Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Pierre Daum: «Les harkis sont restés majoritairement en Algérie»

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Pierre Daum: «Les harkis sont restés majoritairement en Algérie»




    Pierre Daum, auteur de plusieurs ouvrages sur le passé colonial de la France, publie un livre-choc qui bouscule les certitudes des deux côtés de la Méditerranée. «Le dernier tabou» lève le voile sur le sort des harkis.


    Dans votre livre, vous dites que la majorité des harkis est restée en Algérie. Cela va à l'encontre de toutes les thèses développées jusqu'ici des deux côtés de la Méditerranée.

    En France, on pense en effet qu’en 1962, il n’y avait que deux solutions pour les harkis : soit s’enfuir en France, soit se faire «massacrer» en Algérie. Or, si on considère tous les Algériens qui se trouvaient aux côtés de la France pendant la guerre, cela faisait au moins 450.000 hommes (250.000 supplétifs, 120.000 appelés, 50.000 engagés et 30.000 notables pro-français). Sur ces 450.000 hommes, seuls 30.000 au maximum sont partis en France. Il en est donc resté 420.000. Le nombre de tués reste encore inconnu. Mais il est clair que les chiffres avancés en France (on parle souvent d’un «massacre» de 150.000 harkis) sont totalement exagérés. Les historiens actuels avancent un ordre de grandeur de plusieurs milliers, voire quelques dizaines de milliers. C’est beaucoup, c’est très douloureux, mais au final, cela fait bien une immense majorité de «harkis» (au sens large) qui est restée en Algérie sans se faire tuer.

    En Algérie, ces chiffres dérangent, car le discours officiel est de dire qu’en 1954, au moment du déclenchement de la guerre, «le peuple algérien s’est levé en masse contre l’oppresseur colonial». La réalité est différente et les maquisards algériens (les moudjahidines) ne représentaient qu’une minorité. Ils n'en sont d’ailleurs que plus admirables.


    Peut-on distinguer un profil type de harki?

    Il est toujours délicat de créer des cases trop restrictives. On sait cependant que le recrutement des supplétifs a eu lieu essentiellement dans les masses paysannes écrasées de misère. Une misère produite par 130 années d’oppression coloniale et accentuée par la guerre (bombardement des villages, déplacement massif de population, etc.). Dès lors, la misère a souvent constitué la motivation principale de leur engagement (et non pas un amour patriotique pour la France).

    Les violences souvent aveugles exercées par certains moudjahidines ont aussi poussé des familles de paysans dans les bras des Français. Mais les harkis ne sont pas les seuls à avoir porté l’uniforme français. J’ai été moi-même surpris, au cours de mon enquête, de réaliser que 50% des jeunes Algériens avaient répondu à l’appel du service militaire. Il faut comprendre qu’à cette époque, il n’existait pas de conscience nationale algérienne. Pour la plupart des «musulmans» d’Algérie, l’Etat, c’était la France. Et lorsque la France donnait des ordres, on y obéissait, c’était «normal».


    Que sont devenus ces harkis restés en Algérie et leurs enfants?

    Il y a de nombreux cas de figure, qu’il est impossible de résumer en quelques phrases. Dans mon livre, je retrace le parcours de vie d’une cinquantaine de témoins, que j’ai retrouvés dans toutes les régions d’Algérie. Chaque vieux monsieur possède son histoire propre. Mais disons que certains ont subi des violences, puis repris leur vie de paysans pauvres. Sauf que par rapport aux autres, ils ont fait l’objet d’une relégation sociale qui les a maintenus, et qui les maintient toujours, eux et leurs enfants, dans une situation sociale et économique très difficile.


    Comprenez-vous que ce sujet soit encore très sensible en France et en Algérie?

    Oui, j’en ai bien conscience. En France, le discours sur les harkis est le plus souvent instrumentalisé par les héritiers des ultras de l’Algérie française pour continuer un combat qu’ils refusent toujours d’avoir perdu. En Algérie, l’idée (fausse) des harkis comme ayant été très peu nombreux constitue un des piliers du discours officiel sur la guerre de Libération. Vous retirez ce pilier, c’est tout l’édifice qui s’écroule…



    (Le dernier tabou, les «harkis» restés en Algérie après l’indépendance, Pierre Daum, Actes Sud, 2015)

    francetvinfo.fr
    02.04.15
    كلّ إناءٍ بما فيه يَنضَح

  • #2
    Mais disons que certains ont subi des violences, puis repris leur vie de paysans pauvres. Sauf que par rapport aux autres, ils ont fait l’objet d’une relégation sociale qui les a maintenus, et qui les maintient toujours, eux et leurs enfants, dans une situation sociale et économique très difficile.
    Cela semble être qu'une partie. Il serait intéressant de voir l'autre partie. Celle qui se trouve au sommet de la hiérarchie sociale et en haut de la pyramide de l’État, avec des situations sociales et économiques des plus aisées.

