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« Les Almohades étaient des fascistes»

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  • « Les Almohades étaient des fascistes»

    Spécialiste de la période médiévale maghrébine, Mohamed Kably est considéré comme un des meilleurs historiens de sa génération. À la tête de l’Institut Royal de la Recherche sur l’Histoire du Maroc depuis 2005, il nous livre sa vision sur la recherche dans un domaine qui attise les passions identitaires et politiques.

    Pour commencer, pouvez-vous nous retracer brièvement votre parcours ?
    Je suis né dans la ville de Casablanca où j’ai également fait mes études par la suite. Au lendemain de l’Indépendance, j’ai fait un passage par le célèbre Collège Moulay Youssef avant de rejoindre le principal établissement français de la capitale, le lycée Gouraud (actuel lycée Hassan II, ndlr). Mes études supérieures se sont passées à Bordeaux, puis à Paris où je commence à m’intéresser fortement à l’histoire et la civilisation musulmanes. Une période dont je profite pour côtoyer d’éminents professeurs tels que Claude Cahen, Robert Brunschvig, Émile Laoust, René Le Merle ainsi que toute une pléiade d’historiens et d’islamologues réputés. À mon retour au Maroc, j’intègre la Faculté des Lettres de l’Université Mohammed V de Rabat où j’exerce comme assistant, comme maître de conférences par la suite, puis comme professeur d’université avant de me voir proposer le poste de doyen en 1975. Après consultation des collègues, je décide d’accepter le poste que j’assume jusqu’en 1978. Une fois déchargé du décanat, je demande à être détaché à l’IURS (Institut Universitaire de Recherche Scientifique, ndlr), pour me consacrer à mes travaux de recherche, ce qui fut pris en considération par le Ministère qui m’autorisa aussitôt à rejoindre l’Institut en question. C’est donc dans ce contexte que j’ai pu terminer ma thèse (Société, pouvoir et religion au Maroc à la fin du Moyen-âge, ndlr). La phase suivante allait comporter des missions académiques ponctuées de publications diverses. Il s’agit notamment d’un séjour à l’Université de Bordeaux, d’un autre à Harvard Universty, de la présidence de l’Université de Tétouan, de celle de l’Université de Fès et, à présent, de la direction de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc (IRRHM).

    Pourquoi avoir fait le choix de l’Histoire ?
    Pour une génération formée sous le Protectorat comme la mienne, la question de l’identité comptait parmi les préoccupations essentielles. Inutile d’évoquer le terme « nationalisme », puisque nous étions tous plus ou moins de cœur, ne serait-ce que par solidarité affective, avec nos aînés des organisations revendiquant l’Indépendance. Personnellement en tout cas, j’avais besoin de me connaître, de me définir culturellement par-dessus tout. Étant donné notre situation de quasi-aliénés à la culture française, laquelle était très fortement représentée dans les programmes, s’approprier intellectuellement une identité différentielle devait être également le moyen d’instaurer une forme de résistance. Au-delà de ce contexte, je crois pouvoir ramener mon intérêt pour l’Histoire au rôle joué par certains de mes professeurs du secondaire, en terminale surtout et en propédeutique.

