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Bahrein : une dictature couverte et couvée par Riyadh et Washington avec acquiescement de l'UE

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  • Bahrein : une dictature couverte et couvée par Riyadh et Washington avec acquiescement de l'UE

    LE BAHREÏN CONTINUE DE RÉPRIMER LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
    PUBLIÉ LE MERCREDI 11 MARS 2015.



    Dans le royaume du Bahreïn, les journalistes, photographes et autres acteurs de l’information rencontrent toujours de grandes difficultés à exercer leur métier librement. Les autorités arrêtent, harcèlent et torturent les journalistes et net-citoyens quand elles ne les poursuivent pas pour des motifs « fourre-tout » et injustifiés.

    Depuis 2011, les photographes et cameramen constituent une des cibles privilégiées des autorités du Bahreïn. Ces dernières utilisent l’argument fallacieux du rassemblement illégal et atteinte au régime pour empêcher les journalistes et blogueurs de travailler.

    Le 23 février 2015, le cameraman Mohammed Al Najar a été arrêté par plus de sept hommes de la police anti-émeute alors qu’il couvrait une manifestation à Daih, dans l’ouest de la capitale Manama. Ils lui ont confisqué sa veste et ses lunettes et l’ont battu et insulté avant de le relâcher quelques heures plus tard.

    Le samedi 22 février, un cameraman travaillant pour la société AlWefaq a été libéré après avoir passé une semaine en prison suite à son arrestation à Bilad Alqadeem, dans la banlieue de Manama, où il filmait une manifestation.

    Le 30 janvier 2015 , les photographes de Reuters et de l’AFP, Hamad Mohammed et Mohammed Al Shaikh ont été directement visés par la police qui leur a lancé des gaz lacrymogènes alors qu’ils couvraient les manifestations à Bilad Al Qadeem et étaient clairement identifiés par leur gilet de presse.

    Le photographe de l’European Press photo agency (EPA) Mazen Mahdi a été visé à plusieurs reprises alors qu’il couvrait des affrontements les 1er, 2 et 4 janvier 2015. Il a été touché par des tirs de gaz lacrymogène, et des tirs de plomb alors qu’il couvrait des manifestations à Bild Al Qadeem et ce alors qu’il arborait clairement un gilet de presse. Le photographe Hamad Mohammed et le caméraman Aamer Mohammed de Reuters ont également été blessés dans les mêmes circonstances le 5 janvier.

    Dans l’attente de leur procès

    Les photographes Mustapha Rabea, Ahmed Zain Aldeen et Houssam Sroor ont été arrêtés en septembre dernier et accusés d’avoir attaqué des policiers et participé à un rassemblement illégal. Les audiences de leur procès sont prévues pour les 23 et 24 mars.

    Le jeune photographe et cameraman de 17 ans, Hussam Suroor, a été arrêté le 4 septembre 2014 et condamné à 10 ans de réclusion le 30 du même mois, pour avoir supposément attaqué un officiel, participé à une manifestation et être en possession de produits inflammables. Il purge actuellement sa peine dans la prison de Jaw. Il est par ailleurs toujours poursuivi pour de nombreux autres chefs d’accusation y compris pour avoir attaqué la police et participé à un rassemblement illégal. Sa prochaine audience est prévue les 23 et 24 mars.

    Pendant ce temps, le célèbre photographe Ahmed Al Mousawi est toujours derrière les barreaux depuis le 10 février 2014, alors que son procès pour avoir fourni des cartes SIM à des manifestants est toujours en cours.

    Quant au photographe, Ammar Abdul Rasool, lauréat de 81 prix internationaux, il attend toujours le verdict de son appel après avoir été condamné le 28 octobre 2014 à deux ans de prison. La prochaine audience est prévue pour le 1er avril. Il avait été arrêté le 25 juillet 2014 après que des officiers de sécurité en civil ont perquisitionné sa maison dans le village d’Eker, au sud de Manama, confisquant ses deux appareils photos et son téléphone portable. Il a été accusé de participer à une réunion illégale, alors qu’il participait à une cérémonie religieuse.

