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Le recours de la Tunisie au financement extérieur, nécessité et limites -

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  • Le recours de la Tunisie au financement extérieur, nécessité et limites -

    Le recours de la Tunisie au financement extérieur n’est pas sans limite liée bien évidemment à la soutenabilité de la dette, mais qui dans l’état actuel de l’économie nationale est tout à fait nécessaire. Les caisses de l’Etat sont vides, le comble est qu’il doit emprunter pour payer ses fonctionnaires.

    La question est récurrente, mais elle n’a jamais été tranchée, marquée qu’elle est par une forte tonalité idéologique. Les interrogations sont multiples sans que les motivations des uns et des autres soient les mêmes. La question de l’endettement, tout comme d’ailleurs- quoique dans une moindre mesure- celle de l’investissement extérieur, divise plus qu’elle ne fédère.

    Certes elle évoque de tristes souvenirs et écorche à vif notre mémoire collective. C’est, dira-t-on, jusque dans l’enceinte de l’Assemblée des Représentants du Peuple, que c’est l’endettement excessif de la Tunisie de la fin du 19ème siècle qui avait ouvert la voie au Protectorat et privé le pays de son autonomie, de sa souveraineté et de son indépendance.

    Reste que comparaison n’est pas forcément raison. Car cela revient à confondre la cause et les effets, le poids de la dette et l’usage qui en est fait.

    L’endettement, il est vrai, n’a pas que des inconvénients sinon il n’existerait plus. Il a aussi un effet éducateur et d’indéniables vertus quand il sert à financer les investissements d’avenir, à moderniser le pays, à créer des richesses et des emplois et à générer les ressources en devises qui préserveront la capacité de remboursement du pays.

    En l’absence d’une forte reprise des IDE pour les raisons que l’on sait, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir jusqu’où peut-on s’endetter, sous quelle forme et pour quel usage ?

    Toutes les querelles de chapelle qui éludent cette réalité ne sont d’aucune importance si ce n’est qu’elles freinent et entravent l’action du gouvernement qui fait face à l’urgence et la dictature de l’immédiat. C’est dira-t-on la rançon de la démocratie naissante.

    Aujourd’hui plus qu’à aucun autre moment, le recours au capital étranger s’impose comme le passage obligé pour rééquilibrer les comptes nationaux. La raison en est : le recul des IDE, le blocage de l’appareil productif dans de grandes entreprises exportatrices, un secteur touristique en berne, une fièvre revendicative dévastatrice pour les finances publiques… Bref, un déficit budgétaire frôlant le seuil de 5% du PIB.

    L’absence d’un marché obligataire dynamique, le tarissement de l’épargne nationale résultant de la détérioration du pouvoir d’achat des ménages, les difficultés d’envisager des solutions de financement innovantes, et surtout le creusement du déficit courant ne laissent aucune marge aux autorités tunisiennes de ne pas solliciter des bailleurs de fonds étrangers.

    La question est de savoir comment mobiliser les ressources en devises et éviter le dérapage des ratios d’endettement !

    Aujourd’hui, plus que jamais, l’analyse du financement externe et ses implications économiques, sociales et politiques méritent une réflexion approfondie. La question du recours à l’endettement externe soulève une série d’interrogations :

    Une question de soutenabilité de la dette : Avec une croissance molle (2.3% en 2014) la dette tunisienne est-elle encore soutenable ? Quel plan d’action faudra-il engager pour inverser la tendance et remettre la Tunisie sur le sentier du désendettement ?

    Une question d’arbitrage entre les sources de financement : La Tunisie a-t-elle suffisamment épuisé toutes les sources de financement multilatérales et bilatérales avant de sortir sur les marchés internationaux de capitaux sans aucune garantie ? La conditionnalité des bailleurs de fonds multilatéraux est-elle si contraignante pour justifier notre recours aux marchés ? En quoi le financement par les Sukuks islamiques est-il plus adapté à la situation de l’économie tunisienne ?

    Une question de capacité à réformer : Comment peut-on capitaliser l’optimisme suscité par les avancées sur le terrain politique et institutionnel (Constitution, crédibilité des élections) pour enclencher une vraie dynamique de réforme génératrice d’un cercle vertueux de l’endettement ? Pour quelles raisons, une telle dynamique tarde encore à voir le jour ?

    Une question de citoyenneté : quelle crédibilité prêter au discours de diabolisation de l’endettement lorsque ses adeptes omettent de dénoncer le désordre qui règne dans les grandes entreprises publiques exportatrices ? De quelle citoyenneté parlons-nous si la variable «productivité » est peu prise en considération? Le coût de l’endettement externe n’est-il pas au final le prix du dérapage budgétaire provoqué par une gouvernance inappropriée dans le secteur public et un populisme syndical.

    On l’aura compris, l’endettement extérieur ne se justifie que par l’usage qui en est fait. Il vient en appui à notre propre effort et ne peut en aucun cas être perçu comme un substitut à notre propre capacité d’épargne.

    S’endetter, si tant est que cela soit possible, ne doit pas nous exonérer du nécessaire effort de rationalisation des dépenses et de l’impératif de réformes structurelles difficiles voire de révisions déchirantes.

    Quand on aura dit cela, se pose alors l’épineuse question de l’accès aux sources de financement : nous avons privilégié pour notre part trois sources :

    Le financement bilatéral d’abord, ne serait-ce que parce qu’on nous assure de partout d’une volonté de soutenir une démocratie naissante ; mais cette volonté est contrariée par la montée des difficultés financières de nos partenaires et amis.

    Le financement multilatéral que nous avons su maîtriser par le passé. Ce financement bon marché s’accompagne de conditionnalité jugée très contraignante sans que le pays soit en capacité de réformer sous le feu d’une agitation sociale qui n’en finit pas.

    Reste le financement de marché. Et c’est la dernière et ultime question que nous aborderons ce matin. Ce financement est certes plus flexible mais plus coûteux et surtout soumis à la merci du diktat des agences de notation.

    Ces questions sont confuses, complexes et difficiles mais que nos intervenants maîtrisent au plus haut point. Je suis sûr qu’à travers leur analyse et leur éclairage on y verra beaucoup plus clair.

    Il y a beaucoup de chances pour qu’au terme de cet échange, on soit réconcilié avec la question de la dette extérieure après que s’est dissipé tout un faisceau de malentendus. Si on y arrive, ce Forum aura atteint son objectif.

    Encore une fois, je vous renouvelle mes vifs remerciements pour votre disponibilité, pour avoir accepté notre invitation.

    Je voudrais enfin saluer et remercier les institutions qui nous ont apporté leur concours financier et leur soutien moral. Nous y voyons le signe d’un engagement citoyen et militant et la marque d’un appui sans réserve en faveur de notre transition économique.

    - l'économiste maghrébin
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