    En 1978, vous fondez avec d’autres chercheurs l’Association Marocaine pour la Recherche Historique. Pourquoi et comment ?
    En cette période, les départements d’Histoire étaient encadrés notamment par des enseignants venus du Moyen-Orient, surtout d’Égypte et de Syrie, mais aussi de nationaux formés soit en France, soit parfois en Grande-Bretagne. De ce fait, l’approche historique au Maroc était investie par une pluralité de méthodes plus ou moins inconciliables. D’où le sentiment que l’on avait alors d’essayer d’y mettre de l’ordre. Le regretté Mohamed Zniber, Brahim Boutaleb, Halima Ferhat et moi-même avons donc décidé de fonder une association à cette fin. Nous voulions en effet créer ce que l’on peut appeler « une école d’historiens marocains ». L’objectif était simple : il fallait instaurer des repères en se mettant d’accord sur des règles de travail engageant les membres de cette école. Et l’on sait qu’une telle action pouvait aller très loin, sous d’autres cieux, et pousser les animateurs, vu son impact, à la rédaction d’un manifeste, à la création d’une revue ou même à l’institution d’une structure de formation appropriée. Pour nous, le diplôme paraissait insuffisant. Nous préférions miser sur la qualité des travaux proposés au préalable au Bureau. Ce souci de la qualité a été renforcé par l’obligation d’un parrainage exprimé par deux membres de ce Bureau ou à défaut, par deux chercheurs confirmés. À l’issue de cette première phase expérimentale, il a été finalement jugé qu’une stratégie moins exigeante serait plus opportune et qu’il fallait ouvrir l’Association davantage. La qualité viendrait donc, selon cette option, avec le nombre.

    En instaurant une « école historique marocaine », n’aviez-vous pas également l’intention de vous démarquer d’un traitement de l’Histoire trop favorable au nationalisme historique ?
    Il ne faut pas confondre nos motivations en vue d’une association et la nature des travaux bannis ou qui y ont été par contre engagés. Notre principale motivation découlait en fait de la trop grande hétérogénéité remarquée au niveau de la formation des étudiants. Cette réalité constituait le réel soubassement. Cela étant, lorsque je pris la direction de cette même association à la suite de feu Mohamed Zniber, ce ne fut que pour des raisons académiques. Pour moi, il fallait d’abord tenir compte de la réalité existante. Car, il est indéniable que des personnes pratiquaient une sorte d’approche laudative, laquelle tendait à promouvoir, plus ou moins en filigrane, l’idéologie nationaliste. Ces collègues avaient évidemment la charge de former des étudiants. Il était donc urgent pour notre Association d’imposer une certaine discipline. Nous n’admettions pas que nos futurs historiens puissent un jour prétendre que notre civilisation est unique et qu’elle ne doit strictement rien à aucune autre. Dans un sens plus large, le nationalisme comme idéologie historique consistait alors – et consiste toujours – en un ethnocentrisme excessif. Un chercheur sérieux ne peut en aucune manière adopter ce type d’approche dans ses travaux.

    Ne trouvez-vous pas que le moment est à nouveau venu de réviser notre façon d’aborder l’histoire du Maroc ?
    C’est toujours le bon moment. Vous savez, la recherche en Histoire est un mouvement continu. Personnellement, je suis constamment en train de réviser mes anciens travaux et il m’arrive d’être en désaccord, à un moment précis, avec certaines de mes hypothèses de la veille. D’ailleurs, le dernier ouvrage de synthèse que nous avons produit à l’IRRHM constitue, pour une bonne part, une véritable remise en question de bien des aspects figés ou occultés de l’histoire de ce pays. Cependant, tout travail, y compris celui-là, nécessite d’être revisité au bout d’un certain temps. Respecter cette règle me paraît être une précaution salutaire tout en étant, bien entendu, une évidence.

    Dans le traitement de l’histoire du Maroc, existe-t-il une période qui mérite d’être revisitée un peu plus que d’autres ?
    Chaque période à ses spécificités. Mais, je pense que l’étude du temps présent nécessite une attention particulière. Nous avons récemment organisé un colloque avec pour thème « le Maroc et le temps présent » où il est clairement apparu que bien des questions demeurent en suspens. La nouveauté pour nous aura consisté néanmoins en l’association d’acteurs politiques, à côté d’un certain nombre d’historiens chevronnés, au sein de la rencontre. Puisque le but consistait à amener acteurs et chercheurs à dialoguer pour mieux débattre de cette même problématique. Les historiens avaient au préalable dressé une grille de questions destinées aux invités militants ayant vécu et participé à tels événement ou série d’événements particuliers. Les réponses livrées par ces témoins de qualité durent permettre aux historiens d’accéder à des éléments de réponse que l’on a consignés par la suite dans les Actes de cette manifestation passionnante. Ceci dit, l’on note que cette période est la plus investie par les travaux de nos chercheurs tout en étant paradoxalement celle qui nécessite le plus de révisions.

