Allemands en Russie, ils sont devenus russes en Allemagne. Plus de deux millions d'«Aussiedler» ont rejoint la mère patrie après la chute de l'URSS. Leur intégration est si difficile que certains rêvent de retourner en Sibérie.
Viktor et Elena ne voulaient pas vraiment quitter la Russie. C'était le voeu du père de voir enfin ce qu'il appelait sa «patrie», et pour «le Vieux», il n'était pas question de partir seul. Alors Viktor et Elena ont dit adieu à leurs collègues, retiré leur fils Roman de l'école, rangé tout ce qu'ils possédaient dans trois malles et pris le train. Direction l'ouest pour le plus grand voyage de leur vie, de Barnaoul, en Sibérie, vers l'Allemagne, le pays de leurs ancêtres.
Sept ans plus tard, ils ne rêvent que de retour. Aujourd'hui, le père est mort. Peu avant de les quitter, il s'est excusé auprès de ses enfants : «Rien n'est comme je l'avais imaginé», leur a-t-il avoué. Viktor et Elena sont tous deux sans travail depuis des années. Les amis et les collègues qu'ils ont laissés en Sibérie ont presque tous profité du miracle économique russe. «Si j'étais resté, l'usine m'appartiendrait aujourd'hui peut-être», rêve Viktor. Sans Roman, ils seraient partis depuis longtemps, disent-ils. Leur fils, aujourd'hui âgé de 15 ans, est le seul de la famille à s'être intégré. Une fois sa formation achevée, il sera professeur de sport.
Le destin de Viktor et Elena est loin d'être un cas isolé. Depuis la chute du Mur, près de deux millions et demi d'Allemands de souche ont quitté l'ex-Union soviétique pour retrouver la «patrie» de leurs ancêtres. Russes en Allemagne, allemands en ex-Union soviétique, le destin des «Aussiedler», comme on les appelle outre-Rhin, est symbolique des mouvements de population qui ont marqué l'est du continent européen depuis la chute du Mur. Neuf millions de personnes ont migré au sein de l'Europe de l'Est depuis la chute des régimes communistes.
Test de langue et savant système de quotas
Viktor, Elena et Roman sont allemands «par le sang», comme le veut la tradition allemande. Au vu de la loi, ils avaient droit au retour, en dédommagement des persécutions subies par les Allemands en Union soviétique du temps de Staline. Ces persécutions sont considérées comme l'une des conséquences du nazisme et de la guerre que l'Allemagne se doit de «réparer».
Les Russes allemands se sont littéralement engouffrés dans cette brèche. Près de 150 000 d'entre eux quittent l'ex-URSS en 1990. Quatre ans plus tard - 1994 marque le pic de la vague -, ce sont 215 000 personnes qui rejoignent l'Allemagne. Le flot est tel que la République fédérale est contrainte d'adopter des mesures drastiques : les nouveaux arrivants, d'abord parqués dans des centres de transit, sont ensuite répartis entre les dix-sept Länder, suivant un savant système de quotas, pour éviter de trop fortes concentrations régionales, comme cela a d'abord été le cas dans la région d'Osnabrück (où le départ des soldats canadiens, à la même époque, laissait de nombreuses casernes vides), ou dans le quartier de Marzahn à Berlin (où des barres d'immeubles de type soviétique avaient été quittées par leurs habitants à la chute du Mur).
Deux lois, adoptées en 1996 puis en 2005, ont durci le droit au retour des Aussiedler. Désormais, les candidats doivent passer un test de langue et prouver que l'allemand leur a été transmis par la famille. Les enfants et conjoints des Aussiedler ne peuvent quitter la Russie qu'à condition de maîtriser eux aussi l'allemand. Cas extrême, un jeune descendant de Russes allemands, qui parlerait couramment la langue de Goethe parce qu'il l'a étudiée à l'université, ne remplira pas les critères, contrairement à un ouvrier de 60 ans à qui ses parents auront sporadiquement parlé allemand pendant son enfance.
«Dès le début, nous avons essayé de donner une image réaliste de l'Allemagne, par le biais des journaux de la communauté allemande en ex-Union soviétique par exemple,explique Christoph Bergner, chargé par le gouvernement de gérer le dossier des Aussiedler.Mais les gens voulaient fuir le chaos ambiant. Aujourd'hui, le boom économique en Russie et au Kazakhstan et le fait que les minorités allemandes peuvent de nouveau vivre leur identité sans être persécutées ont contribué à ralentir le flot des départs. Les Allemands de l'ex-URSS se remettent à croire en leurs perspectives d'avenir sur place.» A Moscou, la croissance annuelle frise les 7 %, au Kazakhstan, c'est plus du double.
Du coup, le flot d'émigrants est tombé, depuis 2000, sous la barre des 100 000 personnes. L'an passé, ils n'étaient plus que 7 600 à quitter la Russie pour l'Allemagne, au titre du droit au retour. Ils seront moins encore cette année. Le flux s'est quasiment tari, bien qu'il reste encore 600 000 Allemands de souche en Russie, 220 000 au Kazakhstan et quelques dizaines de milliers en Ukraine, au Kirghizistan et en Ouzbékistan.
«Le migrant type est une famille soudée de plusieurs générations, avec de nombreux enfants, schématise Christoph Bergner.Les Aussiedler vivent pour la plupart dans des régions rurales, sont catholiques ou protestants, et ont un faible niveau de qualification : jusqu'en 1989, le régime soviétique leur interdisait l'accès à certains métiers, la médecine par exemple.»
