Au Maroc, l’avant-projet de réforme du code pénal n’emballe pas vraiment
Un code pénal fixe une norme dans les relations entre l’individu et la société et liste ce qui doit être sanctionné et de quelle manière. Un code pénal doit être modifié lorsque la société évolue, lorsque le contexte international l’exige (pour une mise à niveau) ou lorsque la loi fondamentale est révisée.
Au Maroc, c’est surtout la nouvelle constitution qui peut justifier une modification du code pénal. Et aussi, dans certains domaines, l’évolution de la société. Quand elle n’accepte plus par exemple qu’un violeur échappe à la sanction en épousant sa victime. Dans les deux cas, la constitution ou la société, il s’agit de mettre à niveau un code pénal qui comporte plusieurs archaïsmes.
La constitution de 2011 est très libérale dans certains domaines. Elle consacre l’individu, la citoyenneté, l’égalité hommes-femmes, la liberté de pensée et à ce titre était citée comme exemple par les tendances politiques libérales en Tunisie lorsque ce pays rédigeait sa constitution après la révolution.
Drague dans l’espace public
Or, ce n’est pas vraiment ce que l’on retrouve en lisant la première mouture du futur projet de loi. Certes, il y a quelques avancées, comme l’instauration des peines alternatives : travaux d’intérêt général ou paiement d’amendes en fonction du nombre de jours d’emprisonnement pour des condamnations ne dépassant pas deux années de prison.
Les articles 431-1 à 431-4 introduisent d’intéressantes dispositions pour sanctionner la discrimination, le racisme ou l’incitation à la haine. Quant aux dispositions contre le harcèlement sexuel, elles existaient déjà. Mais elles ont été étendues, précisées et aggravées. La drague dans l’espace public et les allusions sexuelles dans la rue sont sévèrement punies dans cette mouture.
Plusieurs dispositions donnent aussi l’impression d’être des avancées alors qu’elles figurent dans l’actuel code pénal. C’est le cas de la répression des perquisitions sans mandat. Le projet va également dans le bon sens, quand il prévoit également de sanctionner la notion « d’enrichissement illicite », disposition qui n’existe pas dans l’actuel code, quand il introduit pour la première fois des sanctions dans les cas de fraude ou tricherie aux examens, fraudes ou tricherie pour l’accès aux concours de la fonction publique… Les peines sont lourdes puisqu’elles vont de deux mois à cinq ans d’emprisonnement (articles 391-1 à 391-4). En résumé, on note que l’introduction de ces dispositions reflète l’effarante extension de la triche et de la fraude aux examens.
Un instrument de censure
Mais la mouture est très décevante en ce qui concerne les libertés individuelles. Une forme de résistance s’organise même sur le Web, avec un hashtag #code_penal_no_pasaran. Une page Facebook a été créée. Dimanche soir, elle comptait près de 7 000 fans. En effet, alors que l’on pouvait espérer un assouplissement dans le domaine des libertés individuelles et une adaptation à l’esprit et à la lettre de la constitution et des conventions internationales, ce n’est pas vraiment ce que l’on trouve : Introduction de la notion de « mépris des religions » (art. 219 et 219-1). Elle n’existe pas dans le code actuel. C’est une notion qui existe dans quelques pays comme le Canada ou l’Australie, où son application est toutefois très encadrée et précisée. Elle a refait surface au cours des dernières années en Egypte.
En principe, sanctionner ou prévenir le mépris des religions a pour objectif dans un Proche-Orient pluri-confessionnel et multi-ethnique, d’éviter d’ethniciser ou de confessionnaliser les différends et de sanctionner l’instrumentalisation des religions dans un objectif de séparation communautaire.
Dans la pratique, il en est autrement. Les dispositions légales contre le mépris des religions sont devenues un instrument de censure, de répression de toute liberté de pensée, y compris académique. Une autre forme de takfir qui a permis aux esprits les plus rétrogrades d’asseoir tranquillement leur mainmise sur la société et d’interdire tout esprit critique.
Une disposition dangereuse et inutile
Le parlement marocain a officiellement plaidé pour « la mise sur pied par les Nations unies d’un instrument international criminalisant le mépris des religions révélées et les abus attentatoires aux prophètes et aux messagers ». Mais cette position est compréhensible dans un contexte international où les religions sont la proie des caricatures les plus irrespectueuses.
Mais est-ce le cas au Maroc ? Pourquoi légiférer dans une société apaisée où ce genre de problème ne se pose pas ? Médias 24 l’affirme et prend acte : cette disposition sur le mépris des religions est dangereuse et inutile.
Sur le plan des relations sexuelles, le projet de loi est moins libéral qu’on ne l’aurait espéré et parfois franchement anachronique. Pourquoi pénaliser les relations homosexuelles dans l’absolu, même si elles sont privées et consentantes, avec aggravation de l’amende, sans compter le maintien d’une peine d’emprisonnement ?…
Lire la suite de l’article sur le site Medias 24 : Avant projet de code pénal, une mouture décevante
leMonde
Un code pénal fixe une norme dans les relations entre l’individu et la société et liste ce qui doit être sanctionné et de quelle manière. Un code pénal doit être modifié lorsque la société évolue, lorsque le contexte international l’exige (pour une mise à niveau) ou lorsque la loi fondamentale est révisée.
