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Croissance, tourisme, djihadisme…Comment l'Égypte peut s'en sortir

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  • Croissance, tourisme, djihadisme…Comment l'Égypte peut s'en sortir

    Ce doit être l’acte 1 du redressement. Quatre ans après la chute du régime Moubarak, l’Egypte organise à partir du vendredi 13 mars et jusqu’à dimanche, à Charm el-Cheikh, une grande conférence internationale visant à faire revenir les capitaux étrangers, en fuite depuis la révolution de 2011. Ce grand barnum qui réunit plus de 80 pays et 23 organisations internationales, doit aussi permettre d’asseoir la légitimité du président Abdel Fattah al-Sissi alors que le pays fait l’objet d’une prolifération d’actes terroristes et que les élections législatives du 21 mars ont été reportées. L’Egypte peut-elle réellement se redresser ?

    Les raisons d’espérer

    Les investisseurs étrangers reviennent doucement
    C’est la priorité des priorités. Entre 2008 et 2013, les investissements étrangers se sont effondrés : de 12 milliards de dollars, ils sont passés à deux milliards en 2013. En 2014, l’Egypte en a attirés 4 milliards et le gouvernement du maréchal al-Sissi en espère entre 12 et 15 milliards pour 2015. Comment ? L’exécutif a lancé depuis un an une politique de grands travaux avec par exemple la construction d’un deuxième canal de Suez ou la construction d’une première centrale électrique nucléaire. Plusieurs autres projets devraient être annoncés durant la conférence de Charm el-Cheikh. Pour faciliter ces flux, l’Egypte est d’ailleurs en train d'examiner un ensemble des lois sur les investissements sans faire de discrimination entre investisseurs égyptiens et étrangers.

    Ce climat plus favorable a déjà trouvé un écho du côté des entreprises françaises. Les exportations hexagonales en Egypte ont connu en 2014 une hausse de 17% par rapport à 2013 (1,58 milliard d’euros). Et elles vont continuer à progresser en 2015, fort de la vente des 24 Rafale de Dassault Aviation à l’Egypte - pour 5,2 milliards d’euros - signée le 16 février dernier. "Les affaires redémarrent depuis six mois, estime Philippe Delleur, directeur International du groupe Alstom, très présent en Egypte. Il y a plein de projets qui fleurissent, notamment dans l’énergie. Cela est principalement dû au fait qu’on a en face de nous des gouvernants capables de prendre des décisions, ce qui était moins le cas depuis 2011".


    Une relative stabilité
    Ex-chef de l'armée, élu président en 2014 après avoir destitué le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, Abdel Fattah al-Sissi entend profiter de ces trois jours pour se poser en fer de lance de la lutte contre le terrorisme. L'Egypte s'est lancée depuis plusieurs mois dans une offensive de charme pour dissiper les doutes de la communauté internationale sur la situation sécuritaire et le respect des droits de l'homme. "Al-Sissi se présente comme le garant d'une certaine stabilité, indique Stéphane Lacroix, spécialiste de l’Egypte et chercheur au Ceri. Il a par exemple réprimé très brutalement les Frères musulmans et l’opposition est inexistante. L’ordre est le maître-mot de l’exécutif, cela rassure donc les investisseurs mais il ne faut pas se faire d’illusions sur le respect des droits de l’homme."

    Des indicateurs économiques positifs pour 2015
    La croissance égyptienne qui caracolait autour des 5% du Produit intérieur brut (PIB) lors des derniers mois du régime Moubarak, stagne depuis 2011 autour des 2% du PIB (2,2% en 2014). Mais 2015 s’annonce sous de meilleurs auspices. Selon la Banque mondiale, la croissance du pays devrait être de 3,5% du PIB. La chute des prix du pétrole – l’Egypte est importateur net d’hydrocarbures - corrélée à la dépréciation de la livre égyptienne explique principalement ces perspectives positives. S’appuyant sur ces prévisions, l’exécutif s’est même fixé comme objectif de revenir "très vite" à une croissance annuelle au-dessus de 6 %.


