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Le boom des agences matrimoniales marocaines

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  • Le boom des agences matrimoniales marocaines

    De longs cheveux bruns, une bouche finement ourlée, un petit nez mutin et de grands yeux enjôleurs, Laïla (*) a tous les atouts nécessaires pour faire craquer bien des hommes. Intelligente, douce, elle respire un charme discret qui ferait tourner plus d’une tête. À 35 ans, cette professeur d’arabe n’est pourtant toujours pas mariée. Ce n’est pas faute de vouloir mais les princes charmants qu’elle a crus parfois se sont chaque fois transformés en crapauds. Alors, il y a deux ans, Laïla a pris son courage à deux mains et a fait une démarche encore assez originale au Maroc : elle a frappé à la porte d’une agence matrimoniale. «J’avais été fiancée deux fois à des hommes qui ont finalement refusé de s’engager. Je n’arrivais pas à rencontrer quelqu’un qui recherche autre chose qu’une aventure. Je me suis dit que passer par une agence m’assurerait de trouver une personne sérieuse qui veuille véritablement se marier», explique-t-elle. Deux ans plus tard, Laïla est sur son petit nuage. «Sérieux, gentil et grand», elle a fait la connaissance de l’homme de ses rêves il y a quelques mois. Mieux, ils devraient se marier dans trois mois. La fin de longues années d’attente et de déceptions.

    Comme Laïla, des centaines de Marocains décident chaque année de miser sur une agence matrimoniale pour trouver le candidat idéal à la vie en duo. Encore balbutiante il y a quelques années, l’offre est en train de se multiplier. Installé depuis près de dix ans au Maroc, le pionnier Union 3000 a fait des émules. Deux petits nouveaux l’ont rejoint sur le marché, Unicis il y a un an et demi et Matrimonial Maroc il y a moins d’un an. Avec un millier de profils annoncés chez le premier désormais présent à Rabat, Casablanca et Marrakech, et quelque 150 chacun pour les deux autres, le marché est en train de prendre lentement son envol. «Ce n’est pas particulièrement surprenant, analyse la sociologue Soumaya Naamane Guessous. Il y a toujours eu des intermédiaires pour le mariage dans la société marocaine. Les agences d’aujourd’hui dans les grandes villes viennent prendre le relais des marieuses traditionnelles des campagnes».

    L’amour sur catalogue
    Mais si les pratiques des marieuses tradi et des agences matri se ressemblent, leurs techniques, elles, n’ont franchement rien à voir. Là où la marieuse allait faire un petit tour au hammam pour repérer les plus belles filles, les responsables d’agence, eux, usent et abusent de fiches et autres questionnaires pour mener à bien leur rôle de Cupidon. Dès le premier rendez-vous, les candidats au grand amour version arrangée prennent ainsi leurs petits stylos pour dresser sur papier le profil de leur moitié rêvée. Ils subissent ensuite une batterie de questions de la part du responsable de l’agence qui essaye de cerner leur profil. Age, taille, physique, études, hobbys, religion, tout y passe. Si vous rêvez d’un petit banquier plein d’humour et fan d’équitation ou d’une belle brune plantureuse et branchée botanique, il suffit de demander. Ou presque. «La phase d’évaluation est essentielle. Elle nous permet non seulement de cerner la personne mais aussi de l’aider à savoir et à exprimer ce qu’elle recherche exactement. Après ça, si l’on a dans nos fichiers des profils qui correspondent, on peut commencer immédiatement à mettre les gens en contact. À eux ensuite de jouer», explique Jean-Marie Kautzmann, le patron d’Union 3000.

