à résister à la mondialisation.

    Ce marécage s’amplifie depuis le printemps 2012, avec le déversement sur le pays d’une trentaine de chaînes de télévision commerciales. Le tout avec cinq ou six accréditations qui sont données à des propriétaires, acteurs du système. Mais, pourquoi ceux-ci et pas d’autres ? Cette construction propagandiste du ministère de la Communication est en contradiction totale avec le discours du ministre. Il y a des contradictions dans les discours de M. Grine sur la gestion de l’éthique et de la déontologie.

    Le soubassement est plus grave, surtout lorsqu’on sait que l’audiovisuel de droit public est maintenu dans une jachère contreproductive. Des chaînes de commandement étouffent la volonté de liberté de leurs professionnels.

    Et sur la gestion de la publicité ?

    La publicité est, à travers le monde, la ressource principale de toute entreprise médiatique.
    Un média – que ce soit un journal, une radio, une télévision ou un site internet – a besoin de ressources financières pour assurer son existence et sa production.

    Dans le cas de l’Algérie, les médias publics et privés se retrouvent en face de deux sources d’annonceurs publicitaires : ceux qui exercent via l’ANEP et ceux de droit privé dont les plus gros budgets sont ceux des multinationales.

    Sur les 130 quotidiens édités dans le pays, plus d’une centaine ne pourraient jamais être publiés sans la publicité de l’ANEP et, par ailleurs, des ardoises de l’imprimerie non honorées. Depuis une année, le ministère de la Communication accepte la mission d’être un instrument de redressement des quelques journaux qui osent le défi de résister au rouleau compresseur, accepte le rôle de vecteur de la communication institutionnelle.

    Le ministre de la Communication garde des réflexes de chef d’entreprise commerciale. Il voudrait reproduire ce cycle vicieux. Il y a aussi la dernière sortie du patron d’Ooredoo, qui a exprimé sa volonté de conditionner son budget publicitaire aux entreprises médiatiques en fonction de leur ligne éditoriale et de leur docilité.

    Hafid Azzouzi
    El Watan
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

  • #2
    Les journalistes accrédités sommés de «rentrer dans le rang»
    Un nouveau pas dans la censure

    Le ministre de la Communication part en guerre contre la critique. Ce qu’il appelle, depuis sa nomination post-quatrième mandat, «la professionnalisation de la presse» s’avère une œuvre d’assujettissement de la presse et de musellement de la liberté d’expression.

    Dans une déclaration faite jeudi, après les pressions exercées sur la presse nationale, Hamid Grine s’en prend cette fois aux correspondants de la presse étrangère.

    Sous la noble bannière de «l’éthique et la déontologie», le ministre distille pourtant injonctions et oukases pour réduire les espaces de liberté et assène coup sur coup aux médias n’entrant pas dans le moule du quatrième mandat.

    «L’Etat algérien a le droit de ne pas renouveler l’accréditation des correspondants des chaînes et des journaux étrangers qui insultent, diffament ou usent de violence verbale ou écrite», a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier. Il a ajouté que «les correspondants étrangers doivent respecter les règles».

    Et de préciser : «Nous concrétiserons le projet du président de la République relatif à la professionnalisation de la presse, quelles que soient les circonstances.» Après que Abdelaziz Bouteflika ait affirmé être le rédacteur en chef de la télévision et de l’APS, l’ancien journaliste et chargé de communication de Djezzy, Hamid Grine, se veut le rédacteur en chef de toute la presse sans exception, décidant de ce qui doit être dit ou écrit et sous quel angle.

    Ainsi, après avoir exercé des pressions sur les annonceurs en vue d’étouffer financièrement les journaux insoumis au diktat de la ligne éditoriale du quatrième mandat, Grine menace les correspondants de la presse étrangère d’user du couperet de la censure.

    Une menace intervenant après le retrait de l’accréditation au correspondant du journal londonien Asharq Al Awsat, Boualem Ghomrassa, sanctionné non pour ses écrits dans ce média, mais pour un avis émis sur une chaîne de télévision.

    L’avis et l’analyse des journalistes sont donc ainsi soumis à la notation de Hamid Grine, qui pourrait être tenté de délivrer des jetons de parole aux journalistes.Mais ce que le ministre semble omettre, c’est qu’en politique aussi, l’éthique est de rigueur. On ne peut pas vendre de la censure pour la professionnalisation.

    Si la formation pour le respect des principes d’éthique et de déontologie est de rigueur pour les journalistes, il est aussi utile de rappeler que l’administration outrepasse ses prérogatives en s’ingérant dans l’exercice de la profession journalistique.

    Le ministère de la Communication n’est pas le garant de la déontologie et encore moins le maître à penser de la presse. Les sacrifices consentis par la profession méritent bien mieux qu’un hideux statut de presse servile, collaboratrice de la pensée unique. 

    Nadjia Bouaricha
    El Watan
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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