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TUNISIE; Réformer les banques publiques ,mission impossible

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  • TUNISIE; Réformer les banques publiques ,mission impossible

    Il y a urgence pour le secteur bancaire, plombé par des créances douteuses. Mais le nouveau plan de recapitalisation des trois plus grands établissements financiers détenus par l'État ne convainc pas.

    "Tardif et insuffisant", soutiennent en choeur les analystes du secteur financier tunisien. Dévoilé le 16 mars par Chedly Ayari, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), le plan de recapitalisation des trois plus grandes banques publiques du pays, d'un montant de 1 milliard de dinars (478 millions d'euros), n'a pas convaincu.

    L'enveloppe prévue - 800 millions de dinars pour la Société tunisienne de banque (STB), 120 à 150 millions de dinars pour la Banque nationale agricole (BNA) et 50 à 80 millions de dinars pour la Banque de l'habitat (BH) - est de loin inférieure à la somme globale requise : selon l'évaluation réalisée par le Fonds monétaire international (FMI), les besoins de recapitalisation des banques publiques atteignent 2,6 % du PIB tunisien, soit 871 millions d'euros.

    "Même en tenant compte de l'émission de 100 millions de dinars de dette subordonnée annoncée par la BH, les sommes mobilisées suffisent à peine pour la mettre en conformité avec le ratio de solvabilité fixé à 10 % en 2015", explique Samirah Mensah, spécialiste du secteur bancaire chez Standard & Poor's.

    Risque systémique

    Négociée depuis trois ans, la réforme des banques publiques tunisiennes, budgétisée déjà en partie - sans grand résultat - dans les lois de finances 2013 et 2014, ne semble pas près d'avancer. Il faut dire que la succession de six gouvernements transitoires depuis la révolution de 2011 n'a pas beaucoup aidé. Pourtant, le sujet est d'une importance capitale : en plus d'avoir une rentabilité en dessous de la moyenne nationale et plus de 21 % de leurs créances en souffrance (contre 15 % en moyenne en 2014), STB, BNA et BH rassemblent plus d'un tiers (34,1 % fin 2013) des actifs du secteur bancaire tunisien.

    De fait, leur faillite représenterait un risque systémique. C'est l'inadéquation du plan de restructuration, plus que celle des ressources annoncées, qui pose problème. Le programme exposé par Chedly Ayari doit être financé par un fonds de restructuration des banques publiques, alimenté par les recettes de la cession des participations minoritaires de l'État dans huit autres établissements bancaires tunisiens.

    Mais la création de cette institution, annoncée en décembre par Hakim Ben Hammouda, alors ministre des Finances, est restée lettre morte. De même, Standard & Poor's, qui, début avril, a dégradé la note du secteur bancaire tunisien au niveau 9 (sur une échelle de risque de 10), signale "l'important retard pris dans la création de la Société de gestion d'actifs [Asset management Company, AMC]".

    Cette structure est censée absorber les créances classées du secteur touristique (plus de 25 % de l'ensemble des actifs de ce type) qui plombent le bilan des trois principales banques publiques depuis de nombreuses années. Concrètement, l'AMC doit acquérir à leur valeur de marché les actifs en souffrance des établissements touristiques, les restructurer et éventuellement les céder.

    Mais les acteurs du secteur se sont mobilisés contre une telle proposition, brandissant l'épouvantail des "fonds vautours" qui pourraient s'emparer de ces actifs. D'après un observateur du milieu financier, cette levée de boucliers tient aussi au fait que l'AMC n'entend négocier qu'avec des opérateurs touristiques formellement agréés, alors qu'un tiers des professionnels ne le seraient pas. Résultat, la commission des finances de l'Assemblée nationale constituante, cédant à une intense campagne de lobbying, a tout bonnement refusé fin 2014 de prendre une quelconque décision.

    Et dans la nouvelle Assemblée, en place depuis novembre, la présidence de cette commission, censée entériner la création de l'AMC et qui revient au premier parti d'opposition, est au centre d'une foire d'empoigne.



    Profondeur

    Quelle que soit l'architecture du programme de restructuration du secteur bancaire qui sera retenu, ce qui est en jeu ce sont les modalités de "l'intervention publique dans le financement de l'économie tunisienne", se contente d'énoncer le financier Hakim El Karoui, associé chez Roland Berger.

    Les résultats de l'audit des banques publiques tunisiennes mené notamment par les équipes de ce cabinet allemand et par le groupement PwC/MTBF, associé au cabinet britannique, plaident pour une revue en profondeur de la gouvernance, du positionnement commercial, de la politique de ressources humaines et même du système informatique des banques publiques tunisiennes, selon une note du ministère des Finances.

    Des recommandations que la Banque de l'habitat - "la moins problématique des grandes banques publiques tunisiennes", selon Salma Zammit Hitchri, chef du département recherches et analyse du courtier MAC SA - s'efforce de mettre en application. Son conseil d'administration a entériné début 2015 des réformes, dont la séparation des postes de directeur général et de président du conseil d'administration et un programme de formation du personnel.

    Quant à la Banque centrale de Tunisie, dont le gouverneur a publiquement dénoncé la lenteur des réformes économiques, qui ont empêché "l'État de profiter des financements mis à sa disposition sous forme d'emprunts par les institutions financières internationales", elle est loin d'être exempte de tout blâme.

    Pour Standard & Poor's, "en permettant aux établissements publics d'opérer en dépit d'une violation continue du ratio minimum d'adéquation des fonds propres", la BCT a "augmenté les distorsions existant sur le marché bancaire". L'évaluation de la qualité de la régulation bancaire en Tunisie par l'agence de notation est passée du niveau "intermédiaire" au niveau "faible". Une note qui sonne comme un avertissement.


    jeune Afrique
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