Mohamed Khelladi a révélé que les commissions étaient réparties comme suit : Chani 4%, Falcone et Mohamed Bedjaoui (ancien ministre des Affaires étrangères) 10%, Amar Ghoul 25%, qui en a reversé 1,25% à Tayeb Kouidri. L’autoroute a coûté 11 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 5 milliards de dollars de surcoûts.
Tantôt serein tantôt énervé, Mohamed Khelladi, par qui le scandale de l’autoroute a éclaté, a créé la surprise. Les révélations qu’il a faites devant le tribunal criminel ont tenu en haleine aussi bien les avocats que les journalistes. C’est vers 15h30 qu’il est appelé à la barre. Il commence par planter le décor en donnant un aperçu de son cursus, depuis son passage à la Marine nationale où il était dans la construction navale, jusqu’au ministère des Travaux publics, en passant par l’unité de recherche et développement de la Marine nationale, à l’Institut de criminalistique de la Gendarmerie nationale et le ministère de la Pêche.
Il raconte avoir été recruté par Amar Ghoul en tant que directeur d’étude au ministère des Travaux publics, en 2006, alors que le marché et les ordres de service pour la réalisation de l’autoroute étaient déjà finalisés en 2005. «Amar Ghoul m’a demandé de sauver ce grand projet qui était dans une situation de blocage. Je lui ai dit de compter sur ses cadres comme Ghezal le directeur général de l’ANA et Khaldi, mais il a refusé. Quelques jours après, il m’a relancé en me proposant la DPN (division des nouveaux projets). J’ai accepté à la condition d’avoir toutes les prérogatives de prendre les décisions qui s’imposent en temps réel vu les grands problèmes qui se posaient sur le terrain.
Il n’y avait ni personnel, ni logistique, ni organisation, ni structures qui contrôlent l’exécution. Des cadres étaient détournés par les Chinois et les Japonais. Le projet était à l’abandon. Il fallait réagir. Des décisions ont été prises lors d’une réunion du conseil d’administration de l’ANA. Le contrat prévoyait des mesures d’accompagnement exécutées par les groupements. Dans cette affaire, il y a eu corruption. L’autoroute a coûté certes 11 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 5 milliards de corruption», dit-il.
D’un ton coléreux, il ajoute : «Je vais vous expliquer par les chiffres comment la corruption a été instituée et qui en a profité. Je n’ai rien inventé…» Le juge : «Comment avez-vous appris qu’il y a eu corruption ?» L’accusé : «Déjà en 2005, les gens parlaient de corruption. Même la presse en a fait état, en avançant un montant d’un milliard de dollars. Monsieur le juge, en 2006, le tribunal a ouvert une enquête sur les surcoûts dans la réalisation de l’autoroute Est-Ouest, mais a elle été fermée par la suite. Même le ministre a parlé de 20% de surcoût. J’étais dans une cellule d’intelligence économique à la Gendarmerie nationale, je sais de quoi je parle. J’ai décidé, en tant que citoyen qui aime son pays, d’ouvrir le dossier.»
Le magistrat le fait revenir à sa relation avec Medjdoub Chani. Khelladi raconte : «Le général Hassen m’a appelé au téléphone. Il m’a dit que le général Abdelaâli me demandait de prendre attache avec Chani et de le voir pour savoir ce qu’il voulait. Il m’a remis son numéro et je l’ai contacté. Nous nous sommes rencontrés dans un café bien illuminé à Dély Ibrahim.» La réflexion suscite des éclats de rire dans la salle.
«Oui, ce n’était pas un café lugubre comme Chani l’a présenté. Il m’a dit en ces termes : ‘Vos chefs, les gens du DRS, m’ont envoyé vous dire d’exécuter ce qu’ils disent. Vous demandez aux Chinois une enveloppe consistante pour servir de caisse noire au DRS à l’étranger.’ Il m’a parlé sur ce ton, sans aucune introduction. Il m’a dit qu’il était là pour régler tous les problèmes des Chinois, y compris ceux liés au bitume.»