    Le photographe de renommée internationale, Ahmed Al Fardan, a été arrêté en décembre 2013 et condamné à trois mois de prison pour avoir participé à une manifestation. Il a été relâché deux semaines plus tard, après avoir payé une caution de 100 BD (245 euros) et attend son audience en appel prévue pour le 13 décembre 2015. Fardan, qui travaillait pour les agences de photo Nurphoto, Demotex et Sipa avait été arrêté à son domicile à Abu Saiba dans l’ouest de Manama, à trois heures du matin le 26 décembre. Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières il avait été battu lors de son arrestation.

    Reporters sans frontières (RSF) condamne ces arrestations et persécutions systématiques de photographes, cameramen et défenseurs des droits de l’homme et s’inquiète de la détérioration accrue du climat de la liberté de l’information au Bahreïn. "Nous appelons les autorités judiciaires à libérer Ammar et tous les autres acteurs de l’information qui ont été arrêtés arbitrairement, déclare Virginie Dangles adjointe à la directrice des programmes de Reporters sans frontières. Nous exhortons les autorités du Bahreïn à cesser leurs intimidations directes et indirectes contre quiconque transmets des informations différentes de la ligne officielle du régime ".

    Chasse aux tweets

    Les autorités continuent également leur répression en ligne contre tous contenus critiques du régime.

    Le défenseur des droits de l’homme, Nabeel Rajab, est toujours passible d’emprisonnement alors qu’il attend la sentence en appel, prévue le 15 mars, de son procès durant lequel il a été condamné à six mois de prison pour incitation à la haine contre le régime après avoir supposément insulté les forces de l’ordre dans des tweets. Rajab, qui dirige le Centre pour les droits de l’Homme au Bahreïn avait déjà été détenu deux ans, jusqu’en mai 2014, accusé d’avoir pris part et incité à des rassemblements illégaux. Il avait été acquitté des accusations concernant des tweets diffamatoires en 2012.

    L’activiste en ligne Yaqoub Slais, détenu une journée le 31 août 2014 pour un tweet dans lequel il critiquait le fait que les soldats soient forcés de voter pour un candidat précis aux élections parlementaires à venir, a été condamné à une amende de 200 BD (500euros) le 20 février 2015.

    Le 27 janvier 2015, le ministre de l’Intérieur a arrêté neuf Bahreïnis et les a accusés d’utiliser les réseaux sociaux pour se moquer de la mort du roi Abdullah d’Arabie saoudite. Leur audience est prévue le 16 mars.

    Le blogueur Nader Abdul Emam a été libéré le 15 janvier après quatre mois d’emprisonnement et une réduction en appel de sa condamnation initiale à six mois de prison. Il avait été condamné pour avoir insulté un chef religieux sur Twitter.

    Arrestations arbitraires et tortures

    Les photographes sont régulièrement visés par les arrestations, la torture et les harcèlements. Le photographe Sayed Baqer Al Kamel, qui a reçu 44 prix internationaux a été arrêté et détenu pendant deux jours alors qu’il était sur l’autoroute King Fahad, en route pour l’Arabie saoudite le 9 décembre 2014. En mars 2014 il avait déjà été détenu deux jours également.

    Le photographe Mohammed Al Oraibi a été convoqué au CID le 29 octobre 2014 où il a été sommé de collaborer avec le service sous peine de quoi il serait arrêté et torturé. Al Oraibi avait été arrêté en février 2014 et avait déposé une plainte contre les officiers de police qu’il accuse de l’avoir torturé au CID. Il n’ a pas encore reçu justice à ce jour.

    « Reporters sans frontières demande au gouvernement du Bahreïn de mener des enquêtes sérieuses et de respecter les règles d’un procès équitable dans l’affaire des tortures auxquelles a été soumise la journaliste Nazeeha Saeed en mai 2011. En octobre, l’unité spéciale du ministère de l’Intérieur a rouvert le dossier et a questionné Saeed à nouveau. En novembre, les interrogateurs ont été identifiés ».

