Plus grand succès d'Erdogan sur lequel il a bâti toutes ses victoires, la croissance économique turque est en déclin, assombrissant l'avenir du président.
C'est désarmé que le parti islamo-conservateur AKP attaque la campagne des élections législatives de juin. Si, durant les treize dernières années, la formation du président Erdogan avait bâti ses victoires politiques sur des résultats de croissance pharaoniques, à l'approche du scrutin, ses candidats se font plus discrets sur le sujet. Et pour cause, il est bel et bien révolu, le temps où la République turque affichait de fringants taux de croissance à la chinoise (jusqu'à 9 % en 2010) jalousés par ses voisins européens. Aujourd'hui, le pays peine à dépasser la barre des 3 % et accuse une inquiétante hausse de son taux de chômage (environ 11 %) et du niveau d'inflation. Un sérieux revers pour "le miracle turc".
"La Turquie traverse une période très difficile, elle a perdu sa boussole, ses ancrages économiques", analyse Seyfettin Gürsel, économiste et professeur à l'université Bahçeþehir, à Istanbul. Si l'heure n'est pas à la récession, plusieurs signaux montrent cependant un ralentissement certain de l'activité économique du pays. "L'AKP n'a pas su préparer la Turquie pour l'ère à venir. Le parti n'a pas de grand projet économique pour mener à bien l'essor du pays", complète Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (EDAM).
Bras de fer avec la Banque centrale
Au cours de la dernière décennie, la Turquie de l'AKP a su tirer profit d'un climat économique favorable pour les nations émergentes. Mais force est de constater que le pays a un impérieux besoin de changements structuraux. Réformer le marché du travail, favoriser l'entrée des femmes dans le monde de l'emploi (deux sur trois sont sans emploi, NDLR), améliorer le système éducatif : autant de défis majeurs que Recep Tayyip Erdogan n'a pas voulu prendre à bras le corps, estime Seyfettin Gürsel, et pour cause : "Certaines de ces réformes sont des choix politiques difficiles à prendre et Erdogan craint de perdre des voix à cause de cela."
Le chef de l'État semble friand des calculs électoralistes, comme le prouve son bras de fer entamé depuis plusieurs mois avec la Banque centrale turque. Erdogan accuse en effet l'institution - indépendante - et son gouverneur, Erdem Basçi, de maintenir un taux d'intérêt directeur (qui conditionne les prêts avec les banques commerciales) élevé qui nuirait à la croissance. Croissance qui, à l'approche des législatives, manque cruellement au leader turc pour rassurer les électeurs de l'AKP.
Recul des investissements étrangers
Cette mesure - classique en économie - engagée par la Banque centrale pour endiguer l'inflation (7,5 % environ), mal endémique du pays, a donc valu à l'institution d'être la cible principale du clan présidentiel. En mal d'arguments de poids, Erdogan et ses proches conseillers ont alors accusé la Banque centrale d'être à la solde du "lobby du taux d'intérêt", obscure coterie oeuvrant depuis l'étranger à la déstabilisation de l'économie turque. "Rien de nouveau à cela, estime Sinan Ülgen, c'est une rhétorique très populaire, qui fonctionne sur certains électeurs de l'AKP et dont le gouvernement se sert pour identifier les problèmes de l'économie turque."
Des sorties qui font craindre pour l'indépendance de l'institution et qui ont fait plonger la livre turque à son plus bas niveau face au dollar début mars. Signe rassurant, après une longue réunion la semaine dernière, Erdem Baþçý et Recep Tayyip Erdogan semblaient avoir enterré - pour un temps - la hache de guerre. Pour autant, "le tableau n'est pas tout noir, tient à rappeler le président de l'EDAM. La Turquie possède aussi des atouts : une discipline fiscale, une dette publique équilibrée, un système bancaire solide." Des atouts dont elle aura bien besoin à l'avenir. En effet, à l'instar des autres pays émergents, la République turque voit à l'international les investissements étrangers - dont elle est très dépendante - ralentir et doit désormais, en interne, gérer économiquement la présence sur son territoire de deux millions de réfugiés syriens.
Dans ce climat économique, les grands objectifs affichés par Erdogan pour 2023 et le centenaire de la République semblent hors d'atteinte. "Il voulait hisser la Turquie parmi les dix principales puissances économiques mondiales, rappelle Sinan Ülgen. Résultat : le pays recule actuellement au classement (18e place, NDLR)." Renvoyés également aux calendes grecques, le pari des 25 000 dollars de revenu annuel par habitant ou le PIB national à 2 000 milliards. Des revers qui laissent à penser que "la voie vers un plus grand bien-être pour tous", tracée par le leader turc, semble donc plus tortueuse que prévu.
