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Au Yémen, une guerre sans limites

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  • Au Yémen, une guerre sans limites

    DÉCRYPTAGE - Les chefs d’État de la Ligue arabe, qui viennent d'annoncer la création d'une force militaire contre le terrorisme dans la région, estiment que l’intervention militaire engagée au Yémen était "un test". Pour combattre l’Iran ou les djihadistes?

    Bombardements, évacuations, combats : dimanche encore, la capitale yéménite, Sanaa, et la grande ville du Sud, Aden, ont connu des scènes de guerre. Près d'une région pétrolière du sud du pays, des affrontements ont opposé des combattants de tribus sunnites à des rebelles chiites et à leurs alliés, faisant au moins 38 morts. A Sanaa, des avions de la coalition arabe ont pour la première fois bombardé de nuit la piste de l'aéroport, tandis que 15 soldats rebelles étaient tués ailleurs dans un raid.

    La veille, des centaines d'employés étrangers avaient été évacués de la capitale par voie aérienne. Parmi eux, de nombreux diplomates, des employés des agences des Nations unies ainsi que des expatriés. Au sommet annuel des chefs d'État de la Ligue arabe, réunis à Charm El-Cheikh, en Égypte, le roi saoudien, Salmane, a affirmé samedi que l'opération aérienne impliquant neuf pays arabes se poursuivrait jusqu'au "rétablissement de la sécurité" au Yémen, plongé dans un chaos total. Intervenant après lui, le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, a, lui, espéré la poursuite de la campagne arabe jusqu'à la "reddition" des Houthis.

    Dimanche, les chefs d'Etat de la Ligue arabe ont confirmé leur intention de créer une force militaire conjointe pour combattre les "groupes terroristes", notamment l'Etat islamique se donnant quatre mois pour s'accorder sur ses modalités et sa composition. Aussi, les bombardements aériens de cette coalition au Yémen sont considérés comme un "test" pour la future force. S'agit-il d'une vraie guerre qui pourrait déboucher sur un conflit régional durable? Que cherchent exactement les puissances concernées, Arabie saoudite, Iran mais également l'Égypte? Quel impact cette nouvelle phase d'affrontement peut avoir sur les négociations engagées avec l'Iran sur son programme nucléaire et qui se poursuivaient à Lausanne? Le JDD livre quelques clés.

    De la révolution aux Houthis
    Après la Syrie et la Libye, le Yémen est le troisième pays du printemps arabe à basculer dans la guerre. Pourtant, la révolution "ne s'y est pas passée si mal que cela", résume un diplomate européen qui connaît bien le pays. Résistant un temps aux pressions populaires et étrangères, l'ancien président Ali Abdallah Saleh avait fini par lâcher le pouvoir fin 2011, au profit de son vice-président, Abd Rabo Mansour Hadi, élu à la fonction suprême en février 2012. "Il a, en fait, été installé par les Saoudiens", estime Denis Bauchard, ancien directeur du département Afrique du Nord-Moyen-Orient au Quai d'Orsay et conseiller spécial à l'Ifri. Mais très vite, la transition politique patine, le pouvoir central se délite, le peuple gronde. Une situation qui profite à la rébellion chiite houthie. En septembre 2014, elle s'empare de Sanaa, la capitale. "La ville est tombée comme un fruit mûr", rappelle le diplomate.

    La revanche des chiites
    Longtemps réprimés et exclus du jeu politique yéménite, les Houthis tiennent leur revanche. À l'origine, ce mouvement socioreligieux chiite, né dans les années 1980, ne s'imaginait pas un destin national mais portait surtout des revendications locales et tribales. Les zaydites, chiites locaux, dont le bastion se situe dans le Nord, ne représentent que 30% de la population. Les Houthis ne constituent, quant à eux, que 8 % de cette population chiite. Mais, selon Charles Schmitz, géographe américain et spécialiste de la région, "ils ont bénéficié d'un véritable soutien populaire au début de leur soulèvement". Ils ont reçu aussi l'appui politique et militaire de l'ancien président Abdallah Saleh, qui n'a jamais digéré son éviction. "Il les a aidés à entrer dans Sanaa. Il voulait régler son compte à Hadi", explique un connaisseur de ce rapport de force. La poussée récente des Houthis vers le sud et Aden, qui a accéléré l'intervention régionale sunnite, n'était pas préméditée, selon le diplomate européen : "La fuite du président Hadi de Sanaa vers Aden le 21 février les y a poussés. Cela créait une concurrence de légitimité qu'ils ne pouvaient accepter."