    Dix chefs d’accusation sont toujours retenus contre la blogueuse, écrivaine et activiste des droits des femmes, Ghada Jamsheer, alors même qu’elle avait été libérée le 15 décembre 2014 après trois mois de détention suite à un procès en diffamation pour avoir twitté sur des cas supposés de corruption à l’Hôpital universitaire King Hamad. Jamsheer avait déjà été convoquée aux quartiers généraux du Département d’enquêtes criminelles, le CID (Criminal Investigation Department), pour questions le 9 septembre. Selon le Centre pour les droits de l’Homme du Golfe (Gulf Centre for Human Rights), elle est interdite d’apparaître dans les médias bahreinis et son site internet est bloqué depuis 2009. Elle doit encore comparaitre en procès pour les charges restantes contre elle.

    Le cameraman Qassim Zainaldeen a perdu son appel le 25 février et est actuellement emprisonné pour trois ans dans le prison de Jaw. Il a été condamné pour vandalisme dans la prison de Dry Dock lors de son emprisonnement en août 2013.

    Le photographe d’information, Hussain Hubail qui a été condamné en avril à une peine de cinq ans de prison rencontre toujours des difficultés à suivre son traitement médical pour l’hypertension. L’administration de la prison de Jaw refuse de le transférer à l’hôpital lorsqu’il a rendez-vous. Il a déjà raté deux rendez-vous et n’a plus de médicaments. Il doit voir un médecin.

    Censure de médias et révocations de nationalité

    Les autorités bahreinis ont suspendu le 2 février la chaîne d’information Al Arab qui diffuse depuis le Bahreïn, quelques heures seulement après qu’elle a reçu une figure de l’opposition sur le plateau de son journal télévisé. L’Autorité de l’Information a déclaré le 9 février que la chaîne avait "manqué d’obtenir la licence nécessaire pour commencer à diffuser ses programmes au Bahreïn".

    Les journalistes Reem Khalifa d’Associated Press, Fareshta Saeed de Reuters et Nazeeha Saeed ont été empêchées d’assister au procès du chef du parti d’opposition Alwefaq les 28 janvier et 25 février 2015. Le même jour, la photographe Isa Ibrahim du journal Alwasat a été contraint de quitter les lieux et empêché de prendre des photos.

    Le gouvernement du Bahreïn a révoqué la nationalité du journaliste bahreïni Abbas Busafwan, de l’écrivain Ali Al Dairi et du blogueur Ali Abdul Emam ainsi que de 72 autres Bahreinis le 31 janvier, sans procès ou aucun chef d’accusation officiel. Les autorités bahreïnies sont coutumière de cette méthode qui vise à révoquer la nationalité, droit humain fondamental, afin de punir ou de se venger de ceux qui expriment une opinion différente ou font entendre leur voix. Reporters sans frontières appelles les autorités du Bahreïn à annuler ces décisions et à cesser de harceler les journalistes et les blogueurs qui critiquent le gouvernement et la famille royale.

    Le Bahreïn occupe la 163 e place sur 180 pays selon le Classement 2015 pour la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.

    rsf.org

  • #2
    voir aussi un texte de Marc Pellas dans le Monde diplo en 2013 ,

    .........


    Bahreïn, la dictature « excusée »

    Les gouvernements occidentaux couvrent de silence l’intervention militaire de l’Arabie saoudite qui, en mars 2011, a tenté d’étouffer la révolte populaire de Bahreïn. Comme si les valeurs démocratiques qui légitiment la protestation et même la révolte violente en Libye ou en Syrie ne comptaient pas vraiment lorsqu’elles sont portées par un mouvement majoritaire et pacifiste, mais qui a le mauvais goût de remettre en cause une dynastie de la péninsule arabique.
    par Marc Pellas, février 2013
    A dix ans d’écart, la famille régnante à Bahreïn, les Al-Khalifa a infligé au petit archipel qu’elle contrôle deux flashs d’espoirs intenses de libéralisation, promptement enterrés par les retours de bâton d’un absolutisme meurtrier.

    Le mois de février 2001 avait vu, tout d’abord, le peuple de Bahreïn ratifier à plus de 98 % le texte d’une Charte d’action nationale, dont les termes en partie négociés établissaient le caractère démocratique du système politique national, la séparation des pouvoirs et la suprématie de la souveraineté populaire. Le nouvel émir cheikh Hamad bin Issa Al-Khalifa semblait ainsi tourner la page de vingt-cinq années de plomb, d’exils politiques, de tortures et de meurtrières répressions.