    Les historiens marocains se trouvent souvent enfermés dans la recherche thématique et ne parviennent pas à s’affranchir des travaux effectués par les fondateurs, comme Abdallah Laroui et vous-même, pourquoi ?
    La jeune génération a en effet besoin de faire son parricide. Je pense que la difficulté de l’innovation dans la recherche est liée, en partie, à la multiplicité non coordonnée des universités, ou plutôt des départements d’Histoire qui y sont affiliés. Lorsque j’étais doyen de la Faculté des Lettres, j’avais reçu de la part du ministère des directives pour sélectionner les meilleurs étudiants en fin de cycle, dans différentes disciplines, pour les envoyer aussitôt, sous contrat, à l’étranger pour parfaire leur formation. Cette politique pratiquée au cours des deux années universitaires 1975-76 et 1976-77 avait permis l’envoi, dans différents pays d’Europe et aux États-Unis, d’une centaine de lauréats. L’idée était d’anticiper l’ouverture des futures universités dans le but de préparer leurs propres cadres. Nous avions choisi d’octroyer à ces jeunes une formation ailleurs qu’au Maroc pour mieux enrichir leur personnalité de chercheurs et consolider leurs compétences. Au cours de l’année 1978, à la suite d’un changement ministériel intervenu en octobre 1977, l’on a dû, sans crier gare, bousculer l’ensemble de ce projet. Le nouveau ministre crut devoir résilier au plus tôt les contrats engagés pour la formation de cette élite estudiantine. Pour des raisons sans doute ponctuelles, la nouvelle administration avait dû estimer que de futurs enseignants n’avaient point à être envoyés à l’étranger, qu’une telle entreprise constituait un risque aux ramifications incontrôlables et qu’il valait peut-être mieux y mettre un terme. Le résultat de ce retournement de situation aura été l’instauration d’une formation locale d’à peine 18 mois. Ainsi, les éléments destinés à encadrer les nouvelles universités ne sont pas suffisamment outillés, sachant qu’ils avaient à parfaire leur propre formation tout en assumant la tâche de former à leur tour les générations suivantes. Il s’ensuit que les nouvelles universités ont dû naître avec un tel handicap, ce qui explique, du moins en partie, les carences que vous signaliez vous-même au niveau de la recherche.
    .

  • #2
    suite

    Vous avez évoqué l’importance du contemporain et aussi la recherche d’une identité. Nous constatons un engouement certain du public marocain à ces égards. Dans ce cadre, comment définiriez-vous le rôle de l’historien marocain ?
    Actuellement, et ici comme ailleurs, l’historien est investi de deux fonctions principales : l’une est académique, l’autre est citoyenne. En utilisant sa science, l’historien doit être utile à sa société, car la finalité du savoir est de pouvoir expliquer les faits et d’inviter par là même au partage du fruit des travaux scientifiques. De ce fait, l’historien se trouve en charge d’une mission vis-à-vis de la cité. Auparavant, ce volet citoyen, même en Occident, n’était guère pris en compte. L’historien doit donc se comporter en chercheur professionnel indépendant. Parallèlement, il ne saurait se dérober au devoir d’éclairer la société sur la signification objective ou la portée de tel événement ou processus historique faisant l’objet de polémique. La prise de risque fait également partie du métier. Enfin, un chercheur en Histoire ne peut pas se passer de l’éthique professionnelle qu’il convient de considérer comme un véritable impératif. Pour paraphraser Rabelais, je dirais à mon tour, après tant d’autres, que science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Le profil de l’historien moderne doit comporter tous ces éléments, sans oublier l’intérêt ultime qu’il doit témoigner en conscience à tous ses semblables.

