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Le régime de Cuba est-il encore une dictature ?

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  • Le régime de Cuba est-il encore une dictature ?

    Régime personnel, liberté de la presse, opposition inexistante : François Hollande s'est rendu dans un pays au régime autoritaire voire dictatorial. Mais le président n'a jamais dit le contraire.

    Que la France puisse accompagner Cuba dans l'ouverture qui est la sienne, que la France soit la première, c'est sa vocation." En se rendant à Cuba, François Hollande est devenu le premier chef d'Etat français en voyage officiel sur l'île. Le chef de l'Etat a fait coup double en rencontrant lundi le père de la révolution cubaine Fidel Castro, avec lequel il assure avoir vécu un "moment d'histoire".

    J'avais devant moi un homme qui a fait l'histoire. Il y a forcément débat sur ce qui a pu être sa place, ses responsabilités, mais venant à Cuba je voulais rencontrer Fidel Castro", a commenté le président, affirmant que le Lider Maximo avait "beaucoup parlé" malgré ses 88 ans.

    Mais ce déplacement, et surtout la rencontre avec Fidel Castro, a "choqué" une partie de la classe politique, à l'image du député UMP Bruno Le Maire qui s'est dit sur BFMTV "fasciné par la complaisance de la gauche française vis-à-vis du régime castriste qui est une dictature de la pire espèce qui a opprimé des dizaines de milliers de Cubains".

    A priori moins gêné par la venue à Paris des dictateurs syrien Bachar al-Assad ou libyen Mouammar Kadhafi, Bruno Le Maire a conspué "un moment pathétique, celui de la rencontre d'un président de la République avec un dictateur"

    Des termes que n'aurait d'ailleurs pas réfutés l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste... François Hollande. En 2003, il dénonçait dans "Le Nouvel Observateur" la transformation "en cauchemar politique" de "la belle révolution de 1959". Et de détailler "l'arsenal complet" de la "dictature" cubaine : "pouvoir personnel, voire familial, refus d'élections libres, censure, répression policière, enfermement des dissidents, camps de travail, peine de mort".

    Un texte que François Hollande assume toujours selon "Le Point", puisqu'il a lâché lors de son déplacement : "On connaît les ombres et les lumières de l'île."

    Qu'en est-il aujourd'hui ? Cuba est-il toujours une dictature ?

    "Pouvoir personnel, voire familial"

    D'un Castro à un autre Castro. Les mots de François Hollande de 2003 étaient prémonitoires. Après avoir été président des Conseils d'Etat et des ministres de la République de Cuba par intérim à partir du 31 juillet 2006, Raúl Castro a été élu président du Cuba le 24 février 2008, succédant ainsi à son frère Fidel Castro. Avant cela, il occupait déjà, depuis 1976, le poste de vice-président des Conseils d'État et des ministres et était en charge du ministère des Forces armées révolutionnaires. Depuis 2011, il occupe aussi le poste de Premier secrétaire du Parti communiste cubain. Il a été réélu président en 2013.

    Néanmoins, ce devrait être le dernier mandat de Raúl Castro, âgé de 83 ans. "Dans mon cas, ce mandat est le dernier", avait-il affirmé en 2013, prônant "un transfert en douceur et ordonné des charges du pouvoir aux nouvelles générations".

    Son successeur désigné, nommé premier vice-président du Conseil en 2013, est d'ailleurs un "jeune" quinquagénaire : l'ex-ministre de l'éducation supérieure, Miguel Diaz-Canel.

    "Refus d'élections libres", "enfermement des dissidents"

    Cuba possède les attributs d'une "démocratie participative", mais les élections n'ont aucun enjeu, assurait Arte sur son site en janvier 2013. "Les candidats sont tous membres du Parti communiste cubain, aucun opposant ne peut se présenter."

    C'est un exercice de la démocratie sans pluralisme", résumait Olivier Dabène, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales, auprès de la chaîne.

    Aux élections de 2008, 96 % de la population en âge de voter s'était rendue aux urnes. En 2013, 91,27%. Voter est "un rituel, une habitude sociale", affirme le chercheur. Arte insistait aussi, à l'époque, sur le rôle des Comités de défenses de la révolution, accusés "de surveiller et de contrôler la population, et de dénoncer d'éventuels dissidents".

    Avec l'arrivée au pouvoir de Raúl Castro, Cuba a pourtant signé les deux pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques, ainsi qu'aux droits économiques, sociaux et culturels, témoignant d'une volonté de se conformer au droit international. Mais sans les ratifier.

    Si l'accession de Raúl Castro à la tête du pays avait suscité des espoirs en termes d'ouverture, ils ont été contredits par le renforcement de la répression depuis 2011, dénonce de son côté Reporters sans frontières.

    Bien sûr, le récent dégel s'est accompagné de progrès dans le domaine des droits de l'homme, avec notamment la libération de 53 prisonniers politiques en janvier 2015.