    Le premier rendez-vous est souvent l’occasion pour le chercheur d’or rose de se faire les dents. Premier contact, premier coup de trac, il permet en général aux candidats de mieux définir leur demande. Et de le faire savoir à l’agence à travers une fiche d’évaluation des rendez-vous comme à Union 3000. «On ne peut jamais réussir à avoir toutes les informations en une seule fois. Il faut laisser un climat de confiance s’instaurer avec les clients», justifie Jean-Louis Leroy, le responsable de Matrimonial Maroc. Mais si l’amour se trouve rarement derrière la première porte, les agences assurent qu’il se cache le plus souvent derrière les suivantes. «Dans la majorité des cas, les clients n’ont pas besoin de plus de trois rendez-vous pour faire LA bonne rencontre», se félicite ainsi Pascal Forget. «Les résultats sont souvent rapides. On a près de 25 % de réussite», s’enorgueillit de son côté Jean-Marie Kautzmann. De telles promesses d’amour si facile à trouver ont de quoi surprendre. Comment croire que quelques rendez-vous concoctés par un inconnu soient suffisants pour trouver l’âme sœur quand tant de célibataires rament de rencontres en rencontres sans jamais faire la bonne ? Pour les agences matrimoniales, la réponse est toute trouvée. Une raison fondamentale explique d’après elles le succès de leur démarche. «Les gens qui s’adressent à une agence ont envie de se marier, ce qui n’est pas forcément le cas dans la vie de tous les jours», martèlent-ils d’une seule voix. Pour eux, la preuve de cette motivation est toute trouvée : l’investissement financier que font ces gens qui jouent leur va-tout pour trouver chaussure à leur pied. De 5000 à 15000 dirhams la recherche, selon l’agence et la dimension nationale ou internationale de la demande, difficile de sauter le pas sans être un sérieux candidat au mariage.

    Motivés, motivés, motivés
    Cet argument fait mouche auprès de ceux qui tentent l’aventure, quels que soient leur âge, leur sexe ou leur niveau social. De la jeune fille sage accompagnée par ses parents au banquier trop occupé par son travail pour chercher une épouse en passant par le quinqua fraîchement divorcé, l’ouvrière qui a négocié un prix avec l’agence ou encore la trentenaire qui rêve d’un mariage avec un étranger, les profils des candidats se suivent et ne se ressemblent pas forcément. Mais ils ont un point commun : presque tous exigent la carte «sérieux(se) et prêt(e) à s’engager» lors de l’entretien préliminaire. «L’existence d’agences matrimoniales s’explique en grande partie par la crise de confiance qui existe entre les hommes et les femmes, confirme Soumaya Naamane Guessous. Les femmes considèrent que les hommes ne sont pas sérieux, pas fidèles. Ils n’ont plus la contrainte de devoir se marier pour avoir des relations sexuelles et elles leur reprochent de ne pas vouloir s’engager. Les hommes, de leur côté, sont écartelés entre leur envie d’avoir une femme moderne à l’extérieur et une épouse traditionnelle et sérieuse à la maison. Dans ce contexte, l’agence matrimoniale a un côté sécurisant. On remplit une fiche où l’on exprime ses besoins noir sur blanc. On paye et on a un service dont on est en droit d’exiger la qualité. Cela rassure».

    Dans cet état d’esprit, plus de complexe pour venir demander de l’aide à une structure. «Si cela peut m’aider à enfin trouver le mari dont je rêve, pourquoi ne pas essayer ? », s’est ainsi dit Laïla. Mais si passer la porte de l’agence n’est pas si dur, en parler l’est beaucoup plus. À trois mois du mariage, les amis de Laïla ne sont toujours pas au courant de l’existence du promis et surtout de la façon dont le «coup de foudre» a eu lieu. «Ca ne regarde pas les gens de savoir comment je l’ai rencontré», justifie-t-elle. Derrière ce refus plane le poids d’un tabou assez général. «Une fois que les clients ont trouvé chaussure à leur pied, ils rayent très vite l’agence de leur vie. Autour d’eux, ils n’osent quasiment jamais raconter comment ils se sont rencontrés. J’ai par exemple en ce moment le cas d’un jeune architecte qui s’est marié grâce à l’agence et qui a aujourd’hui une petite fille de trois ans. Il voudrait m’envoyer ses deux frères célibataires mais ne sait pas comment faire sans leur avouer la vérité», constate Jean-Marie Kautzmann. Nombreux sont ainsi les mariés à raconter à leurs proches s’être rencontrés lors d’un voyage, d’un repas chez des amis ou d’une occasion professionnelle. Pour expliquer cette réticence, Soumaya Naamane Guessous rappelle le poids qu’ont encore certains préjugés : «On est encore dans une société où la femme ne doit pas aller chercher l’homme mais attendre qu’on vienne lui demander sa main. Celle qui fait la démarche d’aller voir une agence passe ainsi pour une femme qui va se vendre aux enchères parce que personne n’a voulu d’elle. Mieux vaut donc pour elle se taire. De la même façon, l’homme gardera l’histoire secrète pour éviter que sa femme et lui soient ainsi dévalorisés». Autant dire que si les agences ont le vent en poupe, cela n’est pas encore près de se crier sur tous les toits.

    (*) Ce prénom a été changé.

    Amélie Amilhau
    Source: Le Journal Hebdomadaire
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