La situation du dinar et ses perspectives
Le soir du 08/05/15
Par Badredine Nouioua(*)
Le dinar en tant que monnaie nationale est, comme tout autre monnaie, à la base des activités économiques et sociales. Son évolution concerne chaque citoyen et le préoccupe lorsque des difficultés pointent à l’horizon. Les risques auxquels est confrontée l’économie de notre pays à la suite de la chute du prix du pétrole soulèvent, à juste titre, des inquiétudes sur le sort du dinar. La présente contribution est une participation à l’échange de points de vue qui s’est déroulé, ces derniers temps, sur cette question. Elle abordera les variations qu’a subies la valeur du dinar et celles susceptibles d’intervenir du fait des développements en cours qui vont affecter l’économie nationale.
Lors de la création du dinar en 1964, sa valeur a été fixée à un poids d’or de 180 milligrammes. En même temps, il a été précisé que sa valeur équivaut à celle du franc français de l’époque et par rapport au dollar : 1 dollar vaut 4,93 dinars. Par la suite, la référence à l’or a été abandonnée du fait que l’or ne servait plus d’étalon pour les monnaies. Par rapport aux principales devises, la valeur du dinar a beaucoup changé compte tenu de l’évolution qu’a connue notre économie. Il faut préciser tout de suite que la valeur du dinar n’est pas garantie par le stock d’or qui est au niveau de la Banque centrale, ni par les avoirs en devises (les réserves de change) qu’elle détient. Sa valeur dépend en principe de l’état de l’économie et de la manière dont elle fonctionne. Le dinar est fort si l’économie est solide, prospère et bien gérée. Il est faible si l’économie stagne, périclite et est mal gérée. En fait, différents facteurs, dont certains sont complexes, influencent la valeur de la monnaie.
La Banque centrale à laquelle a été confiée l’émission monétaire, par délégation de l’Etat, a pour mission principale de «veiller à la stabilité des prix en tant qu’objectif de la politique monétaire». Son rôle est, par conséquent, de veiller, à travers la stabilité des prix, à la stabilité de la valeur du dinar, à la fois sur les plans interne et externe. A cet effet, la Banque centrale fait en sorte que l’émission et la circulation monétaire répondent, d’une manière plus ou moins appropriée, aux besoins de l’économie, sans excès ni déficit, en utilisant différents instruments. Habituellement, ce sont les crédits à l’économie qui sont en grande partie à l’origine de la création monétaire. La Banque centrale est en principe outillée dans ce cas pour moduler l’émission de la monnaie. Les crédits à l’Etat interviennent dans une moindre mesure dans cette création. Leur attribution se fait dans le cadre de limites mais qui n’ont pas toujours été respectées. La part de l’achat de devises par la Banque centrale dans la création monétaire a toujours été marginale dans le passé. La situation a changé à partir de 2002. A la suite de la hausse du prix du pétrole, les recettes en devises se sont substantiellement accrues, leur achat par la Banque centrale a constitué graduellement la principale source de l’émission monétaire. Du fait que la Banque centrale ne peut ni refuser ni limiter cette acquisition, elle a perdu en grande partie le contrôle de la création monétaire. D’où l’excès de liquidité qui a caractérisé durant toute cette période l’économie nationale. Cet excès est d’autant plus gênant qu’il est représenté dans une forte proportion par la circulation fiduciaire, c’est-à-dire par les billets de banque et les pièces de monnaie métallique. La masse de billets de banque et de pièces de monnaie métallique est passée de 577 milliards en 2001 à 3 503 milliards de dinars à fin juin 2014. En 2013, elle correspond à 26,8% de la masse monétaire, ce qui est très élevé par rapport à ce que ce ratio est en Tunisie (14%) et dans les pays développés (moins de 5%) à la même date.
Les dépôts à vue et à terme au niveau des banques commerciales ont, de leur côté, considérablement augmenté. De 1 790 milliards en 2001, ils se sont élevés à 7 869 milliards de dinars à fin juin 2014. Une partie importante de ces dépôts n’est pas utilisée pour distribuer des crédits.
Cet excès de liquidité représenté par les dépôts à vue et à terme non utilisés exerce une pression permanente sur les prix et par conséquent sur la valeur du dinar.
Pour voir comment cette valeur évolue à la fois sur le plan interne que sur celui externe, il faut examiner, outre l’effet de l’émission et de la circulation monétaire sur cette évolution, ceux des autres facteurs qui interviennent en la matière.