    En sous-main, Téhéran?
    "Nous devons faire face à l'agression de l'Iran" qui veut "dominer la région". Cette déclaration enflammée de l'ambassadeur saoudien à l'ONU cette semaine résume à elle seule la hantise de Riyad : voir s'installer, avec les Houthis, un bras armé de l'Iran, une sorte de Hezbollah bis, à ses frontières. Un fantasme? "Il est certain que Téhéran veut étendre son influence dans la région, répond Denis Bauchard. Mais en même temps, les Iraniens ont d'autres priorités en ce moment : la lutte contre l'État islamique, le maintien de Bachar El-Assad au pouvoir…" Reste que les Houthis bénéficient depuis des années d'un soutien iranien. Les cadres houthis ont pu notamment se former politiquement à Téhéran et les miliciens auraient reçu de l'équipement militaire, tandis que certains de leurs combattants blessés seraient actuellement soignés côté iranien. La présence au Yémen d'éléments du Hezbollah libanais semble avérée. Mais celle des pasdaran, les gardiens de la révolution iranienne, tient encore de la rumeur.

    La démonstration de force des Saoudiens
    Cent cinquante mille hommes mobilisés, une centaine de chasseurs sur le pont. La réaction de Riyad à l'avancée des troupes houthistes vers le sud est à la mesure du traumatisme ressenti. "Aden, c'est une ligne rouge. En bombardant les Houthis, ils leur signifient qu'ils sont allés trop loin", justifie le diplomate. "L'Arabie saoudite a toujours considéré le Yémen comme une arrière-cour à laquelle nul ne pouvait toucher", ajoute Charles Schmitz. Signe de cette mainmise : ces derniers jours à Aden, c'est l'ambassadeur saoudien qui jouait les conseillers politiques auprès du président yéménite Hadi. En rassemblant une large coalition autour d'elle, l'Arabie saoudite se pose également en leader du monde sunnite. Un message adressé à l'État islamique, qui chasse sur les mêmes terres, mais surtout à l'Iran, l'ennemi héréditaire. "Riyad montre à Téhéran qu'elle aussi peut mobiliser des forces importantes, souligne Pierre Razoux, directeur de recherches à l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (Irsem).

    En outre, les bombardements se déroulent de nuit, chose que les Saoudiens n'auraient pas pu faire il y a encore cinq ou dix ans. Militairement, ils montrent qu'ils ont franchi un seuil capacitaire." L'offensive saoudienne est aussi motivée par la crainte de voir le vent de contestation s'étendre à la minorité chiite saoudienne (20% de la population), implantée principalement dans les zones stratégiques pétrolifères. Enfin, l'opération Tempête décisive est aussi un baptême du feu, un test pour le nouveau roi Salmane, mais aussi pour son fils, Mohamed ben Salmane, le jeune ministre de la Défense. Ce dernier va devoir prouver que son père a eu raison de lui faire confiance. Jusqu'où iront les Saoudiens? "Il ne faut pas se faire d'illusions. La situation risque d'être chaotique pendant quelque temps", prévoit Denis Bauchard.

    Al-Qaida et l'État islamique en embuscade
    Si le conflit au Yémen dure et s'enlise, les djihadistes pourraient en sortir grands gagnants. "Ils se nourrissent du chaos", affirme David Rigoulet-Roze, de l'Ifas (Institut français d'analyse stratégique). D'autant que les deux groupes sont dans une logique d'émulation. Le 9 mars, Aqpa (Al-Qaida dans la péninsule Arabique) s'est ainsi emparé d'une base militaire importante. Quant à l'organisation de l'État islamique, elle perpétrait, le 20 mars, ses premiers attentats-suicides dans des mosquées à Sanaa, faisant 142 morts et 351 blessés. "Ils nous ont surpris, on n'avait pas vraiment vu naître Daech au Yémen", admet le diplomate européen. Qui poursuit : "C'est très perturbant. Avec Aqpa, au moins, il est encore parfois possible de discuter car l'organisation répond aussi à des logiques tribales. Pas avec Daech."

    Pour les États-Unis, l'évacuation, il y a une semaine, de la base d'Al-Anad, où les soldats américains étaient chargés de collecter des renseignements pour les attaques de drones contre Aqpa, rend Washington de plus en plus "aveugle", selon l'expression de David Rigoulet-Roze, sur la réalité terroriste au Yémen.

    Antoine Malo et Clarence Rodriguez (à Riyad, Arabie Saoudite) - Le Journal du Dimanche

  • #2
    L'AS veut affaiblir les Houthis et cela va nécessairement profiter au DAESH. C'est comme si le Daesh est un complice dans cette histoire. L'AS n'a jusqu'à présent jamais considéré l'EI comme ennemi.

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    • #3
      L'AS n'a jusqu'à présent jamais considéré l'EI comme ennemi.
      Tout le monde sait que l'ennemi qui fait peur aux Arabes sans excéption est la démocratie.. ils préférent largement et tous le Daech, AIS, EI, GIA, Nusra, Al Qaida ou autre groupe islamiste.. pour eux tous..aprés tout c'est des musulmans..
      Pas à la tique ..

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