La France, par le geste de son Président, vient d'inaugurer le mémorial ACTe en Guadeloupe dimanche 10 mai 2015 à l'occasion de la journée de commémoration de l'esclavage. En avril dernier, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants s'était rendu à Sétif en Algerie pour participer au 70ème anniversaire du massacre du 8 mai 1945 qui eu lieu dans cette ville et aux alentours. Mais qui connaissait la date du 12 mai 1962 marquant l'abandon des harkis en Algérie après les accords d'Evian du 18 mars 1962 et le cessez-le-feu du 19 mars aboutissant à l'indépendance de l'Algerie ? Les harkis sont des supplétifs engagés pour diverses raisons aux côtés des soldats de l'armée française dans la lutte contre les mouvements indépendantistes algériens essentiellement le Front de libération nationale (FLN) dont l'armée l'Armée de libération nationale (ALN) combattait dans les maquis. Après les accords d'Evian ces malheureux supplétifs, pris dans la tourmente de la guerre d'Algerie, furent désarmés et renvoyés dans leurs foyers. Mais très tôt, et sans aucune forme de procès, des massacres de harkis ou supposés ont débuté et les représailles contre leurs familles se pratiquèrent avec tortures et actes de barbarie que rien ne justifiait. Tout indique que la plupart de ces exactions furent commises par des "combattants" de la dernière heure suivis par des foules excitées et déchaînées. Cette anarchie et cette haine auraient aussi été provoquées par les attentats aveugles de groupes de l'OAS** décidés à pratiquer la politique de la terre brûlée. Mais pour de nombreux pieds noirs l'OAS étaient composée de groupes d'auto-défense qui les protégeaient d'un plus grand massacre. Quant aux chefs du FLN, ils étaient plus préoccupés par une lutte fratricide qui allait faire des centaines de morts dans leurs rangs pour s'accaparer le pouvoir, négligeant ainsi les accords d'Evian.
Ces derniers prévoyaient pourtant que nul ne serait inquiété pour ses engagements antérieurs à la date de ces accords entre les belligérants.
Devant la pagaille régnante et les assassinats perpétrés contre eux, les Harkis demandèrent la protection de l'armée française mais celle-ci obéissant aux ordres est restée dans ses casernes. Seuls des officiers courageux passant outre les ordres reçus vont tenter de sauver ces hommes, qui ont toujours servi avec fidélité sous leurs commandements, afin de les rapatrier vers la métropole.
Pourquoi le 12 mai marque-t-il l'abandon des harkis ?
Cette date correspond à la note de service numéro 1334/MA/CAB/DIR du 12 mai 1962 signée par le ministre de la Guerre Pierre Messmer adressée au commandant supérieur lui donnant des instructions confidentielles interdisant aux officiers d'aider les harkis de rejoindre la métropole. Ces recommandations avaient l'aval du gouvernement et elles démontrent clairement la volonté d'abandon de ces supplétifs de l'armée française après, ne l'oublions pas, qu'ils furent désarmés. Cette correspondance sera suivie par une autre, celle du ministre d'Etat chargé des affaires algériennes Louis Joxe qui avait adressé à Christian Fouchet, haut-commissaire en Algérie, le télégramme suivant :
"N 125/IGAA - 16 mai 1962 /Ultra Secret/Strict. Confidentiel.
Ministre Etat Louis Joxe demande à haut-commissaire rappeler que toutes initiatives individuelles tendant à installation métropole Français Musulmans sont strictement interdites. En aviser urgence tous chefs S.A.S. et commandants d'unités.
Signé : Louis JOXE."
Suite à ces décisions, des harkis arrivés en France furent renvoyés en Algerie, d'autres qui se trouvaient dans des bateaux furent débarqués et certains arrêtés sur le quai par des hommes armés. On ne peut que deviner le sort qui leur fut réservé. Quelle tragédie !
Voilà ce qu'écrit sur cet abandon l'écrivaine Zahia Rahmani, fille de harki, dans son livre d'une grande force intellectuelle et qui porte en titre le nom de son père Moze*** :
"La métropole pouvait dormir. Oublier cette chose nationale, ce département qu'on voulait à soi mais sans ses militaires qui n'agissent jamais en républicains, sans ses pieds noirs à l'accent honteux, sans ces harkis dont il faudrait dire l'existence. Dormir, tirer un trait. La guerre est finie ! Enfin, à l'arrière tous. Oublier ces lépreux qui tendent la main. Ces traîtres. Ces suppôts de l'OAS !
...Quitter l'Algérie était dorénavant interdit aux seuls harkis."