    La voie paraissait ouverte pour l’élection d’un parlement représentatif et de plein exercice, ainsi que pour une vertueuse dynamique de réconciliation nationale. Mais l’émir allait, un an plus tard exactement, doucher l’enthousiasme en se proclamant roi et, surtout, en imposant par des voies anticonstitutionnelles une « nouvelle Constitution » à sa main, avec notamment un parlement aux prérogatives infimes... et dont il entendait nommer la moitié des quatre-vingt membres (1).

    Bahreïn est alors devenu, année après année, l’objet d’un contrôle politique, social, professionnel, médiatique et électronique de plus en plus serré. Le gouvernement royal s’exposait à la réprobation d’une part croissante de la population en laissant courir la corruption et parader en toute impunité les tortionnaires. Il encourageait la ségrégation à l’encontre de la majorité chiite, et multipliait également les naturalisations expresses d’affidés pakistanais, yéménites, jordaniens, tous sunnites comme la dynastie régnante et recrutés pour étoffer sans cesse la police, les services de renseignement, l’armée et l’appareil judiciaire finement soumis (2).

    Au fil des années et des reniements démocratiques d’un gouvernement dont la plupart et les principaux ministres appartiennent à la famille Khalifa, l’opposition « légale », celle qui acceptait d’inscrire son action dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle a vu se développer une opposition parallèle plus radicale et des revendications notamment républicaines.

    Cette bipolarisation affaiblit l’opposition, car elle élargit les marges de manœuvre de la famille Khalifa ainsi que celle de la partie sunnite de la société qui demeure convaincue qu’elle a plus à gagner à défendre privilèges et discrimination « confessionnelles » (3) qu’à adopter la voie d’un compromis historique. Mais elle met aussi en évidence le caractère ultra minoritaire du régime, puisque le seul principal parti de l’opposition « légalement déclarée », Al-Wifaq, recueillait lors des dernières élections d’octobre 2010 64 % des suffrages populaires du pays, malgré l’enrôlement des nouveaux naturalisés et l’inscription électorale de sunnites saoudiens aux racines bahreïniennes miraculeusement exhumées.

    Mais cette écrasante victoire n’a été récompensée que par dix-huit des quarante sièges électifs en raison d’un découpage, qu’Al-Wifaq dénonçait dans la mesure où il imposait jusqu’à six fois plus de suffrages pour l’élection d’un de ses députés que pour celle d’un représentant des zones sunnites du sud du pays.

    Moins de quatre mois plus tard, le 14 février 2011, le mouvement démocratique célébrait le dixième anniversaire de l’adoption de la Charte nationale en rejoignant l’éruption des révolutions arabes.

    La réponse des autorités fut terrible, police et mercenaires tirant à balles réelles sur les manifestants et renouant avec des pratiques de torture un temps abandonnées. La mort de sept manifestants, la montée de slogans en faveur de la république, le forum permanent bientôt dressé par les manifestants sur la symbolique place de la Perle, le New York Times rendant compte de la dimension « étonnante » du rassemblement de « 100 000 manifestants au sein d’une nation de seulement 500 000 citoyens », convainquirent le roi Hamad de libérer une partie des manifestants arrêtés, de déplorer « la mort de fils précieux » et de confier au prince héritier Salman, à l’image modérée, la tâche d’engager le dialogue avec l’opposition légalisée.

    Le 3 mars, palais et « représentants de la société civile » convenaient de l’ouverture d’un dialogue national, dont l’opposition souhaitait voir les modalités et les conclusions bénéficier de garanties internationales. Le prince Salman rendit public le 13 mars un « agenda de dialogue » incluant un parlement élu de pleines prérogatives, un gouvernement représentatif de la volonté populaire, un découpage électoral équitable, la lutte contre la corruption, la remise à plat des politiques de naturalisations et d’utilisation des biens d’état ainsi que la recherche de mesures d’apaisement des tensions confessionnelles.

    Mais la question cruciale demeurait le désir de l’opposition, pour qui le dialogue devait déboucher sur la désignation d’un gouvernement intérimaire, l’élection d’une assemblée constituante et la promulgation d’une constitution démocratique.

