En tant qu’avocat et président de la LADDH, quel constat faites-vous de la situation des droits de l’homme en Algérie ? Partagez-vous l’avis de ceux qui évoquent une régression dans le domaine ?
L’ouverture politique amorcée après la Constitution de 1989 a été une bouffée d’oxygène pour les Algériens (reconnaissance du multipartisme, de la liberté de s’associer, de se syndiquer, de manifester, de se réunir, de créer des journaux, etc.).
C’était une période propice à l’adhésion de notre pays à des conventions internationales relatives aux droits de l’homme qui sont très importantes. L’instauration de l’état d’urgence en février 1992, qui a duré 19 ans, a renvoyé le processus démocratique aux calendes grecques. Les violations des droits de l’homme durant cette période ont été les plus graves de l’histoire de notre pays.
Après l’abrogation de l’état d’urgence en février 2011 et l’annonce de réformes politiques par le président Bouteflika suite à des mouvements sociaux, la nature du pouvoir a fini par annihiler tout espoir de changement, puisque sur le plan formel et sur le terrain, il y a eu une régression concernant les libertés collectives, notamment celles de s’associer, de manifester, de se rassembler, de se réunir et de s’exprimer.
Il y a constamment des tentatives de remise en cause des droits des femmes par des groupes sociaux fortement relayés dans la société. Pourtant, une société unijambiste ne peut avancer en sachant que les femmes constituent presque la moitié de notre population. L’égalité en droits entre hommes et femmes ne doit souffrir d’aucune équivoque.
Sont-ce toutes les libertés qui sont remises en cause ?
Toutes les libertés, pourtant consacrées par la Constitution et les conventions internationales relatives aux droits de l’homme ratifiées par l’Algérie, sont malmenées sur le terrain. Les droits économiques sociaux et culturels sont constamment remis en cause : le droit de créer des syndicats, le droit de grève, le droit au travail, le droit à la santé et à l’éducation. Les richesses nationales sont inéquitablement réparties entre une Algérie d’en haut et une Algérie d’en bas. Regardez ce qui ce passe dans le sud du pays.
Les protestations des citoyens d’In Salah contre l’exploitation du gaz de schiste posent le problème de ce qu’on appelle la troisième génération des droits de l’homme (droit à l’environnement, droit au développement, droit à la solidarité et droit au contrôle des richesses par le peuple). La question de la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale et officielle est aussi un impératif en termes de droit.
Vous avez affiché vos craintes quant aux atteintes portées à la liberté de la presse et vous avez parlé d’un réel danger…
Oui. La liberté de la presse est en danger et il est urgent qu’une loi vienne réguler la publicité avec des critères transparents. La publicité a une très grande importance pour la presse, dans la mesure où les ressources qu’elle procure permettent de faire baisser, ou plus exactement, de ne pas faire augmenter le prix de vente du journal. Les recettes de publicité constituent généralement la moitié des recettes du journal.
La vie ou la survie d’un journal dépend absolument de ses recettes de publicité. Ainsi apparaît une question d’importance capitale, celle de la distribution de la publicité.
La distribution de cette manne pose le problème de la pression exercée par l’annonceur, qu’il soit étatique ou privé. Le droit de l’information ou loi sur l’information ne comporte pas actuellement de protection particulière sur cette question.
Cette distribution de la publicité échappe à tout contrôle législatif et les critères de distribution ne peuvent être que discriminatoires, puisqu’elle se fait en fonction de la ligne éditoriale du média. La répartition de cette manne publicitaire est faite selon les critères contestés et contestables, puisque ce sont, toujours, les journaux dociles qui sont le plus servis.
A votre avis, pourquoi une telle régression ? De quoi ce pouvoir a-t-il peur ?
Je suis tenté de vous répondre qu’une société «véritablement démocratique» est une condition d’existence des droits de l’homme. La question des droits de l’homme est intimement liée à l’état des lieux qu’on fait sur la démocratie. Le paradoxe, là encore, est qu’il est plus facile de défendre et faire progresser les droits de l’homme dans les pays démocratiques que là où ils ne sont pas respectés.
A mon sens, le pouvoir ne veut pas changer son logiciel qui consiste à penser que tout ce qu’il ne contrôle pas est suspect. Pourtant les pouvoirs sans contre-pouvoirs ne peuvent déboucher que sur des tyrannies.
Ceci dit, on ne saurait, même dans des démocraties achevées, se reposer uniquement sur le pouvoir et les juges pour garantir les libertés. Le respect des droits de l’homme dépend aussi de la capacité des citoyens à se mobiliser pour les défendre, à les transformer en «cause civique».
En parlant justement de la société et de ses revendications, nous assistons ces derniers jours au procès des représentants de chômeurs.Vous avez déclaré que le seul tort de ces personnes est d’être des militants des droits de l’homme.
Pourquoi cet acharnement contre ces jeunes ?
J’ai assisté, à côté d’autres de mes confrères, à tous les procès où les poursuivis étaient tous des chômeurs, mais en même temps des défenseurs essentiellement de leur cause, à savoir le droit d’avoir accès à un emploi ou tout simplement l’accès à une vie décente. Ils ont été poursuivis pour avoir manifesté pacifiquement et exprimé une opinion sans recourir à aucune forme de violence. Ils sont actifs sur le terrain des droits de l’homme et c’est leur seul tort. Ils n’ont commis aucun délit et n’ont fait qu’exercer leurs droits constitutionnels.