Les conditions d'accueil des rescapés
Les harkis et leurs familles qui purent s'échapper aux représailles arrivèrent en France où pratiquement rien n'était prévu pour les accueillir. Transportés souvent de nuit dans des trains ou des camions de l'armée, Ils furent parquées dans des camps de fortunes aménagés au dernier moment souvent dans des hangars ou sous des tentes militaires dans le froid et dans une promiscuité inimaginable. Comble de l'ironie certains de ces lieux, comme Rivesaltes, servirent de centres de détention de militants du FLN qui venaient d'ailleurs tout juste d'en sortir avant l'arrivée des harkis !
Pour ajouter à cette humiliation, on obligea tous les français musulmans rapatriés à une démarche administrative auprès du juge d'instance en vue de se faire reconnaître la nationalité française, ce que l'on ne demandera pas aux rapatriés de type européen. C'est ainsi que même le bachaga Boualam, pourtant commandant de l'armée, distingué de la légion d'honneur à titre militaire, député et vice-président de l'Assemblée nationale jusqu'en juillet 1962, dû se prêter à cette formalité d'obtention de la nationalité française et on lui réclama même de payer un timbre fiscal à l'administration.
C'est pour toutes ces raisons qu'aujourd'hui et depuis plusieurs années, les associations harkies se battent pour réclamer à l'Etat français de reconnaitre sa responsabilité dans l'abandon, le massacre et les conditions d'accueil des harkis.
Ce n'est pas un acte de repentance qui est demandé mais bien la reconnaissance d'une responsabilité qui est un fait historique indiscutable.
En 2001, le président Chirac a décidé une journée d'hommage national à ces supplétifs fixée au 25 septembre qu'il organisa à l'hôtel des Invalides où une plaque commémorative fut posée. En 2007, M. Sarkozy alors candidat à la présidence fera une déclaration le 31 mars 2007 jamais appliquée :"Si je suis élu président de la République, je veux reconnaître la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis en 1962, et je le veux afin que l’oubli ne les assassine pas une deuxième fois". En 2012, M. Hollande pendant sa campagne pour la présidence de la République écrira le 5 avril 2012 :
"Si le peuple français m’accorde sa confiance, je m’engage à reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil des familles transférées dans des camps en France".
Les harkis survivants et leurs familles attendent toujours la réalisation de cette promesse.
Beaucoup admettent même tardivement que ces horribles massacres ont saigné à jamais l'Algérie indépendante et qu'elle en garde les séquelles jusqu'à aujourd'hui et que la responsabilité des autorités française reste très lourde.*
Pour terminer les chiffres que l'on donne habituellement, à défaut d'une commission d'enquête internationale indépendante qui pourrait enquêter sur ce terrible drame, sont de près de 150.000 morts harkis et assimilés comme l'indique une note de 1977 du ministère de la Défense/Etat Major signée par le général Porret, chef du service historique (autre référence Note n°15088/DEF/C.4.B en date du 4 avril 1977).
* Harki est un mot qui vient de l'arabe "harka" désignant un groupe "en mouvement". Les harkis étaient des supplétifs de l'armée française durant la guerre d'Algerie.
**OAS : Organisation armée secrète.
***livre Moze de Zahia Rahmani, chez Sabine Wespieser éditeur, 2003.
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Ces derniers prévoyaient pourtant que nul ne serait inquiété pour ses engagements antérieurs à la date de ces accords entre les belligérants.
Devant la pagaille régnante et les assassinats perpétrés contre eux, les Harkis demandèrent la protection de l'armée française mais celle-ci obéissant aux ordres est restée dans ses casernes. Seuls des officiers courageux passant outre les ordres reçus vont tenter de sauver ces hommes, qui ont toujours servi avec fidélité sous leurs commandements, afin de les rapatrier vers la métropole.
Pourquoi le 12 mai marque-t-il l'abandon des harkis ?
Cette date correspond à la note de service numéro 1334/MA/CAB/DIR du 12 mai 1962 signée par le ministre de la Guerre Pierre Messmer adressée au commandant supérieur lui donnant des instructions confidentielles interdisant aux officiers d'aider les harkis de rejoindre la métropole. Ces recommandations avaient l'aval du gouvernement et elles démontrent clairement la volonté d'abandon de ces supplétifs de l'armée française après, ne l'oublions pas, qu'ils furent désarmés. Cette correspondance sera suivie par une autre, celle du ministre d'Etat chargé des affaires algériennes Louis Joxe qui avait adressé à Christian Fouchet, haut-commissaire en Algérie, le télégramme suivant :
"N 125/IGAA - 16 mai 1962 /Ultra Secret/Strict. Confidentiel.
