Détournement de l’aide humanitaireDans le contentieux avec Alger sur le Sahara, le Maroc dégaine un rapport d’enquête de la Commission européenne.
Comme à chaque session du Conseil des droits de l’homme, la question du Sahara occidental ravive les tensions entre le Maroc et l’Algérie. Chaque camp se renvoie à la figure le rapport qui accable l’autre. Cette fois, c’est le Maroc qui a jeté un pavé dans la mare en exhumant un rapport d’enquête de la cellule antifraude (OLAF) de la Commission européenne qui vise la gestion des camps de réfugiés du Sahara occidental, en Algérie du Sud, par le Polisario.
Une petite bombe qu’un cabinet d’avocats bruxellois a pu se procurer au titre de la loi sur la transparence. Le document a été présenté en marge de la session du Conseil des droits de l’homme lors d’un «side-event» organisé par l’Agence internationale pour le développement, une entité proche du pouvoir marocain.
En 2003, informée qu’une partie de l’aide versée aux camps du sud de l’Algérie était sans doute détournée, la Commission européenne avait demandé à l’OLAF d’ouvrir une enquête. A l’époque, 10 millions d’euros sont débloqués chaque année pour venir en aide aux réfugiés.
Première surprise, l’enquête révèle que leur nombre a été surévalué par l’Algérie, qui a estimé à 155 000 le nombre de personnes vivant dans les camps alors que le comptage effectué par le Centre commun de recherche (CCR) de l’Union européenne en recense seulement 90 000. Cette évaluation «scientifique» sera notamment réalisée à partir d’images satellites.
Détournements organisés
Passé cette première anomalie, les enquêteurs vont de surprise en surprise. Ils découvrent qu’une partie de l’aide alimentaire destinée aux camps de Tindouf se retrouve sur les marchés de Nouakchott, en Mauritanie, à 1500 km de leur lieu de destination.
Le volume de marchandises détournées ne laisse aucune place au doute. Les responsables sont ceux qui ont la haute main sur la gestion des camps. L’OLAF épluche alors tous les contrats passés sur place pour l’acheminement de l’aide. Elle va compter le nombre de rotations des camions entre les camps et le port d’Oran et s’intéresser aux bordereaux de livraisons pour remonter toute la filière. Et elle y parvient. Le centre de El Jazhouani à 26 km de Tindouf est identifié comme étant l’un des endroits où l’on procède au transvasement de l’aide alimentaire pour la détourner.
Ce n’est pas tout. Les enquêteurs découvrent que l’argent de certains donateurs, destiné à financer de gros travaux, est également détourné. Les infrastructures subventionnées ne sont pas bâties par une main-d’œuvre rémunérée mais par des prisonniers. «Ce que révèle ce document sur les pratiques en vigueur à l’intérieur des camps de Tindouf est accablant», explique Stéphane Rodrigues, l’avocat du cabinet belge Lallemand & Legros en charge du dossier.
Le rapport daté de 2007 n’a pu être obtenu qu’en 2014. Les noms des personnes directement impliquées dans les détournements y ont été rayés. On peut lire sous la plume des inspecteurs que ces personnes sont «soupçonnées d’enrichissement personnel, sous la forme de propriétés immobilières». Evidemment, les Marocains boivent du petit-lait lorsqu’ils lisent dans les conclusions rédigées par ces derniers que «le fait que les autorités sahraouies n’ont pas donné libre accès (…) corrobore la conclusion à tirer quant à l’intention frauduleuse».
Contre-attaque à Bruxelles
Le Polisario et ses réseaux de soutien ont déjà riposté. Un groupe d’eurodéputés a mis en cause l’action du cabinet d’avocats. «Ce rapport vieux de dix ans a été exhumé dans le cadre d’une instrumentalisation visant à nuire aux intérêts des réfugiés sahraouis et ce, à la veille du réexamen de la question du Sahara occidental par le Conseil de sécurité des Nations Unies», dénoncent ces derniers.
Ces eurodéputés ont rappelé que la Commission européenne avait pris des mesures après la publication du rapport de l’OLAF en réévaluant notamment le nombre de réfugiés. En ce qui concerne les soupçons de détournement, ils relèvent qu’en l’absence de preuves, l’OLAF avait tout simplement décidé de clore cette affaire «où les manipulations de la part d’une partie extra-européenne sont avérées».