    Il est certainement beaucoup plus difficile d'enquêter sur cette partie.
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.

    Commentaire


    • #3
      Apparemment, Pierre Daum ne croit pas trop à cette hypothèse. Il l'a dit récemment dans l'interview accordée à El Watan (27.03.2015). Je mets ici juste le passage relatif à cette question.

      Qu’en est-il de la phobie algérienne de la prétendue omniprésence des harkis dans les rouages de l’Etat ?

      Il s’agit là d’un très vieux fantasme qui ne repose sur aucune réalité. Aucune des personnes qui colportent cette rumeur n’a jamais donné le moindre nom ni la moindre preuve. Dans mon livre, j’ai esquissé la généalogie de cette phobie du harki comme l’«ennemi intérieur». Elle est apparue dès le début de l’Algérie algérienne, dans la bouche de Ben Bella en 1964, qui accusa les maquis insurrectionnels de Kabylie (dirigés par deux héros de la Révolution, Hocine Aït Ahmed et le colonel Mohand Oulhadj) d’être composés de harkis rémunérés par la France.

      Puis il y a eu l’accusation du président Liamine Zeroual qui, dans une interview à El Watan en novembre 1995, a déclaré à propos des terroristes islamistes : «La plupart des criminels et des mercenaires sont des harkis ou des fils de harkis, soutenus et financés par des puissances étrangères et qui ont choisi la destruction de leur pays.» Jamais aucune preuve n’a été apportée pour asseoir une telle assertion, mais beaucoup de gens continuent à croire à ces affabulations.

      Finalement, si l’accusation de «harki» est tellement utilisée en Algérie, c’est qu’elle permet, par ricochet, de se valoriser soi-même. Si je traite l’autre de «harki», ça veut dire que moi, je suis un «vrai Algérien», que j’aime mon pays, etc. Un peu comme les «marsiens» qui, en 1962, se construisaient à bas prix une figure de héros.
      كلّ إناءٍ بما فيه يَنضَح

      Commentaire


      • #4
        Merci pour cette insertion dans laquelle l'auteur revient sur cette question.

        Je le trouve un peu trop catégorique de qualifier cela de "fantasmes", "aucune réalité" et de "colportage". Une autre hypothèse tout aussi valable peut dire que la catégorie des pro Algérie française qui se trouvent au sein des rouages de l'Etat est une question encore plus tabou. Ceci rend l'accès aux données encore plus difficile.

        Mais il faut d'abord comprendre ce qu'il entend par "harkis", et qui est inclus dans cette catégorie ? Dans l'interview, il semble inclure même ceux qui ont allés faire leur service militaire dans l'armée française. En revanche, il semble exclure ceux qui tout en étant officiellement dans le FLN, ils avaient trahi la cause.

        Si (je dis bien si; je n'ai pas lu le livre) c'est bien cela le harki dans sa définition, celle-ci est tout à fait différente, voire contraire, de la définition admise dans l'imaginaire nationaliste algérien. Ainsi, il réifie tellement la catégorie de harkis, que cela devient tout à fait logique de dire qu'il n'existe pas de harkis dans les rouages de l'Etat.

        Sinon, il parle aussi de 50 000 engagés dans l'armée française. Dans ce cas les généraux algériens formés dans l'armée française, font-il partie de ceux-là ? Si oui, peut-on les considérer comme des harkis ?

        Ps. Je viens de voir que l'auteur est un journaliste d'investigation. Je l'ai pris pour un historien...
        Dernière modification par elfamilia, 06 avril 2015, 02h33.
        "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
        Socrate.

        Commentaire


        • #5
          J'ai énormément de difficultés à traiter de ce sujet car à l'indépendance, j'étais plus ou moins impliqué dans l'affaire.