    Évoquons maintenant vos travaux réalisés en tant que spécialiste du Moyen-âge marocain. Vous avez qualifié la gestion des territoires au Moyen-âge par les Almohades d’autoritaire, voire même de dictature fasciste. Expliquez-nous cette position ?
    Il est vrai que le mot « fasciste » est un peu fort, mais je vais vous expliquer pourquoi il n’est pas non plus galvaudé. La dynastie des Almohades a été fondée par un homme qui se prétendait Mahdi (le messie attendu, ndlr). Ibn Toumert s’est également autoproclamé « maâssoum », c’est-à-dire infaillible. Il est donc le maître indiscutable et le chef qui ne se trompe jamais, à la différence de tous les hommes. Transposez ce cas de figure au XXe siècle et vous obtenez un régime pour le moins totalitaire. De plus, Ibn Toumert choisit de s’appeler Mohamed Ben Abdallah, alors que ce n’est pas son appellation d’origine, calquant ainsi littéralement le patronyme du Prophète. Il a également mis en œuvre un exode, « al-hijra ». Ses partisans les plus proches sont au nombre de dix (al-Ashara), de même, on le sait, que les dix compagnons du Prophète sont promis, suivant la tradition, au paradis. Tant d’éléments sont là pour faire du personnage une figure essayant de rééditer la mission prophétique. D’autre part, dans les textes almohades, il est clairement signalé qu’une fois installée au pouvoir, la dynastie ne tarde pas à mettre en pratique ce qu’on appelle le « tamyîz », lequel correspond, ni plus ni moins, à une forme de ségrégation idéologique franchement sanguinaire. En ce sens que tout groupe dissident ou tout individu réfractaire se voient réduits, sans procès, à être exécutés au grand jour. Par ailleurs, sous le règne du premier calife almohade comme par la suite, la propriété terrienne devenait l’apanage des seules tribus et notabilités almohades. Tout autre exploitant n’avait pour lui que l’usufruit du sol, sous réserve, au surplus, de verser une quote-part à l’État. Comment qualifier cette forme de gouvernance sinon qu’elle préfigure à la perfection ce qu’on appelle aujourd’hui despotisme étatique. Il faut dire, sans que cela soit tout à fait à la décharge de ce système, que le statut du sol, étant exclusivement à l’avantage des adeptes du Mahdi, aura permis, malgré tout, de dresser pour la première fois le cadastre au Maroc tout en l’étendant, et pour cause, à la quasi-totalité du territoire maghrébin.

    N’est-ce pas paradoxal de constater que la dynastie almohade exerce une très forte centralisation du pouvoir politique, alors même que le territoire à administrer est immense ?
    Tout à fait ! L’État almohade était de ce point de vue assez exceptionnel. Le pouvoir ne laissait rien au hasard et pour tenir un aussi vaste territoire, il a fallu qu’il s’organise en conséquence. Pour ce faire, la formation des cadres administratifs, destinés à gérer les lointaines contrées de l’empire, se passait dans une école de formation à Marrakech, c’est-à-dire sous les yeux du pouvoir central. Les étudiants, appelés « Talabat al-mouahiddîne », étaient non seulement formés à la gestion politique, administrative et financière, mais aussi aux différentes tâches de contrôle idéologique aussi bien qu’à l’éducation physique qui impliquait notamment la natation, l’équitation et l’entraînement militaire. De sorte que la quasi-totalité des provinces, tout au long du Maghreb, était parfaitement tenue en main.

    Comment expliquer alors la chute d’une telle puissance ?
    La raison est directement imputable aux évènements d’Al Andalus. Jusqu’à la fin du XIIe siècle et le règne d’al-Mansour (1184-1199), les Almohades avaient suffisamment de moyens pour rester maîtres du Maghreb et repousser en même temps les assauts des chrétiens en péninsule ibérique. Une telle suprématie aura été couronnée par la victoire, à Al Andalus même, de l’Alarcos en 1195. Ce succès militaire précipite néanmoins la formation d’une alliance chrétienne en vue de prendre la revanche. Finalement, le désastre d’al-Oqâb ou Las Navas de Tolosa arrive en 1212 pour sonner le glas de l’armée almohade. Pour moi comme pour les textes de l’époque, la dynastie commence à s’effondrer à partir de ce moment précis.

