Remaniement ministériel : diplomatie à deux têtes
Inédit. Deux têtes pour un seul ministère ! Le remaniement ministériel opéré avant-hier a donné lieu à une réorganisation – chamboulement – aussi injustifiée qu’inexpliquée qui touche un département aussi stratégique que celui des Affaires étrangères. Abdelkader Messahel est promu ministre des Affaires maghrébines et africaines et de la Coopération internationale.
Un véritable ministère des Affaires étrangères parallèle. Le chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, qui a réussi avec talent et en un court laps de temps à redonner à la diplomatie algérienne ses lettres de noblesse, voit ainsi son champ d’action réduit. Se pose alors la question des attributions de chaque ministre qui vont sans doute alimenter toutes les tensions dans les prochains jours, alors que l’Algérie s’engage dans le règlement des conflits régionaux en tant que médiateur.
On redoute d’ores et déjà une perturbation qui ne sera pas sans conséquence sur l’action de ce ministère. Un bras de fer et de force ne tardera pas à apparaître pour la défense des territoires dans un ministère enferré dans des tiraillements inextricables.
De nombreux hauts fonctionnaires et diplomates vont jusqu’à s’interroger sur la pertinence de cette «innovation» unique dans les annales. «Nous sommes le seul pays au monde qui aura deux ministres dirigeant la politique étrangère», commente un ancien ambassadeur qui relève, à juste titre, qu’il s’agit là d’une remise en cause d’un principe intangible qui doit guider la politique étrangère : celui de l’unicité dans la représentation extérieure du pays.
Qui va faire quoi, mais aussi et surtout qui va porter la parole de l’Algérie dans les forums internationaux ? Qui est le vrai l’interlocuteur vis-à-vis de l’étranger ? Les partenaires de l’Algérie ne manqueront pas de relever cette «étrangeté nationale». Un encombrement dans la ligne directrice. En opérant un tel mouvement – pas du tout diplomatique –, le chef de l’Etat a créé un précédent qui va, à l’évidence, brouiller la politique étrangère de l’Algérie.
A quoi obéit alors cette réorganisation du Palais de Kouba au moment même où Ramtane Lamamra a impulsé, non sans succès, une dynamique à la diplomatie algérienne ? Un redéploiement salué par les hauts fonctionnaires du ministère, apprécié par de nombreux acteurs et observateurs politiques locaux, mais qui a particulièrement forcé le respect des partenaires internationaux.
Depuis sa nomination, M. Lamamra a pu rapidement redonner de la vigueur à un ministère longtemps tombé dans une dangereuse apathie. Le règne de Mourad Medelci a laissé l’Algérie sans voix.
DIVERGENCE D’APPROCHE
Fin diplomate, rompu aux jeux des coulisses des relations internationales, Ramtane Lamamra a réussi la prouesse d’arracher pour l’Algérie des espaces importants, lui permettant des marges d’action considérables.
En centrant son action diplomatique, notamment sur le continent africain – longtemps abandonné –, le ministre des Affaires étrangères est parvenu à rattraper un énorme retard et à reprendre en main un espace considéré comme étant la profondeur stratégique du pays. Le rôle déterminant de l’Algérie dans le règlement du conflit malien, en obtenant «les faveurs et le parrainage de la communauté internationale», est incontestablement l’un des fruits du retour vers l’Afrique.
A observer le ballet incessant des chefs d’Etat africains à Alger, on se rend compte du travail accompli. Jusque-là, Ramtane Lamamra a réussi un parcours presque sans faute.
Ce faisant, le chef de la diplomatie algérienne n’a pas manqué de provoquer de l’animosité non seulement chez certaines pays voisins, mais également de susciter «la jalousie» en interne. Il a pris une aura qui n’a pas tardé à déranger certains milieux. Ramtane Lamamra serait-il ainsi victime de ses exploits diplomatiques ? Il est évident alors de chercher la raison de la décision de «coller» une doublure à l’actuel chef de la diplomatie, dans le registre des calculs politiciens les plus étroits du pouvoir.
Abdelkader Messahel, connu pour être proche du président Bouteflika, a de tout temps nourri l’ambition de devenir un jour chef de la diplomatie algérienne.
C’est un secret de polichinelle que d’affirmer qu’entre Lamamra et son désormais ex-délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines le courant ne passait pas. Entre les deux hommes aux profils antinomiques que tout oppose, les rapports n’ont jamais été «sereins». Usant de sa proximité avec la Présidence, Messahel ne s’en remettait jamais à son ministre. Ses rapports et ses notes sont directement envoyés à la Présidence.
Au ministère, de hauts fonctionnaires passent leur temps à «désamorcer des bombes et à déjouer les coups tordus», assure-t-on. Jugé «expansionniste», Abdelkader Messahel s’est tout le temps «bagarré» pour s’imposer au-delà de ce que lui confère ses attributions. Des sources au ministère rapportent que quand «Lamamra s’est engagé concernant le dossier malien, son délégué a manœuvré pour avoir son dossier à lui. On lui a concédé la Libye».