«L’épouse de Sacha est la nièce d’un proche de la Présidence»
Le magistrat lui demande ce que Addou Tadj Eddine lui a dit à propos de l’affaire. «Il m’a dit clairement que quelqu’un de malveillant tourne autour du groupe Citic. J’en ai parlé au ministre, mais rien. Lorsque Chani m’a parlé de cette caisse noire que les Chinois devaient alimenter, je lui ai répondu : ‘Pourquoi, nos Services sont devenus des mendiants pour aller quémander de l’argent ?’ J’ai demandé le statut de sa société et j’ai découvert que ses bureaux étaient situés à quelques mètres de l’ANA.
Il contrôlait tous nos mouvements et ceux des Chinois», répond Khelladi. Le magistrat : «A quel moment avez-vous commencé à fouiner ?» «C’était une initiative personnelle, parce que j’ai été témoin d’une grande corruption. Je ne pouvais pas accepter cela. Tadj Eddine Addou m’a parlé de Sacha, de son vrai nom Boussaïd Nasredine, un type de Tlemcen dont l’épouse est la nièce d’un proche de la Présidence», révèle l’accusé, suscitant encore des éclats de rire dans la salle. Il poursuit : «Tadj Eddine m’a payé le billet d’avion pour Paris.
Sacha devait m’accompagner en Chine, à ses frais, pour voir quelqu’un qui me donnerait tous les éléments.» Le juge : «Avez-vous informé la tutelle ?» L’accusé : «J’avais déjà dit à Amar Ghoul qu’il y avait une personne malveillante qui rôdait, c’était Chani, mais il n’a rien fait. J’ai été à Pékin, et là j’ai rencontré un certain Philippe Chêne.» Le juge : «Pourquoi n’avez-vous pas informé les officiels ?» L’accusé : «Pour qu’ils me suivent et me tuent en Chine ?
Je n’étais qu’un petit poisson pour eux.» Le magistrat : «Dans quel but Sacha vous a-t-il payé le voyage ?» L’accusé : «Peut être parce qu’il y avait une lutte d’intérêts entre lui, Chani et Falcone. Je pense qu’il s’est senti floué par Chani, c’est pour cela qu’il m’a accompagné à Pékin et a pris en charge mon voyage.» Le juge insiste et Khelladi répond : «Posez la question à Tadj Eddine, que je connais depuis que j’étais dans le secteur de la Pêche. J’avais le programme de relance du secteur et je n’arrivais pas à comprendre pourquoi le ministre ne voulait pas lui accorder l’aide de l’Etat, qui était destinée à tous les citoyens. J’ai su par la suite que Tadj Eddine avait une société de pêche avec Amar Ghoul.
L’essentiel, je n’ai jamais pensé que Tadj Eddine, était impliqué. Pour moi, c’était quelqu’un qui me donnait des renseignements.»
Le magistrat revient sur le voyage à Pékin. «J’ai rencontré ce Philippe Chêne qui m’a assuré que Chani avait pris 4%, Falcone et Mohamed Bedjaoui (ancien ministre des Affaires étrangères) ont pris 10%, alors que 25% ont été pris par Amar Ghoul, lequel a reversé 1,25% à Tayeb Kouidri. J’ai remis toutes ces informations au DRS. Je ne pouvais pas les garder. Ils ont enquêté. Je pense qu’ils les avaient déjà, mais il leur manquait des preuves.» Le juge : «Ce sont les Chinois qui ont payé ?» L’accusé : «Les Chinois ont donné 25% à Amar Ghoul et je regrette qu’il ne soit pas là pour s’expliquer...»
Le magistrat lui rappelle la procédure liée à la convocation d’un membre du gouvernement. «Il a été entendu par écrit et ce n’est certainement pas moi, un petit juge, qui vais ramener un ministre en activité. Il y a une procédure qu’il faut respecter», lui lance- t-il avant de lui demander d’expliquer sa présence sur une photo avec Sacha. «Cette photo veut dire que tout ce que j’ai raconté est la vérité. Je suis bien parti avec Sacha à Pékin, pour enquêter sur la corruption.
Je n’ai pas cherché après Chani ni après les Chinois parce que je savais qu’ils faisaient de l’espionnage. J’ai remis tout le dossier aux Services. Ils ont fait un rapport au président de la République, qui a pris des mesures.» Le magistrat l’interroge sur les soins assurés au fils de Khelladi, dans un hôpital américain au Japon, pris en charge par Citic. Il répond : «Une délégation médicale venait chaque année pour soigner des Algériens. Lorsqu’elle a connu le cas de mon fils, handicapé, les médecins m’ont dit qu’ils pouvaient le soigner dans un cadre humanitaire.»