L’ouverture politique amorcée après la Constitution de 1989 a été une bouffée d’oxygène pour les Algériens (reconnaissance du multipartisme, de la liberté de s’associer, de se syndiquer, de manifester, de se réunir, de créer des journaux, etc.).
C’était une période propice à l’adhésion de notre pays à des conventions internationales relatives aux droits de l’homme qui sont très importantes. L’instauration de l’état d’urgence en février 1992, qui a duré 19 ans, a renvoyé le processus démocratique aux calendes grecques. Les violations des droits de l’homme durant cette période ont été les plus graves de l’histoire de notre pays.
Après l’abrogation de l’état d’urgence en février 2011 et l’annonce de réformes politiques par le président Bouteflika suite à des mouvements sociaux, la nature du pouvoir a fini par annihiler tout espoir de changement, puisque sur le plan formel et sur le terrain, il y a eu une régression concernant les libertés collectives, notamment celles de s’associer, de manifester, de se rassembler, de se réunir et de s’exprimer.
Il y a constamment des tentatives de remise en cause des droits des femmes par des groupes sociaux fortement relayés dans la société. Pourtant, une société unijambiste ne peut avancer en sachant que les femmes constituent presque la moitié de notre population. L’égalité en droits entre hommes et femmes ne doit souffrir d’aucune équivoque.
Sont-ce toutes les libertés qui sont remises en cause ?
Toutes les libertés, pourtant consacrées par la Constitution et les conventions internationales relatives aux droits de l’homme ratifiées par l’Algérie, sont malmenées sur le terrain. Les droits économiques sociaux et culturels sont constamment remis en cause : le droit de créer des syndicats, le droit de grève, le droit au travail, le droit à la santé et à l’éducation. Les richesses nationales sont inéquitablement réparties entre une Algérie d’en haut et une Algérie d’en bas. Regardez ce qui ce passe dans le sud du pays.
Les protestations des citoyens d’In Salah contre l’exploitation du gaz de schiste posent le problème de ce qu’on appelle la troisième génération des droits de l’homme (droit à l’environnement, droit au développement, droit à la solidarité et droit au contrôle des richesses par le peuple). La question de la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale et officielle est aussi un impératif en termes de droit.
Vous avez affiché vos craintes quant aux atteintes portées à la liberté de la presse et vous avez parlé d’un réel danger…
Oui. La liberté de la presse est en danger et il est urgent qu’une loi vienne réguler la publicité avec des critères transparents. La publicité a une très grande importance pour la presse, dans la mesure où les ressources qu’elle procure permettent de faire baisser, ou plus exactement, de ne pas faire augmenter le prix de vente du journal. Les recettes de publicité constituent généralement la moitié des recettes du journal.
La vie ou la survie d’un journal dépend absolument de ses recettes de publicité. Ainsi apparaît une question d’importance capitale, celle de la distribution de la publicité.
La distribution de cette manne pose le problème de la pression exercée par l’annonceur, qu’il soit étatique ou privé. Le droit de l’information ou loi sur l’information ne comporte pas actuellement de protection particulière sur cette question.
Cette distribution de la publicité échappe à tout contrôle législatif et les critères de distribution ne peuvent être que discriminatoires, puisqu’elle se fait en fonction de la ligne éditoriale du média. La répartition de cette manne publicitaire est faite selon les critères contestés et contestables, puisque ce sont, toujours, les journaux dociles qui sont le plus servis.
A votre avis, pourquoi une telle régression ? De quoi ce pouvoir a-t-il peur ?
Je suis tenté de vous répondre qu’une société «véritablement démocratique» est une condition d’existence des droits de l’homme. La question des droits de l’homme est intimement liée à l’état des lieux qu’on fait sur la démocratie. Le paradoxe, là encore, est qu’il est plus facile de défendre et faire progresser les droits de l’homme dans les pays démocratiques que là où ils ne sont pas respectés.
A mon sens, le pouvoir ne veut pas changer son logiciel qui consiste à penser que tout ce qu’il ne contrôle pas est suspect. Pourtant les pouvoirs sans contre-pouvoirs ne peuvent déboucher que sur des tyrannies.
Ceci dit, on ne saurait, même dans des démocraties achevées, se reposer uniquement sur le pouvoir et les juges pour garantir les libertés. Le respect des droits de l’homme dépend aussi de la capacité des citoyens à se mobiliser pour les défendre, à les transformer en «cause civique».
En parlant justement de la société et de ses revendications, nous assistons ces derniers jours au procès des représentants de chômeurs.Vous avez déclaré que le seul tort de ces personnes est d’être des militants des droits de l’homme.
Pourquoi cet acharnement contre ces jeunes ?
J’ai assisté, à côté d’autres de mes confrères, à tous les procès où les poursuivis étaient tous des chômeurs, mais en même temps des défenseurs essentiellement de leur cause, à savoir le droit d’avoir accès à un emploi ou tout simplement l’accès à une vie décente. Ils ont été poursuivis pour avoir manifesté pacifiquement et exprimé une opinion sans recourir à aucune forme de violence. Ils sont actifs sur le terrain des droits de l’homme et c’est leur seul tort. Ils n’ont commis aucun délit et n’ont fait qu’exercer leurs droits constitutionnels.
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