    Après cela, comment la gestion du territoire au Maghreb s’est-elle décentralisée ?
    Les Mérinides qui succèdent aux Almohades optent, en effet, pour une autre stratégie. Tout en se répartissant le pouvoir, ils n’hésitaient pas, contrairement à leurs prédécesseurs, à associer d’autres divisions exogènes, y compris les arabes nomades du Sud et du Maroc extérieur. Il est vrai que les Almohades avaient également fait appel aux arabes des tribus hilaliennes : la différence est que ces derniers n’étaient que des mercenaires alors que les Mérinides avaient traité leurs partenaires arabes en véritables associés disposant, dans certains cas, d’une certaine délégation de pouvoir.

    Revenons un peu en arrière dans le temps, car nous voudrions mieux comprendre votre point de vue sur le mouvement « autonomiste » du Maroc vis-à-vis du Levant, au milieu du second siècle de l‘Hégire (VIIIe siècle). Comment l’expliquez-vous ?
    C’est peut-être la première « intifada », si l’on peut dire, contre le calife omeyyade. À l’origine, ce mouvement se situe au nord du Maroc. La raison déterminante de cette action de rejet paraît être le comportement humiliant et la politique ouvertement esclavagiste de certains conquérants et gouverneurs arabes. Avant de se soulever cependant, les amazighs du Maghreb-Extrême ont dû envoyer une délégation à Damas pour s’enquérir de la réaction du calife. On nous signale que cette délégation n’a point été reçue et que la révolte a éclaté à son retour, depuis Tanger, avant de faire tache d’huile en s’étendant à l’ensemble du Maghreb. La conséquence directe de cette rébellion aura été le retrait de l’administration arabe et la formation d’une multitude d’émirats parrainant des entités régionales indépendantes.
    Ces entités sont aujourd’hui connues : il s’agit de l’émirat Berghouata au centre, de celui de Nekkour au nord avec celui de Sijilmassa au sud et bien sûr, celui des Idrissides au nord-ouest, autour de Fès et de Volubilis. Ce découpage est d’ailleurs assez peu mis en valeur au niveau de l’enseignement dispensé de l’Histoire du Maroc. Toujours est-il que l’unification du territoire sous la même autorité n’aura lieu qu’avec l’avènement des Sahariens almoravides, lesquels allaient bientôt voir apparaître, pour la première fois dans les textes géographiques, l’appellation du « Maghreb Al Aqsâ ». De ce fait, il ne serait peut-être pas tout à fait impossible d’extrapoler en disant que c’est bien le Sahara qui a fait le Maroc, et non l’inverse.

    Évoquons maintenant le rôle de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc, fondé en 2005. L’objectif est-il de populariser et de diffuser la recherche en Histoire ?
    Non, ce n’est pas ce que stipule le texte de création, publié au Bulletin officiel. L’Institut est un centre de recherche destiné à promouvoir la connaissance de l’Histoire du Maroc à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Évidemment, dans cet intitulé, le mot « promouvoir » concerne tout le processus et pas seulement l’opération de recherche. Nous ne sommes pas un centre de formation, mais plutôt un lieu où le savoir est diffusé à une échelle qui concerne et les historiens professionnels et les simples citoyens aussi bien que les passionnés d’Histoire. C’est d’abord une mission de recherche, ensuite une mission de propagation et de rayonnement. En 2005, nous nous sommes fixé deux objectifs primordiaux. Le premier de ces objectifs était d’amener des collègues marocains à se réunir, à travailler en équipe et, au final, à élaborer une lecture proprement marocaine de l’histoire du pays. De fait, nous avons réussi à réunir une cinquantaine de chercheurs marocains. Dans la même perspective, nous avons essayé d’intégrer en substance le contenu des publications les plus valables de nos collègues arabophones afin d’en faire bénéficier le public ne pratiquant pas la langue arabe. Le second objectif était et est toujours dédié aux citoyens. Et comme nous nous sommes rendu compte que le livre de Synthèse n’est peut-être pas accessible pour tous, nous avons décidé d’en préparer le sommaire, c’est-à-dire un précis que nous nous proposons, en principe, de publier en juillet 2015.