    On n'envoie plus en prison, comme auparavant, des dissidents pour 10 ou 15 ans", reconnaît Robin Guittard, le chargé de campagne d'Amnesty international pour la zone Caraïbes, dans les colonnes de "Libération".

    "En revanche, la pression sur les opposants s'accentue, ils sont harcelés, arrêtés et interrogés plusieurs fois par mois. En 2014, il y avait en moyenne 700 arrestations de courte durée par mois. En mars de cette année, il y en a eu plus de 600. […] Sur le plan des libertés d'expression, de réunion et d'association, rien n'a évolué, le système répressif reste le même : pas de presse ni de syndicats indépendants, aucune association possible hors des structures officielles."

    Actuellement, l'ONG, qui est interdite à Cuba depuis 1988, défend un seul prisonnier politique à Cuba : Ciro Alexis Casanova Pérez, condamné à un an de détention pour "trouble à l'ordre public" : "Il avait organisé à Placetas, dans le centre de l'île, une manifestation contre le pouvoir, dont il était le seul participant."

    Pourtant, selon l'Elysée, le président français n'a été saisi d'aucun cas de prisonnier politique à Cuba. Le premier geste de François Hollande lundi matin a toutefois été de remettre la légion d'honneur au cardinal Jaime Ortega, qui a notamment joué un rôle de médiation pour la libération de prisonniers politiques en 2010.

    Robin Guittard relève un autre point positif récent : la réforme migratoire de 2013 et l'abrogation de la "tarjeta blanca". Cette "carte blanche", "nécessaire à toute sortie du pays", qui était couramment refusée aux dissidents et opposants politiques.

    "Censure" et liberté de la presse

    Au cours de sa visite, François Hollande devait remettre à Raúl Castro un stylo, symbole de la liberté d'expression, très limitée sur l'île. Un geste insuffisant pour la romancière cubaine Zoé Valdés, interviewée par Europe 1 :

    Je ne pense pas que Raúl Castro comprenne le symbole du stylo. Ce n'est pas un écrivain ! Et sous son régime, vous ne pouvez pas crier ce que vous voulez dans la rue, sinon vous allez en prison. Il y a encore pas mal de journalistes et d'écrivains en prison aujourd'hui. Je pense que Raúl Castro va s'en foutre, il va rigoler comme il l'a fait avec le Pape. C'est quelqu'un qui aime se moquer des symboles."

    "La situation de la liberté de l'information demeure extrêmement problématique à Cuba, où seuls les médias officiels sont autorisés", déplore également Reporters sans frontières : une télévision, une radio, deux quotidiens (Granma et Juventud Rebelde) et leurs déclinaisons locales, qui servent avant tout à relayer la propagande du régime. "La répression à l'encontre de ceux véhiculant des idées critiques à l'encontre du régime se poursuit, sous la forme de détentions arbitraires ou encore de menaces. L'utilisation d'Internet reste étroitement contrôlée."

    L'association assure que deux journalistes sont actuellement emprisonnés à Cuba : le correspondant du quotidien officiel "Granma", José Antonio Torres, depuis le 1er mai 2011, et Yoeni de Jesús Guerra García, depuis le 13 mars 2014. Ainsi que le blogueur et "net-citoyen" Ángel Santiesteban-Prats, depuis le 28 février 2013.

    Les journalistes et blogueurs cherchant à informer de façon indépendante sont toujours condamnés à diffuser leur production de l'information à partir de supports extérieurs, assure également RSF, qui pointe aussi une réglementation "draconienne" pour les médias étrangers. "Une clause établit notamment qu'un journaliste étranger dont le traitement de l'actualité serait jugé 'trop négatif' par le régime encourt une expulsion immédiate."

    Peine de mort

    La peine de mort est toujours en application à Cuba. Néanmoins le régime a commencé en 2008 à commuer les peines de mort des quelque 50 condamnés des couloirs de la mort en des condamnations de prison.

    Cette décision a été adoptée, non à la suite de pressions, mais comme un acte souverain en accord avec la conduite humanitaire et éthique" du pays, avait affirmé Raúl Castro, précisant que cela "ne signifie pas que nous supprimons la peine de mort du Code pénal".

    Pourtant, deux ans plus tard, en décembre 2010, le Tribunal suprême de Cuba a commué la peine capitale du dernier homme condamné à mort, l'anticastriste Humberto Real, en 30 ans de prison.

    Cet homme de 40 ans avait été condamné en 1996 pour des "actes contre la sécurité de l'Etat" et "l'assassinat" d'un homme en 1994, lors d'un débarquement dans le centre-nord de l'île avec un groupe armé du Parti Unité nationale démocratique basé en Floride.

    Cuba n'a donc plus aucun condamné à mort dans ses prisons. Et le pays n'a pas procédé à une exécution capitale depuis avril 2003. Trois hommes avaient alors été fusillés pour avoir pris en otages 50 personnes dans une embarcation, et menacé l'équipage de leurs armes. Ils souhaitaient prendre la mer pour Miami.

    l'OBS
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