Leur manque de formation ou la difficulté d'obtenir une reconnaissance de leurs diplômes russes en Allemagne expliquent le niveau dramatique du chômage de cette communauté.
La suite.....
Viktor et Elena ne voulaient pas vraiment quitter la Russie. C'était le voeu du père de voir enfin ce qu'il appelait sa «patrie», et pour «le Vieux», il n'était pas question de partir seul. Alors Viktor et Elena ont dit adieu à leurs collègues, retiré leur fils Roman de l'école, rangé tout ce qu'ils possédaient dans trois malles et pris le train. Direction l'ouest pour le plus grand voyage de leur vie, de Barnaoul, en Sibérie, vers l'Allemagne, le pays de leurs ancêtres.
Sept ans plus tard, ils ne rêvent que de retour. Aujourd'hui, le père est mort. Peu avant de les quitter, il s'est excusé auprès de ses enfants : «Rien n'est comme je l'avais imaginé», leur a-t-il avoué. Viktor et Elena sont tous deux sans travail depuis des années. Les amis et les collègues qu'ils ont laissés en Sibérie ont presque tous profité du miracle économique russe. «Si j'étais resté, l'usine m'appartiendrait aujourd'hui peut-être», rêve Viktor. Sans Roman, ils seraient partis depuis longtemps, disent-ils. Leur fils, aujourd'hui âgé de 15 ans, est le seul de la famille à s'être intégré. Une fois sa formation achevée, il sera professeur de sport.
Le destin de Viktor et Elena est loin d'être un cas isolé. Depuis la chute du Mur, près de deux millions et demi d'Allemands de souche ont quitté l'ex-Union soviétique pour retrouver la «patrie» de leurs ancêtres. Russes en Allemagne, allemands en ex-Union soviétique, le destin des «Aussiedler», comme on les appelle outre-Rhin, est symbolique des mouvements de population qui ont marqué l'est du continent européen depuis la chute du Mur. Neuf millions de personnes ont migré au sein de l'Europe de l'Est depuis la chute des régimes communistes.
Test de langue et savant système de quotas
Viktor, Elena et Roman sont allemands «par le sang», comme le veut la tradition allemande. Au vu de la loi, ils avaient droit au retour, en dédommagement des persécutions subies par les Allemands en Union soviétique du temps de Staline. Ces persécutions sont considérées comme l'une des conséquences du nazisme et de la guerre que l'Allemagne se doit de «réparer».
Les Russes allemands se sont littéralement engouffrés dans cette brèche. Près de 150 000 d'entre eux quittent l'ex-URSS en 1990. Quatre ans plus tard - 1994 marque le pic de la vague -, ce sont 215 000 personnes qui rejoignent l'Allemagne. Le flot est tel que la République fédérale est contrainte d'adopter des mesures drastiques : les nouveaux arrivants, d'abord parqués dans des centres de transit, sont ensuite répartis entre les dix-sept Länder, suivant un savant système de quotas, pour éviter de trop fortes concentrations régionales, comme cela a d'abord été le cas dans la région d'Osnabrück (où le départ des soldats canadiens, à la même époque, laissait de nombreuses casernes vides), ou dans le quartier de Marzahn à Berlin (où des barres d'immeubles de type soviétique avaient été quittées par leurs habitants à la chute du Mur).
Deux lois, adoptées en 1996 puis en 2005, ont durci le droit au retour des Aussiedler. Désormais, les candidats doivent passer un test de langue et prouver que l'allemand leur a été transmis par la famille. Les enfants et conjoints des Aussiedler ne peuvent quitter la Russie qu'à condition de maîtriser eux aussi l'allemand. Cas extrême, un jeune descendant de Russes allemands, qui parlerait couramment la langue de Goethe parce qu'il l'a étudiée à l'université, ne remplira pas les critères, contrairement à un ouvrier de 60 ans à qui ses parents auront sporadiquement parlé allemand pendant son enfance.
«Dès le début, nous avons essayé de donner une image réaliste de l'Allemagne, par le biais des journaux de la communauté allemande en ex-Union soviétique par exemple,explique Christoph Bergner, chargé par le gouvernement de gérer le dossier des Aussiedler.Mais les gens voulaient fuir le chaos ambiant. Aujourd'hui, le boom économique en Russie et au Kazakhstan et le fait que les minorités allemandes peuvent de nouveau vivre leur identité sans être persécutées ont contribué à ralentir le flot des départs. Les Allemands de l'ex-URSS se remettent à croire en leurs perspectives d'avenir sur place.» A Moscou, la croissance annuelle frise les 7 %, au Kazakhstan, c'est plus du double.
Du coup, le flot d'émigrants est tombé, depuis 2000, sous la barre des 100 000 personnes. L'an passé, ils n'étaient plus que 7 600 à quitter la Russie pour l'Allemagne, au titre du droit au retour. Ils seront moins encore cette année. Le flux s'est quasiment tari, bien qu'il reste encore 600 000 Allemands de souche en Russie, 220 000 au Kazakhstan et quelques dizaines de milliers en Ukraine, au Kirghizistan et en Ouzbékistan.
«Le migrant type est une famille soudée de plusieurs générations, avec de nombreux enfants, schématise Christoph Bergner.Les Aussiedler vivent pour la plupart dans des régions rurales, sont catholiques ou protestants, et ont un faible niveau de qualification : jusqu'en 1989, le régime soviétique leur interdisait l'accès à certains métiers, la médecine par exemple.»
Leur manque de formation ou la difficulté d'obtenir une reconnaissance de leurs diplômes russes en Allemagne expliquent le niveau dramatique du chômage de cette communauté.
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