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Internet: un politiquement correct made in China

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  • Internet: un politiquement correct made in China

    La mondialisation, ce n’est pas seulement l’extension sans fin du domaine du bazar planétaire des choses et des gens. Les idées aussi sont embarquées dans « le grand déménagement du monde »1. Et pour elles non plus, le voyage ne se passe pas toujours bien. Il fut un temps pas si lointain où beaucoup imaginaient que grâce à Internet et le triomphe des idées libérales dont il était supposé être le vecteur, la réconciliation générale de l’humanité avec elle-même aurait lieu sans tarder. Les tyrans de tous horizons avaient vocation à disparaitre bien vite dans les poubelles de l’histoire grâce à la grande convergence des civilisations : l’individu triomphant, rendu tout-puissant par les possibilités infinies du « cyberespace », comme on disait alors, n’admettrait plus rien au-dessus de lui ; toutes les idoles politiques, tous les mythes collectifs, devaient être brisés et éparpillés façon puzzle en autant de petites mythologies personnelles de « l’invention de soi ». Internet ou le mythe collectif de la sortie du collectif.

    Force est de constater que les choses se passent de façon un peu plus chaotique que prévu. Internet est devenu un moyen d’action privilégié pour les diverses tyrannies, anciennes et surtout modernes, qui prospèrent sur l’éternel terreau du mal. Elles utilisent à merveille les « possibilités infinies » du numérique pour produire et diffuser des vidéos d’une violence inouïe mais qui, au lieu de susciter le dégoût général, suscitent des vocations. Quand les nazis cachaient leurs atrocités, l’Etat Islamique, lui, exhibe les siennes. Et, jusqu’à preuve du contraire, ça lui réussit.

    En Occident, le réseau Internet et les autres moyens de communication sont aujourd’hui des moyens d’espionnage généralisé de tous les braves gens par tous les puissants, mais aussi de tous les puissants par tous les braves gens et bientôt, n’en doutons pas, de tous les braves gens par tous les braves gens. Une forme particulièrement cauchemardesque d’individualisme triomphant. Les frontières du public et du privé sont déjà devenues presque aussi poreuses que celles de l’espace Schengen. Monsieur Tout-le-monde semble être ravi de se transformer en cyberflic de son prochain en produisant, diffusant et commentant avec délectation les « dérapages » divers des grands et des moins grands dont la chute méritée est d’autant plus gratifiante que chacun peut avoir l’impression d’en être un peu la cause, sans pour autant se sentir coupable le moins du monde.

    En Chine, la « grande muraille numérique » construite par le pouvoir communiste pour entraver la diffusion des informations qui le gênent n’empêche aucunement l’autoflicage de se diffuser au sein de la population. Un présentateur de la télévision l’a appris à ses dépens : il est fini le temps béni des années 1990 ou 2000 où l’on pouvait médire de Mao, au moins en privé. Une petite vidéo, prise par un anonyme au cours d’un repas durant lequel on peut entendre cette star des médias travestir une chanson tirée d’un opéra révolutionnaire, pour souligner les souffrances du peuple chinois sous Mao et traiter ce dernier de « fils de p…», sous les rires de l’assistance, a provoqué un scandale. Violemment attaqué par une « Nouvelle Gauche » hurlant au sacrilège et ragaillardie par l’arrivée de Xi JinPing au pouvoir, il a été contraint de demander pardon, et privé d’antenne pendant quelques jours. Pas de quoi fouetter un chat certes dans un pays où la politique peut être beaucoup plus sanguinaire, mais cela a suffi pour susciter l’indignation de beaucoup de médias occidentaux qui citent des internautes chinois selon lesquels ces dénonciations « détruisent la confiance de base dans la société » (mais oublient tous ceux qui épanchent sur l’Internet chinois leur envie du pénal). Certes, les vaches sacrées chez nous et là-bas ne sont pas les mêmes, mais on aimerait beaucoup que leur inquiétude soit aussi vive lorsque ce type de dénonciations délétères pour « la confiance de base » de leur propre société se produisent en France. C’est-à-dire à peu près trois fois par semaine.

    le causeur
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