Ministre Etat Louis Joxe demande à haut-commissaire rappeler que toutes initiatives individuelles tendant à installation métropole Français Musulmans sont strictement interdites. En aviser urgence tous chefs S.A.S. et commandants d'unités.
Signé : Louis JOXE."
Suite à ces décisions, des harkis arrivés en France furent renvoyés en Algerie, d'autres qui se trouvaient dans des bateaux furent débarqués et certains arrêtés sur le quai par des hommes armés. On ne peut que deviner le sort qui leur fut réservé. Quelle tragédie !
Voilà ce qu'écrit sur cet abandon l'écrivaine Zahia Rahmani, fille de harki, dans son livre d'une grande force intellectuelle et qui porte en titre le nom de son père Moze*** :
"La métropole pouvait dormir. Oublier cette chose nationale, ce département qu'on voulait à soi mais sans ses militaires qui n'agissent jamais en républicains, sans ses pieds noirs à l'accent honteux, sans ces harkis dont il faudrait dire l'existence. Dormir, tirer un trait. La guerre est finie ! Enfin, à l'arrière tous. Oublier ces lépreux qui tendent la main. Ces traîtres. Ces suppôts de l'OAS !
...Quitter l'Algérie était dorénavant interdit aux seuls harkis."
Les conditions d'accueil des rescapés
Les harkis et leurs familles qui purent s'échapper aux représailles arrivèrent en France où pratiquement rien n'était prévu pour les accueillir. Transportés souvent de nuit dans des trains ou des camions de l'armée, Ils furent parquées dans des camps de fortunes aménagés au dernier moment souvent dans des hangars ou sous des tentes militaires dans le froid et dans une promiscuité inimaginable. Comble de l'ironie certains de ces lieux, comme Rivesaltes, servirent de centres de détention de militants du FLN qui venaient d'ailleurs tout juste d'en sortir avant l'arrivée des harkis !
Pour ajouter à cette humiliation, on obligea tous les français musulmans rapatriés à une démarche administrative auprès du juge d'instance en vue de se faire reconnaître la nationalité française, ce que l'on ne demandera pas aux rapatriés de type européen. C'est ainsi que même le bachaga Boualam, pourtant commandant de l'armée, distingué de la légion d'honneur à titre militaire, député et vice-président de l'Assemblée nationale jusqu'en juillet 1962, dû se prêter à cette formalité d'obtention de la nationalité française et on lui réclama même de payer un timbre fiscal à l'administration.
C'est pour toutes ces raisons qu'aujourd'hui et depuis plusieurs années, les associations harkies se battent pour réclamer à l'Etat français de reconnaitre sa responsabilité dans l'abandon, le massacre et les conditions d'accueil des harkis.
Ce n'est pas un acte de repentance qui est demandé mais bien la reconnaissance d'une responsabilité qui est un fait historique indiscutable.
En 2001, le président Chirac a décidé une journée d'hommage national à ces supplétifs fixée au 25 septembre qu'il organisa à l'hôtel des Invalides où une plaque commémorative fut posée. En 2007, M. Sarkozy alors candidat à la présidence fera une déclaration le 31 mars 2007 jamais appliquée :"Si je suis élu président de la République, je veux reconnaître la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis en 1962, et je le veux afin que l’oubli ne les assassine pas une deuxième fois". En 2012, M. Hollande pendant sa campagne pour la présidence de la République écrira le 5 avril 2012 :
"Si le peuple français m’accorde sa confiance, je m’engage à reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil des familles transférées dans des camps en France".
Les harkis survivants et leurs familles attendent toujours la réalisation de cette promesse.
Beaucoup admettent même tardivement que ces horribles massacres ont saigné à jamais l'Algérie indépendante et qu'elle en garde les séquelles jusqu'à aujourd'hui et que la responsabilité des autorités française reste très lourde.*
Pour terminer les chiffres que l'on donne habituellement, à défaut d'une commission d'enquête internationale indépendante qui pourrait enquêter sur ce terrible drame, sont de près de 150.000 morts harkis et assimilés comme l'indique une note de 1977 du ministère de la Défense/Etat Major signée par le général Porret, chef du service historique (autre référence Note n°15088/DEF/C.4.B en date du 4 avril 1977).
* Harki est un mot qui vient de l'arabe "harka" désignant un groupe "en mouvement". Les harkis étaient des supplétifs de l'armée française durant la guerre d'Algerie.
**OAS : Organisation armée secrète.
***livre Moze de Zahia Rahmani, chez Sabine Wespieser éditeur, 2003.
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