Source: tdg.ch
Comme à chaque session du Conseil des droits de l’homme, la question du Sahara occidental ravive les tensions entre le Maroc et l’Algérie. Chaque camp se renvoie à la figure le rapport qui accable l’autre. Cette fois, c’est le Maroc qui a jeté un pavé dans la mare en exhumant un rapport d’enquête de la cellule antifraude (OLAF) de la Commission européenne qui vise la gestion des camps de réfugiés du Sahara occidental, en Algérie du Sud, par le Polisario.
Une petite bombe qu’un cabinet d’avocats bruxellois a pu se procurer au titre de la loi sur la transparence. Le document a été présenté en marge de la session du Conseil des droits de l’homme lors d’un «side-event» organisé par l’Agence internationale pour le développement, une entité proche du pouvoir marocain.
En 2003, informée qu’une partie de l’aide versée aux camps du sud de l’Algérie était sans doute détournée, la Commission européenne avait demandé à l’OLAF d’ouvrir une enquête. A l’époque, 10 millions d’euros sont débloqués chaque année pour venir en aide aux réfugiés.
Première surprise, l’enquête révèle que leur nombre a été surévalué par l’Algérie, qui a estimé à 155 000 le nombre de personnes vivant dans les camps alors que le comptage effectué par le Centre commun de recherche (CCR) de l’Union européenne en recense seulement 90 000. Cette évaluation «scientifique» sera notamment réalisée à partir d’images satellites.
Détournements organisés
Passé cette première anomalie, les enquêteurs vont de surprise en surprise. Ils découvrent qu’une partie de l’aide alimentaire destinée aux camps de Tindouf se retrouve sur les marchés de Nouakchott, en Mauritanie, à 1500 km de leur lieu de destination.
Le volume de marchandises détournées ne laisse aucune place au doute. Les responsables sont ceux qui ont la haute main sur la gestion des camps. L’OLAF épluche alors tous les contrats passés sur place pour l’acheminement de l’aide. Elle va compter le nombre de rotations des camions entre les camps et le port d’Oran et s’intéresser aux bordereaux de livraisons pour remonter toute la filière. Et elle y parvient. Le centre de El Jazhouani à 26 km de Tindouf est identifié comme étant l’un des endroits où l’on procède au transvasement de l’aide alimentaire pour la détourner.
Ce n’est pas tout. Les enquêteurs découvrent que l’argent de certains donateurs, destiné à financer de gros travaux, est également détourné. Les infrastructures subventionnées ne sont pas bâties par une main-d’œuvre rémunérée mais par des prisonniers. «Ce que révèle ce document sur les pratiques en vigueur à l’intérieur des camps de Tindouf est accablant», explique Stéphane Rodrigues, l’avocat du cabinet belge Lallemand & Legros en charge du dossier.
Le rapport daté de 2007 n’a pu être obtenu qu’en 2014. Les noms des personnes directement impliquées dans les détournements y ont été rayés. On peut lire sous la plume des inspecteurs que ces personnes sont «soupçonnées d’enrichissement personnel, sous la forme de propriétés immobilières». Evidemment, les Marocains boivent du petit-lait lorsqu’ils lisent dans les conclusions rédigées par ces derniers que «le fait que les autorités sahraouies n’ont pas donné libre accès (…) corrobore la conclusion à tirer quant à l’intention frauduleuse».
Contre-attaque à Bruxelles
Le Polisario et ses réseaux de soutien ont déjà riposté. Un groupe d’eurodéputés a mis en cause l’action du cabinet d’avocats. «Ce rapport vieux de dix ans a été exhumé dans le cadre d’une instrumentalisation visant à nuire aux intérêts des réfugiés sahraouis et ce, à la veille du réexamen de la question du Sahara occidental par le Conseil de sécurité des Nations Unies», dénoncent ces derniers.
Ces eurodéputés ont rappelé que la Commission européenne avait pris des mesures après la publication du rapport de l’OLAF en réévaluant notamment le nombre de réfugiés. En ce qui concerne les soupçons de détournement, ils relèvent qu’en l’absence de preuves, l’OLAF avait tout simplement décidé de clore cette affaire «où les manipulations de la part d’une partie extra-européenne sont avérées».
Source: tdg.ch
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