Si certains observateurs estiment que les désaccords latents entre les deux personnages relèvent de la rivalité et des ambitions de pouvoir, d’autres évoquent une divergence dans l’approche, le style et un clivage sur la démarche à suivre en matière de politique étrangère. Une diplomatie d’Etat contre une diplomatie de régime ?
elwatan par Hacen Ouali
Inédit. Deux têtes pour un seul ministère ! Le remaniement ministériel opéré avant-hier a donné lieu à une réorganisation – chamboulement – aussi injustifiée qu’inexpliquée qui touche un département aussi stratégique que celui des Affaires étrangères. Abdelkader Messahel est promu ministre des Affaires maghrébines et africaines et de la Coopération internationale.
Un véritable ministère des Affaires étrangères parallèle. Le chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, qui a réussi avec talent et en un court laps de temps à redonner à la diplomatie algérienne ses lettres de noblesse, voit ainsi son champ d’action réduit. Se pose alors la question des attributions de chaque ministre qui vont sans doute alimenter toutes les tensions dans les prochains jours, alors que l’Algérie s’engage dans le règlement des conflits régionaux en tant que médiateur.
On redoute d’ores et déjà une perturbation qui ne sera pas sans conséquence sur l’action de ce ministère. Un bras de fer et de force ne tardera pas à apparaître pour la défense des territoires dans un ministère enferré dans des tiraillements inextricables.
De nombreux hauts fonctionnaires et diplomates vont jusqu’à s’interroger sur la pertinence de cette «innovation» unique dans les annales. «Nous sommes le seul pays au monde qui aura deux ministres dirigeant la politique étrangère», commente un ancien ambassadeur qui relève, à juste titre, qu’il s’agit là d’une remise en cause d’un principe intangible qui doit guider la politique étrangère : celui de l’unicité dans la représentation extérieure du pays.
Qui va faire quoi, mais aussi et surtout qui va porter la parole de l’Algérie dans les forums internationaux ? Qui est le vrai l’interlocuteur vis-à-vis de l’étranger ? Les partenaires de l’Algérie ne manqueront pas de relever cette «étrangeté nationale». Un encombrement dans la ligne directrice. En opérant un tel mouvement – pas du tout diplomatique –, le chef de l’Etat a créé un précédent qui va, à l’évidence, brouiller la politique étrangère de l’Algérie.
A quoi obéit alors cette réorganisation du Palais de Kouba au moment même où Ramtane Lamamra a impulsé, non sans succès, une dynamique à la diplomatie algérienne ? Un redéploiement salué par les hauts fonctionnaires du ministère, apprécié par de nombreux acteurs et observateurs politiques locaux, mais qui a particulièrement forcé le respect des partenaires internationaux.
Depuis sa nomination, M. Lamamra a pu rapidement redonner de la vigueur à un ministère longtemps tombé dans une dangereuse apathie. Le règne de Mourad Medelci a laissé l’Algérie sans voix.
DIVERGENCE D’APPROCHE
Fin diplomate, rompu aux jeux des coulisses des relations internationales, Ramtane Lamamra a réussi la prouesse d’arracher pour l’Algérie des espaces importants, lui permettant des marges d’action considérables.
En centrant son action diplomatique, notamment sur le continent africain – longtemps abandonné –, le ministre des Affaires étrangères est parvenu à rattraper un énorme retard et à reprendre en main un espace considéré comme étant la profondeur stratégique du pays. Le rôle déterminant de l’Algérie dans le règlement du conflit malien, en obtenant «les faveurs et le parrainage de la communauté internationale», est incontestablement l’un des fruits du retour vers l’Afrique.
A observer le ballet incessant des chefs d’Etat africains à Alger, on se rend compte du travail accompli. Jusque-là, Ramtane Lamamra a réussi un parcours presque sans faute.
Ce faisant, le chef de la diplomatie algérienne n’a pas manqué de provoquer de l’animosité non seulement chez certaines pays voisins, mais également de susciter «la jalousie» en interne. Il a pris une aura qui n’a pas tardé à déranger certains milieux. Ramtane Lamamra serait-il ainsi victime de ses exploits diplomatiques ? Il est évident alors de chercher la raison de la décision de «coller» une doublure à l’actuel chef de la diplomatie, dans le registre des calculs politiciens les plus étroits du pouvoir.
Abdelkader Messahel, connu pour être proche du président Bouteflika, a de tout temps nourri l’ambition de devenir un jour chef de la diplomatie algérienne.
C’est un secret de polichinelle que d’affirmer qu’entre Lamamra et son désormais ex-délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines le courant ne passait pas. Entre les deux hommes aux profils antinomiques que tout oppose, les rapports n’ont jamais été «sereins». Usant de sa proximité avec la Présidence, Messahel ne s’en remettait jamais à son ministre. Ses rapports et ses notes sont directement envoyés à la Présidence.
Au ministère, de hauts fonctionnaires passent leur temps à «désamorcer des bombes et à déjouer les coups tordus», assure-t-on. Jugé «expansionniste», Abdelkader Messahel s’est tout le temps «bagarré» pour s’imposer au-delà de ce que lui confère ses attributions. Des sources au ministère rapportent que quand «Lamamra s’est engagé concernant le dossier malien, son délégué a manœuvré pour avoir son dossier à lui. On lui a concédé la Libye».
Si certains observateurs estiment que les désaccords latents entre les deux personnages relèvent de la rivalité et des ambitions de pouvoir, d’autres évoquent une divergence dans l’approche, le style et un clivage sur la démarche à suivre en matière de politique étrangère. Une diplomatie d’Etat contre une diplomatie de régime ?
elwatan par Hacen Ouali
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