1 - L’évolution du dinar sur le plan interne
L’indice général des prix à la consommation indique le taux d’augmentation des prix. Sur la base 100 en 2001, l’indice national des prix à la consommation a atteint 171,5, soit une inflation annuelle moyenne de 4,15% à décembre 2013. Celui du Grand Alger s’est élevé à la même date à 169,3 soit une inflation annuelle moyenne de 3,26% à la même période. Le taux annuel moyen le plus élevé a été celui de 2012 : à décembre, l’indice national a progressé à 9,7% et celui du Grand Alger à 8,9%. Il s’agit de l’indice général, mais si on considère celui de certains produits, par exemple celui des produits agricoles frais, il a augmenté de 21,4% à décembre 2012 et celui de la viande rouge de 30,3% participant à 50,7% dans l’augmentation de l’indice des produits alimentaires frais et à 25,8% à l’inflation globale.
D’une manière générale, ces indices ne reflètent pas la réalité vécue par la population. Celle-ci n’a pas besoin d’indices pour constater que les prix varient parfois d’une manière erratique mais dans l’ensemble augmentent d’une manière régulière. Les prix de certains produits et services deviennent inabordables, c’est le cas de celui des viandes rouges, du poisson, du loyer des logements, des billets d’avion, etc. Ces augmentations entraînent, bien entendu, une forte baisse du pouvoir d’achat des citoyens qui se rendent compte combien le dinar est en train de se déprécier sur le plan interne. Les causes de cette dépréciation sont multiples. Il y a d’abord la croissance continue de la masse monétaire et de l’excès de liquidité qui en découle.
La Banque centrale est en quelque sorte désarmée, comme cela a été déjà indiqué, devant cette augmentation de la masse monétaire, laquelle a pour origine depuis 2002 essentiellement l’achat de devises provenant principalement des exportations des hydrocarbures. Elle l’est également en partie en ce qui concerne l’excès de liquidité, lequel est provoqué par les fortes dépenses de l’Etat, dépenses souvent mal maîtrisées. La partie de liquidités de l’économie constituée par la circulation des billets de banque et des pièces de monnaie métallique échappe à tout contrôle faute d’application des textes imposant l’utilisation des chèques, des virements et de cartes bancaires à partir d’un seuil de paiements. En dehors de la fuite des capitaux et de l’évasion fiscale, le niveau élevé de la circulation fiduciaire indique le développement des activités informelles et de la spéculation qui ont un effet néfaste sur les prix. Quant à l’excès de liquidité bancaire, la Banque centrale intervient pour limiter sa pression sur les prix en épongeant sur le marché monétaire une proportion de ces dépôts. Outre l’impact de la masse monétaire sur la valeur du dinar d’autres facteurs l’influencent également. La politique budgétaire lorsqu’elle se traduit par des augmentations importantes de salaires, par l’attribution directe ou indirecte de revenus ou des surplus de revenus sans contrepartie en matière de production, va à l’encontre de l’action de la Banque centrale et entraîne une hausse du taux d’inflation. C’est ce qui s’est produit en 2012. La diminution des recettes en devises à la suite de la baisse du prix du pétrole va réduire leur part dans la circulation monétaire et, par conséquent, réduire, en principe, l’augmentation de la masse monétaire et l’excès de liquidité.
L’insuffisance des ressources qui en résultera pour l’Etat va conduire ce dernier à emprunter auprès des banques et du marché obligatoire, selon ce qui a été annoncé. Si le manque de ressources persiste, il aura éventuellement recours aux crédits de la Banque centrale. Des limites statutaires existent pour contrôler l’attribution de ces crédits. Mais si les besoins de l’Etat restent élevés, elles risquent de ne pas être maintenues, comme cela a été le cas au début de l’indépendance. Ce sera là une source d’inflation.
La politique budgétaire joue un rôle important dans la stabilité des prix. Si elle n’obéit pas à une discipline rigoureuse, si elle n’est pas compatible avec la politique monétaire, elle compromettra inévitablement cette stabilité. Les mauvais circuits de la commercialisation, le manque de concurrence malgré l’existence d’un conseil établi pour la promouvoir, les agissements et les comportements des autres agents économiques, influencent, de leur côté, la valeur de la monnaie. Lorsque les banques commerciales accordent des crédits de complaisance ou des crédits destinés à des opérations douteuses, (crédits qui ne seront pas remboursés) ou elles ne s’assurent pas de la bonne utilisation des financements qu’elles octroient et négligent le recouvrement de leurs créances auprès des débiteurs récalcitrants, elles portent préjudice au dinar.
Lorsque des importateurs achètent des produits de mauvaise qualité bon marché et les vendent cher, lorsque des spéculateurs s’emploient à augmenter les prix de leurs marchandises, lorsque les ménages font des dépenses exagérées, ils contribuent tous à la dépréciation de la monnaie. De même, lorsque les entreprises paient des salaires sans rapport avec le niveau de productivité des travailleurs, elles favorisent l’inflation et par conséquent la perte de la valeur du dinar.