          Avant de me prononcer je précise que la situation de certains harkis, ralliés et autres m'a été confiée dans ma région mais j'ignorais ce qui se passait ailleurs en Algérie... car à l'indépendance les communications étaient NULLES.

          D'abord le mot harkis n'a fait son apparition dans notre langage que vers 1960.
          On parlait de ralliés.
          Il y en avait de 3 sortes:

          1. Les premiers ca a commencé avec la bleuite et le MNA.

          Avec les malentendus, les soupçons des algériens ont craqué et sont passés du côté français.
          Les plupart ont été assassinés ou sont partis en France bien avant l'indépendance.

          2. Plusieurs maquisards ont été soupçonnés de traitise, ou après être capturé, ils s'étaient ralliés

          3. Après les opération massives de la france contre l'ALN, des village entiers ont été évacués et les populations déplacées dans des camps, genre villages, près des camps militaires français.
          Là certains algériens ont été forcés de coopérer avec la France.

          À l'indépendance:

          L'ALN a essayé de s'occuper de certains ralliés, mais nos effectifs étaient trop faible pour s'en occuper du reste.

          Alors différentes régions, différentes approches!

          Ajouter à cela la Guerre des Willayas (juillet/aout 1962) le cirque des groupes de Tlemcen et Tizi Ouzou ! sans compter l'Armée française qui essayait de rappatrier les siens...

          Alors que s'est-il vraiment passé ?

          Je vous apporte ce qui est arrivé dans ma région sans citer les chiffres:

          Tous ceux qui ont été taxés de harkis:
          1 femme morte
          1 femme s'est réfugié dans un camp et s'est rendu en France
          Une demi douzaine jetés en prison (dont 2 morts)

          Le reste (combien étaient-ils?) livrés à la foule qui les ont malmenés pour ne pas dire lynchés.
          ...............................................
          Je refuse de dire plus en dehors de mon témoigne car le 29 septembre 1962 j'ai connu un transfert, et traumatisé, je n'ai jamais cherché `en savoirs plus!

          Le reste, je me demande qui saurait grand chose là dessus!
          Dernière modification par Avucic, 06 avril 2015, 03h07. Motif: orthographe
          L'homme parle sans réféchir...Le miroir réfléchit sans parler!

          Commentaire


          • #6
            Comme attendu, à peine sorti, le bouquin de Daum reçoit une double salve de critiques croisées des deux côtés de la méditerranée. En France, les pieds noirs et autres tenants de l'Algérie française n'hésitent pas à traiter l'auteur de révisionniste et autres noms d'oiseaux du même acabit, et de ce côté-ci on crie à l'exagération, voire aux visées douteuses...
            كلّ إناءٍ بما فيه يَنضَح

            Commentaire


            • #7
              Moi je regarde ça de loin, et je me m'interroge sur la pertinence d'un tel débat. La guerre, c'est la guerre, des héros et des laches, des patriotes et des vendus, des braves et des opportunistes.

              Remuer le couteau, imposer en permanence ce débat sur les harkis à la société algérienne, par des livres, des conférences, des documentaires, des révélations journalistiques etc .., ne peut pas être innocent.

              Commentaire


              • #8
                Tous les algériens ayant vécu la période d'indépendance te diront que le prétendu «massacre» de 150.000 harkis, est totalement exagérépar les français. Les recherches faites par cet journaliste d'investigation vient ainsi de confirmer ce que tout les algériens savent déjà.

                Le dernier tabou - Histoire des "harkis" restés en Algérie


                Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

                Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

                Commentaire


                • #9
                  Le fils du général de Gaulle a rapporté dans son dernier livre «Mon père De Gaulle», une confidence lourde de sens faite par son père : «Nous avons laissé 140.000 harkis infiltrés dans les rangs de l'ALN».
                  Je ne sais pas si cela est vrai où faux mais je sais que le frère du général Belkheir vivait en France est avait un poste important à la DST.

                  Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, contribua dès 1962 à asseoir le pouvoir absolu de la Sécurité militaire, aux côtés d'Ali Tounsi, actuel chef de la Sécurité intérieure, connu pour avoir été durant la guerre d'indépendance membre du « commando Georges » de sinistre mémoire.

                  algeria-watch
                  Dernière modification par zek, 07 avril 2015, 22h46.
                  Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin

                  Commentaire

                  Chargement...
                  X