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«Pourquoi Saïd sourit ?»

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  • «Pourquoi Saïd sourit ?»

    [Vieil exercice éditorial : lire la liste d'un nouveau gouvernement. Témoin du vide, preuve de l'oisiveté. En vrac, retrouver Amar Ghoul en ministre de l'Artisanat et du Tourisme est une blague. Un islamiste opportuniste à la tête d'un secteur moribond depuis l'indépendance est une plaisanterie de mauvais goût : on ne va pas accueillir les touristes, riches et libres, avec un homme qui a peur de l'alcool mais pas de la corruption, qui est flou, qui est triste et qui ne provoque ni fantasme ni envie de venir ou de le rencontrer. Ensuite, voir le recteur d'Alger, soutien indéfectible d'un agent de sécurité contre une jupe jugée courte est un bras d'honneur. Placer un ministre de la Formation professionnelle comme ministre de l'Intérieur est un message que cette fonction de ministre de l'Intérieur n'existe plus ou ne dépend plus de son propre ministre. Le reste, c'est de l'habituel.

    La nomination d'un nouveau gouvernement en Algérie provoque toujours lectures, interprétations et une étrange déception : comme si on attendait un homme parfait qui ne vient pas, ou un coup d'Etat de la compétence contre l'incompétence, ou un partage réel des pouvoirs, un renversement, un putsch du bon sens. Même l'opposition est prise dans ce jeu de la « déception » redondante. Comme si un « bon » nouveau gouvernement est le signe d'un retour à la sagesse chez la monarchie. Alors que le but d'un nouveau gouvernement est de rajeunir un vieux régime qui ne meurt pas. Le but est de durer, perdurer, pas changer. Sauf que l'espoir est un chien teigneux qui vous colle à la peau et vous suit partout où vous allez. On a espéré un Président, on en a les trois quarts ; on a espéré un pays, on en a la moitié sous l'aisselle de chaque exilé ; on a espéré le changement, on a eu le retour du FLN ; on a espéré la démocratie, on a eu Ennahar et Echourouk. A défaut, on espère alors du neuf avec chaque liste de ministres.

    Un nouveau gouvernement ne change pas un vieux régime bien sûr. Mais on aime y lire ce que l'on nous cache. C'est une sorte de jeu de reflets des « courants » du sérail, un indice de tendance, un jeu de grâces et disgrâces. Que faire d'autres sinon ? Bouteflika est encore vivant, nous à peine, les martyrs sont morts infiniment et les ancêtres sont des vagabonds derrière l'écran de l'histoire officielle. Autant s'acharner à trouver du sens à la nomination d'une ministre de la Formation professionnelle comme ministre de l'Intérieur que de s'ennuyer ferme.

    Interpréter est une maladie nationale. Lire entre les lignes s'apprend chez nous avant même de savoir lire les lignes. Regardez la dernière publicité pour une boîte d'assurances et ses affiches avec le slogan « pourquoi Saïd sourit ?» L'Algérien est frappé par la maladie de l'interprétation ; on ne peut la regarder sans sourire à son tour.


    par Kamel Daoud


    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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