Le soir du 08/05/15
Par Badredine Nouioua(*)
Le dinar en tant que monnaie nationale est, comme tout autre monnaie, à la base des activités économiques et sociales. Son évolution concerne chaque citoyen et le préoccupe lorsque des difficultés pointent à l’horizon. Les risques auxquels est confrontée l’économie de notre pays à la suite de la chute du prix du pétrole soulèvent, à juste titre, des inquiétudes sur le sort du dinar. La présente contribution est une participation à l’échange de points de vue qui s’est déroulé, ces derniers temps, sur cette question. Elle abordera les variations qu’a subies la valeur du dinar et celles susceptibles d’intervenir du fait des développements en cours qui vont affecter l’économie nationale.
Lors de la création du dinar en 1964, sa valeur a été fixée à un poids d’or de 180 milligrammes. En même temps, il a été précisé que sa valeur équivaut à celle du franc français de l’époque et par rapport au dollar : 1 dollar vaut 4,93 dinars. Par la suite, la référence à l’or a été abandonnée du fait que l’or ne servait plus d’étalon pour les monnaies. Par rapport aux principales devises, la valeur du dinar a beaucoup changé compte tenu de l’évolution qu’a connue notre économie. Il faut préciser tout de suite que la valeur du dinar n’est pas garantie par le stock d’or qui est au niveau de la Banque centrale, ni par les avoirs en devises (les réserves de change) qu’elle détient. Sa valeur dépend en principe de l’état de l’économie et de la manière dont elle fonctionne. Le dinar est fort si l’économie est solide, prospère et bien gérée. Il est faible si l’économie stagne, périclite et est mal gérée. En fait, différents facteurs, dont certains sont complexes, influencent la valeur de la monnaie.
La Banque centrale à laquelle a été confiée l’émission monétaire, par délégation de l’Etat, a pour mission principale de «veiller à la stabilité des prix en tant qu’objectif de la politique monétaire». Son rôle est, par conséquent, de veiller, à travers la stabilité des prix, à la stabilité de la valeur du dinar, à la fois sur les plans interne et externe. A cet effet, la Banque centrale fait en sorte que l’émission et la circulation monétaire répondent, d’une manière plus ou moins appropriée, aux besoins de l’économie, sans excès ni déficit, en utilisant différents instruments. Habituellement, ce sont les crédits à l’économie qui sont en grande partie à l’origine de la création monétaire. La Banque centrale est en principe outillée dans ce cas pour moduler l’émission de la monnaie. Les crédits à l’Etat interviennent dans une moindre mesure dans cette création. Leur attribution se fait dans le cadre de limites mais qui n’ont pas toujours été respectées. La part de l’achat de devises par la Banque centrale dans la création monétaire a toujours été marginale dans le passé. La situation a changé à partir de 2002. A la suite de la hausse du prix du pétrole, les recettes en devises se sont substantiellement accrues, leur achat par la Banque centrale a constitué graduellement la principale source de l’émission monétaire. Du fait que la Banque centrale ne peut ni refuser ni limiter cette acquisition, elle a perdu en grande partie le contrôle de la création monétaire. D’où l’excès de liquidité qui a caractérisé durant toute cette période l’économie nationale. Cet excès est d’autant plus gênant qu’il est représenté dans une forte proportion par la circulation fiduciaire, c’est-à-dire par les billets de banque et les pièces de monnaie métallique. La masse de billets de banque et de pièces de monnaie métallique est passée de 577 milliards en 2001 à 3 503 milliards de dinars à fin juin 2014. En 2013, elle correspond à 26,8% de la masse monétaire, ce qui est très élevé par rapport à ce que ce ratio est en Tunisie (14%) et dans les pays développés (moins de 5%) à la même date.
Les dépôts à vue et à terme au niveau des banques commerciales ont, de leur côté, considérablement augmenté. De 1 790 milliards en 2001, ils se sont élevés à 7 869 milliards de dinars à fin juin 2014. Une partie importante de ces dépôts n’est pas utilisée pour distribuer des crédits.
Cet excès de liquidité représenté par les dépôts à vue et à terme non utilisés exerce une pression permanente sur les prix et par conséquent sur la valeur du dinar.
Pour voir comment cette valeur évolue à la fois sur le plan interne que sur celui externe, il faut examiner, outre l’effet de l’émission et de la circulation monétaire sur cette évolution, ceux des autres facteurs qui interviennent en la matière.