Tantôt serein tantôt énervé, Mohamed Khelladi, par qui le scandale de l’autoroute a éclaté, a créé la surprise. Les révélations qu’il a faites devant le tribunal criminel ont tenu en haleine aussi bien les avocats que les journalistes. C’est vers 15h30 qu’il est appelé à la barre. Il commence par planter le décor en donnant un aperçu de son cursus, depuis son passage à la Marine nationale où il était dans la construction navale, jusqu’au ministère des Travaux publics, en passant par l’unité de recherche et développement de la Marine nationale, à l’Institut de criminalistique de la Gendarmerie nationale et le ministère de la Pêche.
Il raconte avoir été recruté par Amar Ghoul en tant que directeur d’étude au ministère des Travaux publics, en 2006, alors que le marché et les ordres de service pour la réalisation de l’autoroute étaient déjà finalisés en 2005. «Amar Ghoul m’a demandé de sauver ce grand projet qui était dans une situation de blocage. Je lui ai dit de compter sur ses cadres comme Ghezal le directeur général de l’ANA et Khaldi, mais il a refusé. Quelques jours après, il m’a relancé en me proposant la DPN (division des nouveaux projets). J’ai accepté à la condition d’avoir toutes les prérogatives de prendre les décisions qui s’imposent en temps réel vu les grands problèmes qui se posaient sur le terrain.
Il n’y avait ni personnel, ni logistique, ni organisation, ni structures qui contrôlent l’exécution. Des cadres étaient détournés par les Chinois et les Japonais. Le projet était à l’abandon. Il fallait réagir. Des décisions ont été prises lors d’une réunion du conseil d’administration de l’ANA. Le contrat prévoyait des mesures d’accompagnement exécutées par les groupements. Dans cette affaire, il y a eu corruption. L’autoroute a coûté certes 11 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 5 milliards de corruption», dit-il.
D’un ton coléreux, il ajoute : «Je vais vous expliquer par les chiffres comment la corruption a été instituée et qui en a profité. Je n’ai rien inventé…» Le juge : «Comment avez-vous appris qu’il y a eu corruption ?» L’accusé : «Déjà en 2005, les gens parlaient de corruption. Même la presse en a fait état, en avançant un montant d’un milliard de dollars. Monsieur le juge, en 2006, le tribunal a ouvert une enquête sur les surcoûts dans la réalisation de l’autoroute Est-Ouest, mais a elle été fermée par la suite. Même le ministre a parlé de 20% de surcoût. J’étais dans une cellule d’intelligence économique à la Gendarmerie nationale, je sais de quoi je parle. J’ai décidé, en tant que citoyen qui aime son pays, d’ouvrir le dossier.»
Le magistrat le fait revenir à sa relation avec Medjdoub Chani. Khelladi raconte : «Le général Hassen m’a appelé au téléphone. Il m’a dit que le général Abdelaâli me demandait de prendre attache avec Chani et de le voir pour savoir ce qu’il voulait. Il m’a remis son numéro et je l’ai contacté. Nous nous sommes rencontrés dans un café bien illuminé à Dély Ibrahim.» La réflexion suscite des éclats de rire dans la salle.
«Oui, ce n’était pas un café lugubre comme Chani l’a présenté. Il m’a dit en ces termes : ‘Vos chefs, les gens du DRS, m’ont envoyé vous dire d’exécuter ce qu’ils disent. Vous demandez aux Chinois une enveloppe consistante pour servir de caisse noire au DRS à l’étranger.’ Il m’a parlé sur ce ton, sans aucune introduction. Il m’a dit qu’il était là pour régler tous les problèmes des Chinois, y compris ceux liés au bitume.»
«L’épouse de Sacha est la nièce d’un proche de la Présidence»
Le magistrat lui demande ce que Addou Tadj Eddine lui a dit à propos de l’affaire. «Il m’a dit clairement que quelqu’un de malveillant tourne autour du groupe Citic. J’en ai parlé au ministre, mais rien. Lorsque Chani m’a parlé de cette caisse noire que les Chinois devaient alimenter, je lui ai répondu : ‘Pourquoi, nos Services sont devenus des mendiants pour aller quémander de l’argent ?’ J’ai demandé le statut de sa société et j’ai découvert que ses bureaux étaient situés à quelques mètres de l’ANA.