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C'est désarmé que le parti islamo-conservateur AKP attaque la campagne des élections législatives de juin. Si, durant les treize dernières années, la formation du président Erdogan avait bâti ses victoires politiques sur des résultats de croissance pharaoniques, à l'approche du scrutin, ses candidats se font plus discrets sur le sujet. Et pour cause, il est bel et bien révolu, le temps où la République turque affichait de fringants taux de croissance à la chinoise (jusqu'à 9 % en 2010) jalousés par ses voisins européens. Aujourd'hui, le pays peine à dépasser la barre des 3 % et accuse une inquiétante hausse de son taux de chômage (environ 11 %) et du niveau d'inflation. Un sérieux revers pour "le miracle turc".
"La Turquie traverse une période très difficile, elle a perdu sa boussole, ses ancrages économiques", analyse Seyfettin Gürsel, économiste et professeur à l'université Bahçeþehir, à Istanbul. Si l'heure n'est pas à la récession, plusieurs signaux montrent cependant un ralentissement certain de l'activité économique du pays. "L'AKP n'a pas su préparer la Turquie pour l'ère à venir. Le parti n'a pas de grand projet économique pour mener à bien l'essor du pays", complète Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (EDAM).
Bras de fer avec la Banque centrale
Au cours de la dernière décennie, la Turquie de l'AKP a su tirer profit d'un climat économique favorable pour les nations émergentes. Mais force est de constater que le pays a un impérieux besoin de changements structuraux. Réformer le marché du travail, favoriser l'entrée des femmes dans le monde de l'emploi (deux sur trois sont sans emploi, NDLR), améliorer le système éducatif : autant de défis majeurs que Recep Tayyip Erdogan n'a pas voulu prendre à bras le corps, estime Seyfettin Gürsel, et pour cause : "Certaines de ces réformes sont des choix politiques difficiles à prendre et Erdogan craint de perdre des voix à cause de cela."
Le chef de l'État semble friand des calculs électoralistes, comme le prouve son bras de fer entamé depuis plusieurs mois avec la Banque centrale turque. Erdogan accuse en effet l'institution - indépendante - et son gouverneur, Erdem Basçi, de maintenir un taux d'intérêt directeur (qui conditionne les prêts avec les banques commerciales) élevé qui nuirait à la croissance. Croissance qui, à l'approche des législatives, manque cruellement au leader turc pour rassurer les électeurs de l'AKP.
Recul des investissements étrangers
Cette mesure - classique en économie - engagée par la Banque centrale pour endiguer l'inflation (7,5 % environ), mal endémique du pays, a donc valu à l'institution d'être la cible principale du clan présidentiel. En mal d'arguments de poids, Erdogan et ses proches conseillers ont alors accusé la Banque centrale d'être à la solde du "lobby du taux d'intérêt", obscure coterie oeuvrant depuis l'étranger à la déstabilisation de l'économie turque. "Rien de nouveau à cela, estime Sinan Ülgen, c'est une rhétorique très populaire, qui fonctionne sur certains électeurs de l'AKP et dont le gouvernement se sert pour identifier les problèmes de l'économie turque."
Des sorties qui font craindre pour l'indépendance de l'institution et qui ont fait plonger la livre turque à son plus bas niveau face au dollar début mars. Signe rassurant, après une longue réunion la semaine dernière, Erdem Baþçý et Recep Tayyip Erdogan semblaient avoir enterré - pour un temps - la hache de guerre. Pour autant, "le tableau n'est pas tout noir, tient à rappeler le président de l'EDAM. La Turquie possède aussi des atouts : une discipline fiscale, une dette publique équilibrée, un système bancaire solide." Des atouts dont elle aura bien besoin à l'avenir. En effet, à l'instar des autres pays émergents, la République turque voit à l'international les investissements étrangers - dont elle est très dépendante - ralentir et doit désormais, en interne, gérer économiquement la présence sur son territoire de deux millions de réfugiés syriens.
Dans ce climat économique, les grands objectifs affichés par Erdogan pour 2023 et le centenaire de la République semblent hors d'atteinte. "Il voulait hisser la Turquie parmi les dix principales puissances économiques mondiales, rappelle Sinan Ülgen. Résultat : le pays recule actuellement au classement (18e place, NDLR)." Renvoyés également aux calendes grecques, le pari des 25 000 dollars de revenu annuel par habitant ou le PIB national à 2 000 milliards. Des revers qui laissent à penser que "la voie vers un plus grand bien-être pour tous", tracée par le leader turc, semble donc plus tortueuse que prévu.
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