Au Maroc, c’est surtout la nouvelle constitution qui peut justifier une modification du code pénal. Et aussi, dans certains domaines, l’évolution de la société. Quand elle n’accepte plus par exemple qu’un violeur échappe à la sanction en épousant sa victime. Dans les deux cas, la constitution ou la société, il s’agit de mettre à niveau un code pénal qui comporte plusieurs archaïsmes.
La constitution de 2011 est très libérale dans certains domaines. Elle consacre l’individu, la citoyenneté, l’égalité hommes-femmes, la liberté de pensée et à ce titre était citée comme exemple par les tendances politiques libérales en Tunisie lorsque ce pays rédigeait sa constitution après la révolution.
Drague dans l’espace public
Or, ce n’est pas vraiment ce que l’on retrouve en lisant la première mouture du futur projet de loi. Certes, il y a quelques avancées, comme l’instauration des peines alternatives : travaux d’intérêt général ou paiement d’amendes en fonction du nombre de jours d’emprisonnement pour des condamnations ne dépassant pas deux années de prison.
Les articles 431-1 à 431-4 introduisent d’intéressantes dispositions pour sanctionner la discrimination, le racisme ou l’incitation à la haine. Quant aux dispositions contre le harcèlement sexuel, elles existaient déjà. Mais elles ont été étendues, précisées et aggravées. La drague dans l’espace public et les allusions sexuelles dans la rue sont sévèrement punies dans cette mouture.
Plusieurs dispositions donnent aussi l’impression d’être des avancées alors qu’elles figurent dans l’actuel code pénal. C’est le cas de la répression des perquisitions sans mandat. Le projet va également dans le bon sens, quand il prévoit également de sanctionner la notion « d’enrichissement illicite », disposition qui n’existe pas dans l’actuel code, quand il introduit pour la première fois des sanctions dans les cas de fraude ou tricherie aux examens, fraudes ou tricherie pour l’accès aux concours de la fonction publique… Les peines sont lourdes puisqu’elles vont de deux mois à cinq ans d’emprisonnement (articles 391-1 à 391-4). En résumé, on note que l’introduction de ces dispositions reflète l’effarante extension de la triche et de la fraude aux examens.
Un instrument de censure
Mais la mouture est très décevante en ce qui concerne les libertés individuelles. Une forme de résistance s’organise même sur le Web, avec un hashtag #code_penal_no_pasaran. Une page Facebook a été créée. Dimanche soir, elle comptait près de 7 000 fans. En effet, alors que l’on pouvait espérer un assouplissement dans le domaine des libertés individuelles et une adaptation à l’esprit et à la lettre de la constitution et des conventions internationales, ce n’est pas vraiment ce que l’on trouve : Introduction de la notion de « mépris des religions » (art. 219 et 219-1). Elle n’existe pas dans le code actuel. C’est une notion qui existe dans quelques pays comme le Canada ou l’Australie, où son application est toutefois très encadrée et précisée. Elle a refait surface au cours des dernières années en Egypte.
En principe, sanctionner ou prévenir le mépris des religions a pour objectif dans un Proche-Orient pluri-confessionnel et multi-ethnique, d’éviter d’ethniciser ou de confessionnaliser les différends et de sanctionner l’instrumentalisation des religions dans un objectif de séparation communautaire.
Dans la pratique, il en est autrement. Les dispositions légales contre le mépris des religions sont devenues un instrument de censure, de répression de toute liberté de pensée, y compris académique. Une autre forme de takfir qui a permis aux esprits les plus rétrogrades d’asseoir tranquillement leur mainmise sur la société et d’interdire tout esprit critique.
Une disposition dangereuse et inutile
Le parlement marocain a officiellement plaidé pour « la mise sur pied par les Nations unies d’un instrument international criminalisant le mépris des religions révélées et les abus attentatoires aux prophètes et aux messagers ». Mais cette position est compréhensible dans un contexte international où les religions sont la proie des caricatures les plus irrespectueuses.
Mais est-ce le cas au Maroc ? Pourquoi légiférer dans une société apaisée où ce genre de problème ne se pose pas ? Médias 24 l’affirme et prend acte : cette disposition sur le mépris des religions est dangereuse et inutile.
Sur le plan des relations sexuelles, le projet de loi est moins libéral qu’on ne l’aurait espéré et parfois franchement anachronique. Pourquoi pénaliser les relations homosexuelles dans l’absolu, même si elles sont privées et consentantes, avec aggravation de l’amende, sans compter le maintien d’une peine d’emprisonnement ?…
Lire la suite de l’article sur le site Medias 24 : Avant projet de code pénal, une mouture décevante
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