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    • #3
      fin

      Sachez en tout cas que ces questions ont fait l’objet de débats récurrents entre les historiens ayant travaillé sur ce livre. Certains choix n’ont pas été faciles. Et pour répondre à la question, je dirais que les changements évoqués ont été effectivement, du moins au niveau de l’approche, quelque chose que l’on considère un peu partout, en milieu professionnel, comme appréciable. Pour la périodisation, on a pu noter qu’elle procède, d’une part, de la réalité particulière qui est la nôtre. D’un autre côté, elle s’appuie elle-même sur des travaux sectoriels considérés en général comme novateurs. Quant à la terminologie, elle obéit à l’impératif pour nous essentiel de demeurer neutre en toute circonstance. Je suppose que vous devez faire allusion, surtout, à la conquête du Soudan par le Saâdien al-Mansour Dahbi. À ce propos, je dirais que notre propre terminologie s’écarte du discours habituel qui assimile assez volontiers cette intervention à l’expansionnisme pur et simple, voire même à une action impérialiste de la part du Maroc. Pour notre part, nous avons cru devoir user de termes plus sereins et en tout cas non-anachroniques en parlant, simplement, de campagne ou d’expédition militaire tout en mentionnant les massacres, les déportations indéniables et les excès. Un autre reproche nous a été fait ouvertement à propos de la conquête arabe, cette fois-ci, que nous avons traitée en simples historiens en évitant de parler de fath (ouverture bénéfique, nda) pour user de termes beaucoup moins connotés en mentionnant soit l’arrivée des arabes, soit l’intervention de tel général musulman, soit encore l’introduction de l’islam

      Zamane

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      • #4
        Merci Haddou pour le partage

        Il est vrai que le mot « fasciste » est un peu fort, mais je vais vous expliquer pourquoi il n’est pas non plus galvaudé. La dynastie des Almohades a été fondée par un homme qui se prétendait Mahdi (le messie attendu, ndlr). Ibn Toumert s’est également autoproclamé « maâssoum », c’est-à-dire infaillible.
        Ce monsieur est éminemment respectable mais je trouve pas son argument très pertinent. En tout cas pas assez pour ce devienne le titre de l'article. Parce que dans ce cas, les carolingiens, les romains, les egyptiens antiques sont tous fascistes.

        D’autre part, dans les textes almohades, il est clairement signalé qu’une fois installée au pouvoir, la dynastie ne tarde pas à mettre en pratique ce qu’on appelle le « tamyîz », lequel correspond, ni plus ni moins, à une forme de ségrégation idéologique franchement sanguinaire. En ce sens que tout groupe dissident ou tout individu réfractaire se voient réduits, sans procès, à être exécutés au grand jour. Par ailleurs, sous le règne du premier calife almohade comme par la suite, la propriété terrienne devenait l’apanage des seules tribus et notabilités almohades. Tout autre exploitant n’avait pour lui que l’usufruit du sol, sous réserve, au surplus, de verser une quote-part à l’État. Comment qualifier cette forme de gouvernance sinon qu’elle préfigure à la perfection ce qu’on appelle aujourd’hui despotisme étatique.
        Moi je veux bien mais ces choses là ont existaient ailleurs aussi. L'usufruit .. C'est quoi qui amène la révolution française ? Pourtant on a jamais traité les Royaumes de France de fascistes. Le servage, l’éradication des cathares, des huguenots, l’inquisition, l’avènement du "Mahdi" Roi Soleil, c’était quoi ?