1 - L’évolution du dinar sur le plan interne
L’indice général des prix à la consommation indique le taux d’augmentation des prix. Sur la base 100 en 2001, l’indice national des prix à la consommation a atteint 171,5, soit une inflation annuelle moyenne de 4,15% à décembre 2013. Celui du Grand Alger s’est élevé à la même date à 169,3 soit une inflation annuelle moyenne de 3,26% à la même période. Le taux annuel moyen le plus élevé a été celui de 2012 : à décembre, l’indice national a progressé à 9,7% et celui du Grand Alger à 8,9%. Il s’agit de l’indice général, mais si on considère celui de certains produits, par exemple celui des produits agricoles frais, il a augmenté de 21,4% à décembre 2012 et celui de la viande rouge de 30,3% participant à 50,7% dans l’augmentation de l’indice des produits alimentaires frais et à 25,8% à l’inflation globale.
D’une manière générale, ces indices ne reflètent pas la réalité vécue par la population. Celle-ci n’a pas besoin d’indices pour constater que les prix varient parfois d’une manière erratique mais dans l’ensemble augmentent d’une manière régulière. Les prix de certains produits et services deviennent inabordables, c’est le cas de celui des viandes rouges, du poisson, du loyer des logements, des billets d’avion, etc. Ces augmentations entraînent, bien entendu, une forte baisse du pouvoir d’achat des citoyens qui se rendent compte combien le dinar est en train de se déprécier sur le plan interne. Les causes de cette dépréciation sont multiples. Il y a d’abord la croissance continue de la masse monétaire et de l’excès de liquidité qui en découle.
La Banque centrale est en quelque sorte désarmée, comme cela a été déjà indiqué, devant cette augmentation de la masse monétaire, laquelle a pour origine depuis 2002 essentiellement l’achat de devises provenant principalement des exportations des hydrocarbures. Elle l’est également en partie en ce qui concerne l’excès de liquidité, lequel est provoqué par les fortes dépenses de l’Etat, dépenses souvent mal maîtrisées. La partie de liquidités de l’économie constituée par la circulation des billets de banque et des pièces de monnaie métallique échappe à tout contrôle faute d’application des textes imposant l’utilisation des chèques, des virements et de cartes bancaires à partir d’un seuil de paiements. En dehors de la fuite des capitaux et de l’évasion fiscale, le niveau élevé de la circulation fiduciaire indique le développement des activités informelles et de la spéculation qui ont un effet néfaste sur les prix. Quant à l’excès de liquidité bancaire, la Banque centrale intervient pour limiter sa pression sur les prix en épongeant sur le marché monétaire une proportion de ces dépôts. Outre l’impact de la masse monétaire sur la valeur du dinar d’autres facteurs l’influencent également. La politique budgétaire lorsqu’elle se traduit par des augmentations importantes de salaires, par l’attribution directe ou indirecte de revenus ou des surplus de revenus sans contrepartie en matière de production, va à l’encontre de l’action de la Banque centrale et entraîne une hausse du taux d’inflation. C’est ce qui s’est produit en 2012. La diminution des recettes en devises à la suite de la baisse du prix du pétrole va réduire leur part dans la circulation monétaire et, par conséquent, réduire, en principe, l’augmentation de la masse monétaire et l’excès de liquidité.
L’insuffisance des ressources qui en résultera pour l’Etat va conduire ce dernier à emprunter auprès des banques et du marché obligatoire, selon ce qui a été annoncé. Si le manque de ressources persiste, il aura éventuellement recours aux crédits de la Banque centrale. Des limites statutaires existent pour contrôler l’attribution de ces crédits. Mais si les besoins de l’Etat restent élevés, elles risquent de ne pas être maintenues, comme cela a été le cas au début de l’indépendance. Ce sera là une source d’inflation.
La politique budgétaire joue un rôle important dans la stabilité des prix. Si elle n’obéit pas à une discipline rigoureuse, si elle n’est pas compatible avec la politique monétaire, elle compromettra inévitablement cette stabilité. Les mauvais circuits de la commercialisation, le manque de concurrence malgré l’existence d’un conseil établi pour la promouvoir, les agissements et les comportements des autres agents économiques, influencent, de leur côté, la valeur de la monnaie. Lorsque les banques commerciales accordent des crédits de complaisance ou des crédits destinés à des opérations douteuses, (crédits qui ne seront pas remboursés) ou elles ne s’assurent pas de la bonne utilisation des financements qu’elles octroient et négligent le recouvrement de leurs créances auprès des débiteurs récalcitrants, elles portent préjudice au dinar.
Lorsque des importateurs achètent des produits de mauvaise qualité bon marché et les vendent cher, lorsque des spéculateurs s’emploient à augmenter les prix de leurs marchandises, lorsque les ménages font des dépenses exagérées, ils contribuent tous à la dépréciation de la monnaie. De même, lorsque les entreprises paient des salaires sans rapport avec le niveau de productivité des travailleurs, elles favorisent l’inflation et par conséquent la perte de la valeur du dinar.
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