    Et c’est à ce point que l’assemblage des deux pièces d’un puzzle simple — l’injonction d’une Arabie saoudite exaspérée par le spectacle d’un désordre démocratique à ses portes et le rejet fondamental par les élites sunnites de toute remise en cause de leur confortable domination — a fait basculer le pays, avec la proclamation soudaine d’un « état de sécurité », où forces policières et militaires reçurent, le 14 mars, le renfort d’une longue colonne de blindés saoudo-émiratis et de quelque 4 000 soldats, intervenant au nom d’un « bouclier du Golfe » dressé face à un complot allégué de l’Iran.

    Les violations des droits humains se multiplient depuis ce jour, avec un bilan à la mi-novembre 2012 qui s’établit, pour l’opposition, à quatre-vingt deux morts, dont neuf enfants, victimes de tirs, de coups, de tortures mais aussi d’asphyxie lors des multiples assauts nocturnes menés contre les domiciles des protestataires.

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    • #3
      suite de l'article du monde diplo

      Pour la première fois, des femmes ont été détenues, torturées, condamnées, abusées sexuellement et élevées au rang de « martyres ».

      Des imputations extrêmement graves de torture sont formulées à l’encontre des quatrième et cinquième fils du roi Hamad, MM. Nasser et Khaled Al-Khalifa. Le premier, président du Comité olympique national et nommé à tout juste 24 ans colonel commandant de la garde royale, a mis en garde sportifs et opposants à la télévision : « Bahreïn est une île, on ne peut s’en échapper. Et chacun devra rendre des comptes. » Il est accusé d’avoir pratiqué des pendaisons par les pieds, un viol par objet et des tortures électriques sur au moins trois personnalités de l’opposition.

      Abdulhadi Al-Khawaja, le directeur pour le Moyen-Orient de Front Line, l’organisation irlandaise de défense des défenseurs des droits humains, représente l’un des tout premiers symboles internationaux de résistance inflexible à l’absolutisme tortionnaire. M. Cherif Bassiouni, le président désigné par le roi à la tête d’une commission d’enquête indépendante (CEIB), a vu en M. Al-Khawaja un « prisonnier de conscience ».

      Quant à M. Nabil Rajab, le très respecté président du Centre bahreïnien des droits de l’Homme (BCHR) et secrétaire général adjoint de la FIDH, il a également été arrêté, en juillet 2012, et condamné le 12 décembre 2012 à deux ans de prison.

      La CEIB, critiquée par l’opposition, a produit un document (4) détaillé renvoyant largement dos à dos les parties répressives et réprimées. Mais elle a aussi fourni une intéressante chronologie des événements et décrit la façon dont les manifestants détenus ont été cagoulés, fouettés, frappés, menacés de viol, violés, soumis à des tortures électriques et contraints de signer de multiples aveux. Elle a dénoncé la démolition de trente mosquées et lieux de prière chiites et identifié « au moins » cinq décès sous la torture. Enfin, elle a conclu à l’absence de preuve d’ingérence iranienne.

      Quant au roi Hamad, il s’était engagé, au terme de la présentation solennelle des conclusions de la commission, en novembre 2011, à en suivre les recommandations. Un an après, le suivi établi par l’Observatoire bahreïnien des droits humains et par l’ONG Project on Middle East Democracy ne recense que trois réalisations, pour vingt-six recommandations (5).

      Le 7 janvier 2013, notamment, la Cour de cassation a rejeté les recours de treize protestataires emprisonnés, dont M. Aldulhadi Al-Khawaja et M. Ibrahim Sharif, secrétaire général sunnite du parti de la gauche légale, Waad, condamnés initialement par des tribunaux militaires à des peines de cinq à vingt-cinq ans d’emprisonnement pour « appartenance à des groupes terroristes visant au renversement du système de gouvernement ».

      Les argumentaires distribués à la presse et aux chancelleries par le gouvernement et une palette d’organisations, qui n’ont de non gouvernemental que le nom, visent à convaincre que le régime actuel constitue un moindre mal et qu’il ne refuse pas les changements, même si ceux-ci sont lents. Pourtant, tous les chemins offerts à l’opposition majoritaire aboutissent au statu quo, ainsi qu’à la reproduction du système oppressif. Que ce soit les offres épisodiques de « dialogue » qui n’engagent pas à grand chose en l’absence d’objets négociés, ou « la paix », comprise notamment comme l’interdiction de manifester pacifiquement hors des quartiers pauvres chiites pour « ne pas porter atteinte à l’image du pays », « le respect de la légalité », taillé en pièces par le gouvernement lui-même, et, surtout, la primauté de « la stabilité, prérequis de tout progrès » et faux nez permanent du maintien de l’absolutisme.