        Sur le coté Almohades fascites, il m'a pas convaincu.

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        • #5
          Mais en dehors de l'argumentaire sur le fascisme des Almohades, l'article est excellent.

          La raison déterminante de cette action de rejet paraît être le comportement humiliant et la politique ouvertement esclavagiste de certains conquérants et gouverneurs arabes. Avant de se soulever cependant, les amazighs du Maghreb-Extrême ont dû envoyer une délégation à Damas pour s’enquérir de la réaction du calife. On nous signale que cette délégation n’a point été reçue et que la révolte a éclaté à son retour, depuis Tanger, avant de faire tache d’huile en s’étendant à l’ensemble du Maghreb. La conséquence directe de cette rébellion aura été le retrait de l’administration arabe et la formation d’une multitude d’émirats parrainant des entités régionales indépendantes.
          Ca je l'ai dit en long et en large ici, c'est pour ça que je comprends pas la réaction de complexe que font beaucoup sur les arabes.
          Dernière modification par Olichk, 30 avril 2015, 22h37.

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          • #6
            Dans un sens plus large, le nationalisme comme idéologie historique consistait alors – et consiste toujours – en un ethnocentrisme excessif. Un chercheur sérieux ne peut en aucune manière adopter ce type d’approche dans ses travaux
            malheureusement tout le texte qui suit est une confirmation de l'ethnocentrisme excessif du monsieur et son approche du fait historique un tantinet nationaliste.
            merci quand même pour l'article .
            ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
            On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

            Commentaire


            • #7
              C'est quoi cet anachronisme?

              Que signifie le mot fascite (apparu au début du 20ème siècle) à l'époque des Almohades?

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              • #8
                son approche du fait historique un tantinet nationaliste
                Même si ce pays est insignifiant aux yeux des algériens, il est le pays d'une société très ancienne. Ce qui lui permet regarder l'Histoire d'un point de vue national. Un mythe national, qui ne date pas d'hier: tout au long du 2ème millénaire, des centaines de sociologues et d'historiens ont écrit et réécrit l'histoire du Maroc, depuis l'arrivée de l'Islam.

                Le premier propagandiste nationalise du Maroc, ça se trouve que c'est Abdelmumin lui-même, qui a demandé au Secrétaire officiel des Almohades, Al Baydaq, de rattacher son ascendance à celle d'Idriss 1er.

                Commentaire


                • #9
                  Même si ce pays est insignifiant aux yeux des algériens
                  je ne comprend pas pourquoi tu dis ca, laisse la politique de deux regimes illégitimes et autoritaires de côté.
                  Le Maroc appartient a l'ensemble maghrebin , son histoire est en interaction avec sa region naturelle et au moins jusqu'au 17 eme siecle les histoires des trois pays se confondent et s' entremelent , ils en forment donc des chapitres , je veux bien qu'un chabat raconte des âneries, mais quand je lis un scientifique marocain qui livre une version monopolistique et ethnocentree -en dehors du contenu discutable de sa thèse-je me dis que ce n'est pas sérieux.

                  il est le pays d'une*société*très ancienne. Ce qui lui permet regarder l'Histoire d'un point de vue national. Un mythe national, qui ne date pas d'hier: tout au long du 2ème millénaire, des centaines de sociologues et d'historiens ont écrit et réécrit l'histoire du Maroc, depuis l'arrivée de l'Islam
                  la société marocaine et son histoire est identique a ce qui s' est vu ailleurs au maghreb , une histoires de tribus, de confédérations tribales, de cités royaumes dont le territoire s' agrandi ou se rétréci selon la 3assabya du clan et l'autorité du chef dans ce qui donne un bled siba ou un bled makhzen.
                  Elle n'est ni plus ancienne ni plus recente ni differente de l'organisation politique au maghreb central ou oriental.