Il contrôlait tous nos mouvements et ceux des Chinois», répond Khelladi. Le magistrat : «A quel moment avez-vous commencé à fouiner ?» «C’était une initiative personnelle, parce que j’ai été témoin d’une grande corruption. Je ne pouvais pas accepter cela. Tadj Eddine Addou m’a parlé de Sacha, de son vrai nom Boussaïd Nasredine, un type de Tlemcen dont l’épouse est la nièce d’un proche de la Présidence», révèle l’accusé, suscitant encore des éclats de rire dans la salle. Il poursuit : «Tadj Eddine m’a payé le billet d’avion pour Paris.
Sacha devait m’accompagner en Chine, à ses frais, pour voir quelqu’un qui me donnerait tous les éléments.» Le juge : «Avez-vous informé la tutelle ?» L’accusé : «J’avais déjà dit à Amar Ghoul qu’il y avait une personne malveillante qui rôdait, c’était Chani, mais il n’a rien fait. J’ai été à Pékin, et là j’ai rencontré un certain Philippe Chêne.» Le juge : «Pourquoi n’avez-vous pas informé les officiels ?» L’accusé : «Pour qu’ils me suivent et me tuent en Chine ?
Je n’étais qu’un petit poisson pour eux.» Le magistrat : «Dans quel but Sacha vous a-t-il payé le voyage ?» L’accusé : «Peut être parce qu’il y avait une lutte d’intérêts entre lui, Chani et Falcone. Je pense qu’il s’est senti floué par Chani, c’est pour cela qu’il m’a accompagné à Pékin et a pris en charge mon voyage.» Le juge insiste et Khelladi répond : «Posez la question à Tadj Eddine, que je connais depuis que j’étais dans le secteur de la Pêche. J’avais le programme de relance du secteur et je n’arrivais pas à comprendre pourquoi le ministre ne voulait pas lui accorder l’aide de l’Etat, qui était destinée à tous les citoyens. J’ai su par la suite que Tadj Eddine avait une société de pêche avec Amar Ghoul.
L’essentiel, je n’ai jamais pensé que Tadj Eddine, était impliqué. Pour moi, c’était quelqu’un qui me donnait des renseignements.»
Le magistrat revient sur le voyage à Pékin. «J’ai rencontré ce Philippe Chêne qui m’a assuré que Chani avait pris 4%, Falcone et Mohamed Bedjaoui (ancien ministre des Affaires étrangères) ont pris 10%, alors que 25% ont été pris par Amar Ghoul, lequel a reversé 1,25% à Tayeb Kouidri. J’ai remis toutes ces informations au DRS. Je ne pouvais pas les garder. Ils ont enquêté. Je pense qu’ils les avaient déjà, mais il leur manquait des preuves.» Le juge : «Ce sont les Chinois qui ont payé ?» L’accusé : «Les Chinois ont donné 25% à Amar Ghoul et je regrette qu’il ne soit pas là pour s’expliquer...»
Le magistrat lui rappelle la procédure liée à la convocation d’un membre du gouvernement. «Il a été entendu par écrit et ce n’est certainement pas moi, un petit juge, qui vais ramener un ministre en activité. Il y a une procédure qu’il faut respecter», lui lance- t-il avant de lui demander d’expliquer sa présence sur une photo avec Sacha. «Cette photo veut dire que tout ce que j’ai raconté est la vérité. Je suis bien parti avec Sacha à Pékin, pour enquêter sur la corruption.
Je n’ai pas cherché après Chani ni après les Chinois parce que je savais qu’ils faisaient de l’espionnage. J’ai remis tout le dossier aux Services. Ils ont fait un rapport au président de la République, qui a pris des mesures.» Le magistrat l’interroge sur les soins assurés au fils de Khelladi, dans un hôpital américain au Japon, pris en charge par Citic. Il répond : «Une délégation médicale venait chaque année pour soigner des Algériens. Lorsqu’elle a connu le cas de mon fils, handicapé, les médecins m’ont dit qu’ils pouvaient le soigner dans un cadre humanitaire.»
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