      A Bahreïn, la monarchie peut ignorer sereinement les cent soixante-seize recommandations en matière de droits humains qui lui ont été présentées en septembre 2012 par les Nations unies, à Genève, sans trop craindre que le Conseil de sécurité n’adopte jamais la moindre résolution contraignante à son encontre.

      La politique officielle bénéficie d’une exceptionnelle tolérance des trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité. Le Royaume-Uni, ainsi, s’enthousiasme à l’occasion pour les courageux efforts de démocratisation d’un roi qui a été invité, avec son fils Nasser, au jubilé de la reine ; Paris reçoit en catimini le souverain qui a fait l’acquisition de « la demeure privée la plus chère de la capitale » (6) et semble peiner à rompre avec une politique de coopération qui incluait la fourniture du fameux « savoir-faire français » en matière de maintien de l’ordre.

      Quant aux Etats-Unis, ils soufflent le chaud et le tiède en alternant, depuis l’ère Obama, des déclarations d’adhésion aux dynamiques démocratiques et un complet soutien au régime qui accueille le commandement avancé du Centcom ainsi que l’état-major de la Ve flotte. Le département d’Etat, qui exige de l’opposition qu’elle participe au rite, vide de contenu et d’horizon du « dialogue » royal, a tout de même salué la Déclaration de principes de non-violence des six principales organisations politiques légales, adoptée le 7 novembre 2012.

      Une déclaration qui prolonge l’adoption, un an plus tôt, par cinq de ces organisations, du document de Manama, une ébauche de plateforme politique fondée sur les principes démocratiques votés dans la Charte nationale de 2001. Des principes qui imposent une stricte séparation des pouvoirs ainsi que la fin de la ségrégation religieuse, les garanties d’un Etat de droit (droit de manifestation, liberté d’expression et de presse), un découpage équitable pour des élections, dont gouvernement et parlement monocaméral seraient l’émanation.

      Le pouvoir cherche aussi à inscrire ce conflit dans un affrontement entre chiites et sunnites, une vision largement propagée par l’Arabie saoudite et les émirats du Golfe. A Bahreïn, l’emblématique cheikh Abdelatif Al Mahmud, leader du très sunnite Rassemblement de l’unité nationale, voit dans la montée des demandes démocratiques un complot des chiites, dont les « propositions hystériques » ont été heureusement défaites puisqu’elles dépassaient les revendications matérielles pour s’aventurer dans les domaines « de la Constitution, de l’organisation de l’Etat et d’autres thèmes politiques » (7), des ambitions s’apparentant, selon lui, à celles d’un coup d’Etat (Lire aussi « Silence sur Bahreïn », blog Nouvelles d’Orient du Monde diplomatique, 13 avril 2011).

      Pour le cheikh, les chiites bahreïniens se divisent en trois catégories : les hostiles qui « veulent anéantir, ou au moins affaiblir les sunnites pour usurper leur citoyenneté », une petite frange locale d’opportunistes, qui attendent de voir qui va l’emporter, et un troisième groupe, évalué à 20 % de l’ensemble, « loyal au souverain et au pays ».

      Une situation jugée assez inquiétante pour justifier la création de sortes de « rassemblements » citoyens de ceux qui, « craignant pour leur richesse et leur honneur », se mobilisent pour « répandre la paix civile et la coopération et éviter tout désordre ».

      A la généralisation et la radicalisation partielle des demandes démocratiques répondent ainsi les politiques jusqu’au-boutistes de la plupart des familles régnantes et des classes privilégiées qui les soutiennent. Un verrouillage global, cartellisé, qui ne peut qu’ouvrir la voie à un accroissement des tensions politiques au sein des monarchies du Golfe. >>

      Marc Pellas
      Spécialiste des questions de sécurité dans la région du Golfe et de la péninsule arabique.

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