                  Le premier propagandiste nationalise du Maroc, ça se trouve que c'est Abdelmumin lui-même, qui a demandé au Secrétaire officiel des Almohades, Al Baydaq, de rattacher son ascendance à celle d'Idriss 1er.
                  il est toujours bon de pretendre descendre du prophete quand on veut etre calife ou commandeur des croyants.
                  Idriss 1 n'avait aucune idée de ce quelque chose qui se nomme "Maroc".
                  Dernière modification par xenon, 01 mai 2015, 11h28.
                  ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
                  On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

                  Commentaire


                  • #10
                    je ne comprend pas pourquoi tu dis ca
                    Moi je me comprends. Le Maroc était quatre fois plus grand il y a 150 ans. Les actes d'allégeance officiels d'Ain Salah jusqu'en 1910 pullulent dans les archives du Palais. Rassure toi, je ne fais pas de cette ville, une ville marocaine, et je ne la revendiquerais. Je dis juste qu'un Maroc à 400 000 Km2, c'est à mes yeux insignifiant.

                    mais quand je lis un scientifique marocain qui livre une version monopolistique et ethnocentree
                    Juste une mise au point : cet universitaire est lui-même héritier d'une tradition millénaire au Maroc, Tarikh Al Maghrib Al Asqa. On ne peut pas parler de l'histoire du Maroc sans connaitre le travail des grands historiens marocains. Wikipédia version anglaise en donne un excellent aperçu. Moi même j'ai été surpris, mais le mythe national marocain n'a rien avoir avec le 20ème siècle. Pour moi, il est surtout l'oeuvre des Mérinides.

                    identique a ce qui s' est vu ailleurs au maghreb , une histoires de tribus, de confédérations tribales, de cités royaumes dont le territoire s' agrandi ou se rétréci selon la 3assabya du clan et l'autorité du chef dans ce qui donne un bled siba ou un bled makhzen.
                    Justement, non. L'Egypte, la Tunisie, le Maroc et même l'Algérie méritent bien plus de respect que d'être traité de pays tribaux de siba et de makhzen.

                    C'est infiniment plus complexe. N'oublie jamais que l'afrique du Nord fut la véritable passion d'un génie, Ibn Khaldun, qui a inventé la sociologie. C'est loin d'être un hasard, et pour en revenir au sujet, la structure sociale du Maroc n'a rien à voir celle de ses voisins, même si la trame "berbères islamisés" est la même. Le Maroc est en mesure de prouver que ses grands "pôles" d'administration politique, militaire, économique et religieuse (voire mystique) existent pratiquement depuis les Almoravides sans discontinuer. Même dans les quelques périodes sans pouvoir, ces structures tournaient parfaitement, ce qui a permis à toutes les dynasties successives de beneficiaient d'un Appareil d’État plus ou moins fonctionnel, et de leur faire evoluer à leur guise.

                    L'Algérie aussi a des structures qui lui sont propres. C'est plus compliqué à cause de la quasi extinction de la société algérienne par la France, mais cela reste un pays dont le territore est presque unifié depuis le 13 ème siècle. Ce qui pêche chez vous, c'est le manque de documentation, autrement, il serait aisé de voir tout ce que la société algérienne doit à sa propre histoire. Mais je pense qu'il existe des trésors d'archives bien cachés qui n'attendent que les passionnés d'Histoire de l'Algérie pour être découvert. Tu dis souvent que vous avez table rase du passé, je suis hélas d'accord, mais rien ne vous empêche de faire évoluer cette mentalité.

                    L'Egypte, c'est comme le Maroc, c'est bourré d'archive "ethno-centre". A un degré moindre le Tunisie, mais la Tunisie si elle s'appelait Ifriqya, là aussi ce n'est pas du au hasard.

                    Et la Lybie ? honnêtement, je crois que j'ai jamais rien lu les concernant. Trsè dommage, parce que cote antique, ça brille très fort.

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