    Certaines mesures d’austérité mises en œuvre par le gouvernement ont été efficaces, ajoute Sophie Pommier, consultante pour Meroe, cabinet de conseil sur le monde arabe et spécialiste de l’Egypte. La réduction des subventions liées à l’énergie a par exemple été bénéfique. Le gouvernement a aussi dit qu’il allait lancer une politique sociale d’ampleur mais pour l’instant il n’a quasiment rien fait. Al-Sissi n’a pas vraiment de vision, il n’y a pas de plan santé à l’étude par exemple. Et pendant ce temps l’Egypte achète des Rafale alors qu’ils sont suréquipés avec notamment plus de 150 F16…"

    Les raisons de déchanter

    Une économie sous perfusion
    Alors que le président islamiste Mohamed Morsi était soutenu par le Qatar, le gouvernement du maréchal al-Sissi profite lui des largesses de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis et du Koweït. Depuis un an et demi ces trois pays ont versé plus de 20 milliards de dollars (pétrole, cash, devises) à l’Égypte. "Le pouvoir a dû affronter une situation économique catastrophique en 2013 et il s’est tourné vers l’argent du golfe, précise Stéphane Lacroix. C’est un soutien conditionné puisque ces pays veulent empêcher le retour des Frères musulmans. C’est aussi grâce à eux, les Émirats notamment, que les grands travaux vont être financés". "Cela concerne essentiellement des investissements spéculatifs dans l’immobilier avec des projets de bâtiments gigantesques, comme ceux qu’on voit dans le golfe, précise Sophie Pommier. Est-ce transposable à l’Egypte ? Ce n’est pas sûr. Et puis ces pays commencent à fatiguer. Ils ne veulent plus donner de l’argent à fonds perdus et on ne sait pas si cela va durer encore très longtemps".

    Cette manne a en tout cas permis à l’ex-protectorat britannique d’échapper à un plan du Fonds monétaire international (FMI). A l’été 2013, une aide de 4,8 milliards de dollars avait été discutée, avant d’être rejetée par le gouvernement égyptien. "Le FMI prévoyait un plan d’assainissement budgétaire très important, ce qui a effrayé les Égyptiens qui se sont tournés vers le golfe, précise Sophie Pommier. Mais si les pays du golfe stoppent leur financement, la question va se reposer, car l’économie égyptienne va mal".

    En effet, avec une inflation moyenne de 10%, un déficit budgétaire de 12,8% et un taux de chômage supérieur à 13%, l’Égypte a peu de marge de manœuvre.

    L’omnipotence de l’armée
    L’armée égyptienne est la première force économique du pays. Elle contrôle environ 40% de l’économie nationale et c’est elle qui est le maître d’œuvre des grands chantiers comme celui du canal de Suez. "La construction d’un deuxième canal de Suez fait l’objet de nombreuses critiques, souligne Stéphane Lacroix. On ne voit pas bien en quoi cela va permettre d’améliorer le trafic et d’augmenter les revenus du canal. Cela nourrit une propagande nationaliste." "La bureaucratie est très importante en Égypte et peu propice aux investissements internationaux, abonde Sophie Pommier. Dans certains secteurs comme les travaux publics, l’énergie, on peut parler de racket de l’armée, la corruption est très importante".

    Des mouvements djihadistes très actifs
    La conférence de Charm el-Cheikh pourrait bien être contrariée par les attentats meurtriers qui secouent le pays. Plus de 1.400 manifestants islamistes pro-Morsi ont été tués depuis un an et demi et les représailles contre la police et l’armée sont quotidiennes. "J’ai recensé 80 attentats depuis le début de l’année en Égypte, indique Sophie Pommier. Les attaques commencent à viser les intérêts étrangers, notamment émiratis (banques, boutiques de téléphonie). Même des villes touristiques, ne sont pas épargnées : Alexandrie, où les islamistes sont très implantés, est régulièrement touchée par des opérations terroristes. Louxor, et plus récemment Assouan ont également été ciblées." Les revenus du tourisme qui se montaient à 10 milliards d’euros avant la révolution, sont ainsi tombés en 2013 à 5 milliards d’euros à peine.

    Mais le gouvernement égyptien est aussi en guerre contre l’insurrection djihadiste dans le Sinaï menée par Ansar Bait Al-Maqdis qui a fait allégeance à l’État islamique en novembre 2014. "Al-Sissi se pose en champion de la lutte contre le terrorisme mais la situation ne cesse de se dégrader, notamment dans le Sinaï, poursuit Sophie Pommier. Les djihadistes ont du matériel lourd et l’armée ne les arrêtera pas facilement." "Ce groupe est puissant et l’armée est en situation d’échec pour l’instant, appuie Stéphane Lacroix. Une partie de la mouvance djihadiste égyptienne se revendique d’ailleurs de Daech". Plusieurs centaines de membres des forces de sécurité égyptiennes ont en effet été tués durant les derniers mois par ces combattants qui comptent de nombreux djihadistes égyptiens revenus de Syrie.

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