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Jeudi 16 novembre, on fêtait la “Journée mondiale de la tolérance”. Nos officiels ont dû se sentir particulièrement concernés par cette heureuse nouvelle. Le “plus beau pays du monde”, c'est bien connu, est et a toujours été un “havre de tolérance”. Quant à l'islam, les méchants barbus n'y ont rien compris, puisque, tout le monde sait ça, c'est une “religion de tolérance”. Plus notre société fait la preuve de son intolérance, plus on s'enfouit la tête dans le sable en répétant ce mot en boucle. Tolérance, tolérance, tolérance…
Il faut dire qu'il nous a été soufflé d'ailleurs. En Europe, le concept de “tolérance” est tellement galvaudé qu'il sert aujourd'hui à vendre des programmes télé. Comme celui que TF1 est venue tourner à Agadir, il y a deux semaines. Soyons clairs : si les hôtels font le plein grâce à ce concert, tant mieux pour Agadir, l'économie locale, M. Akhennouch, et tout ceux à qui ça fera plaisir. Mais qu'on nous serve le top 50 français pour “chanter la tolérance”… À bien y regarder, la seule chose qui justifiait d'accoler ce mot à ce concert, c'est le fait qu'il était organisé au Maroc. “Vous imaginez tous ces musulmans qui voilent leurs femmes et brûlent des ambassades pour un rien, danser sur des chansons de Lorie ?! Y a pas à dire, ils sont vraiment tolérants, ces Marocains !”. Et nous de répondre, grisés par le compliment : “oui oui, et n'oubliez pas qu'en plus, les juifs vivent en paix au Maroc depuis des siècles”. C'était dans des mellahs insalubres et d'ailleurs, 95% d'entre eux sont partis à la première occasion, mais bon… Lorie ne va sans doute pas aller à ce niveau de détail. Si TF1 et Le Matin le disent, c'est que ça doit être vrai. Nous sommes tolérants. Mais pas forcément idiots, non plus. Alors creusons.
D'après le dictionnaire, la tolérance, c'est “l'indulgence, l'action de supporter ce qu'on ne peut empêcher ou qu'on croit ne devoir pas empêcher”. Autrement dit, la tolérance, c'est la condescendance en plus hypocrite. Tolérer quelqu'un, c'est partir du postulat qu'à la base, cette personne n'a pas vocation à être tolérée. Mais qu'on va faire un effort… C'est consacrer les tolérants comme une majorité miséricordieuse, et les tolérés comme une minorité trop heureuse de ne pas être persécutée. Un vent d'homophobie souffle sur le Maroc, ces derniers temps. Gageons que chez les bien-pensants, la mode sera bientôt à la tolérance envers les homosexuels. Mais posons la question : les homosexuels et les juifs nous tolèrent-ils, eux ? Tolèrent-ils notre incroyable suffisance ? Franchement, je les comprendrais s'ils répondaient non.
Une vraie société de paix et de fraternité, c'est une société qui vit avec la différence jusqu'au point de ne plus la ressentir, ni la vivre comme une différence. Il ne s'agit pas d’“accepter” (comme si on pouvait refuser !) l'existence de quelqu'un qui ne nous ressemble pas. Ce n'est pas de tolérance dont nous devons faire preuve, mais d'humilité : si quelqu'un est différent de moi, c'est que moi aussi, je suis différent de lui. Et que si ça trouve, il a autant de mal à me supporter que j'en ai à le supporter. Ce qui démontre, si besoin était, que nous sommes égaux. Tout le monde est différent de tout le monde, et au final, notre dénominateur commun est d'être des humains qui partagent une même planète, un même pays ou une même rue. C'est suffisant pour que nous nous respections tous. Et ça ne relève pas de la tolérance, mais des droits de l'homme. Encore une notion que nous ne comprenons plus à force de la répéter en boucle...
Ahmed Reda Benchemsi
Il faut dire qu'il nous a été soufflé d'ailleurs. En Europe, le concept de “tolérance” est tellement galvaudé qu'il sert aujourd'hui à vendre des programmes télé. Comme celui que TF1 est venue tourner à Agadir, il y a deux semaines. Soyons clairs : si les hôtels font le plein grâce à ce concert, tant mieux pour Agadir, l'économie locale, M. Akhennouch, et tout ceux à qui ça fera plaisir. Mais qu'on nous serve le top 50 français pour “chanter la tolérance”… À bien y regarder, la seule chose qui justifiait d'accoler ce mot à ce concert, c'est le fait qu'il était organisé au Maroc. “Vous imaginez tous ces musulmans qui voilent leurs femmes et brûlent des ambassades pour un rien, danser sur des chansons de Lorie ?! Y a pas à dire, ils sont vraiment tolérants, ces Marocains !”. Et nous de répondre, grisés par le compliment : “oui oui, et n'oubliez pas qu'en plus, les juifs vivent en paix au Maroc depuis des siècles”. C'était dans des mellahs insalubres et d'ailleurs, 95% d'entre eux sont partis à la première occasion, mais bon… Lorie ne va sans doute pas aller à ce niveau de détail. Si TF1 et Le Matin le disent, c'est que ça doit être vrai. Nous sommes tolérants. Mais pas forcément idiots, non plus. Alors creusons.
D'après le dictionnaire, la tolérance, c'est “l'indulgence, l'action de supporter ce qu'on ne peut empêcher ou qu'on croit ne devoir pas empêcher”. Autrement dit, la tolérance, c'est la condescendance en plus hypocrite. Tolérer quelqu'un, c'est partir du postulat qu'à la base, cette personne n'a pas vocation à être tolérée. Mais qu'on va faire un effort… C'est consacrer les tolérants comme une majorité miséricordieuse, et les tolérés comme une minorité trop heureuse de ne pas être persécutée. Un vent d'homophobie souffle sur le Maroc, ces derniers temps. Gageons que chez les bien-pensants, la mode sera bientôt à la tolérance envers les homosexuels. Mais posons la question : les homosexuels et les juifs nous tolèrent-ils, eux ? Tolèrent-ils notre incroyable suffisance ? Franchement, je les comprendrais s'ils répondaient non.
Une vraie société de paix et de fraternité, c'est une société qui vit avec la différence jusqu'au point de ne plus la ressentir, ni la vivre comme une différence. Il ne s'agit pas d’“accepter” (comme si on pouvait refuser !) l'existence de quelqu'un qui ne nous ressemble pas. Ce n'est pas de tolérance dont nous devons faire preuve, mais d'humilité : si quelqu'un est différent de moi, c'est que moi aussi, je suis différent de lui. Et que si ça trouve, il a autant de mal à me supporter que j'en ai à le supporter. Ce qui démontre, si besoin était, que nous sommes égaux. Tout le monde est différent de tout le monde, et au final, notre dénominateur commun est d'être des humains qui partagent une même planète, un même pays ou une même rue. C'est suffisant pour que nous nous respections tous. Et ça ne relève pas de la tolérance, mais des droits de l'homme. Encore une notion que nous ne comprenons plus à force de la répéter en boucle...
Ahmed Reda Benchemsi