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Les vertus cachées du khôl égyptien

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  • Les vertus cachées du khôl égyptien

    L'art médical, dans l'Egypte ancienne, faisait déjà l'objet d'une codification poussée. En témoigne le papyrus Ebers, trouvé en 1862 à Louxor. Long de 20 mètres sur 30 centimètres de large, il rassemble en 877 paragraphes la connaissance déjà accumulée entre les XVIIe et XIVe siècles avant l'ère chrétienne (selon les datations). Ainsi de l'ophtalmologie : "Autre (remède), pour chasser l'exsudat-khent qui est dans les yeux : galène : 1/32 ; suc de baumi r : 1/16 ; calamine : 1/16 ; ocre rouge (tjerou) : 1/64 ; minéral-sia du Sud : 1/64. (Ce) sera broyé finement, préparé en masse homogène, et placé dans les yeux jusqu'à ce qu'ils guérissent parfaitement." (Traduction de Thierry Bardinet, 1995.)
    Toute la difficulté, pour les chercheurs qui souhaiteraient vérifier l'efficacité de ces remèdes - et s'en inspirer, comme certains le font à travers l'ethnopharmacologie -, est de déterminer la nature exacte des multiples ingrédients cités dans ces manuscrits. La chimie moderne peut les y aider, comme le prouve une aventure scientifique de longue haleine, conduite par des équipes françaises, et qui vient de trouver son épilogue dans la revue Analytical Chemistry de janvier. Elle aboutit à la conclusion que le plomb qui entrait dans la composition des khôls, loin de menacer la santé des Egyptiens - comme le laisserait supposer la toxicologie moderne -, leur assurait au contraire une protection contre les infections oculaires.
    "Nous sommes partis des flacons" : il y a dix ans, Philippe Walter (Centre de recherche et de restauration des musées de France-CNRS) et ses collègues avaient analysé les résidus trouvés dans des dizaines de "trousses à maquillage" tirées des collections égyptiennes du Musée du Louvre. Ils avaient montré que quatre composés à base de plomb entraient dans la composition de ces khôls : la galène, qui assure les tons noirs et le brillant, ainsi que trois matières blanches, la cérussite, la phosgénite et la laurionite. La présence de ces deux derniers composés constituait une surprise, car ils n'existent pas à l'état naturel.
    En revanche, des auteurs comme le Romain Pline l'Ancien (23-79 après J.-C.) ou le Grec Dioscoride (40-90 après J.-C.) indiquent qu'ils étaient synthétisés intentionnellement pour leur propriété médicale, rappelle Philippe Walter. "Certains écrasent une livre de sel avec une quantité égale d'écume d'argent (oxyde de plomb ou litharge), sous le soleil, avec de l'eau continuellement décantée, jusqu'à ce qu'elle devienne blanche", précisait même ce dernier dans son De materia medica. Durée des opérations : quarante jours...
    Philippe Walter et sa collègue Pauline Martinetto ont suivi la recette et ont bien abouti à la production de laurionite. Avec un mélange de sel et de natron, un carbonate de sodium aussi utilisé dans la momification, on obtient la phosgénite. Mais que l'on s'écarte un tant soit peu du taux d'acidité voulu, et de tous autres composés dériveront de cette "chimie douce", à base de solutions non chauffées (Le Monde du 7 février 1999).
    Les Egyptiens, lorsqu'ils cernaient leurs paupières de ces fards sombres, si complexes à formuler et à obtenir, faisaient-ils seulement preuve de coquetterie ? Ou cherchaient-ils par là à se protéger des multiples infections microbiennes qui les menaçaient, dans un environnement de marais gonflés par les respirations du Nil ?
    "Il faut noter que l'ensemble de la population, hommes, femmes et enfants, de toutes classes sociales, employaient ces cosmétiques", rappelle Philippe Walter. Et deux millénaires plus tard, les Romains avaient, semble-t-il, retenu la leçon, indique le chercheur : "On s'en sert pour les collyres, et en pommade pour faire disparaître chez les femmes les cicatrices disgracieuses et les taches de la peau, et pour se laver les cheveux", écrivait ainsi Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle.
    Pour tester les vertus prophylactiques des composés de plomb, les chercheurs du Louvre se sont associés aux chimistes de l'équipe de Christian Amatore (ENS, CNRS, université Pierre-et-Marie-Curie). "Quand Philippe Walter m'a parlé de cet aspect médical, j'ai pensé que les ions plomb ressemblaient à ceux du calcium, et qu'ils pouvaient induire une confusion biochimique vis-à-vis des cellules", raconte celui-ci. Les ions calcium sont eux-mêmes impliqués dans l'activation des défenses immunitaires. Se pouvait-il que le plomb du khôl joue le même rôle ?
    Pour valider cette hypothèse, Issa Tapsoba, de l'équipe de Christian Amatore, a utilisé une "synapse artificielle", capable de flairer les moindres composés émis par une cellule soumise à un stimulus (lire ci-dessous). En l'occurrence, il a testé la réponse de dizaines de kératinocytes, des cellules de peau humaine, à des bouffées de diverses concentrations de laurionite. "Ces cellules étaient effectivement stimulées, et émettaient jusqu'à 2,5 fois plus de monoxyde d'azote", résume Christian Amatore. Or le monoxyde d'azote est un composé qui induit la dilatation des capillaires, ce qui aide les macrophages, ces cellules tueuses de microbes, à accéder au lieu d'infection éventuel.
    "Cela confirme le rôle protecteur de ce maquillage, qui n'était pas disposé sur les cils, mais sur l'épaisseur même de la bordure de la paupière. Si bien qu'à chaque fois que l'on fermait l'oeil, celui-ci était balayé par l'onguent", explique Christian Amatore. Selon lui, il faut imaginer les Egyptiens avec les yeux injectés de sang, le système immunitaire non spécifique sans arrêt en éveil : "S'il y avait en permanence des "patrouilleurs" macrophages dans l'oeil, les bactéries n'avaient aucune chance", avance-t-il. Resterait, pour parfaire la démonstration, à tester in vivo l'efficacité de la recette égyptienne en présence de bactéries. "Sur le plan éthique, ce serait irrecevable", rappelle Christian Amatore
    Faut-il supposer que les Egyptiens avaient conscience du mécanisme en jeu ? "Pas plus que les peuples qui se soignaient avec de l'écorce de saule ne savaient qu'ils ingéraient en fait de l'aspirine", répond Christian Amatore. Pour autant, il faut bien envisager que l'usage d'une chimie synthétique élaborée à des fins médicales n'a pas été fortuit. "Ont-ils fait des expériences ?, s'interroge Philippe Walter. Nous ne le saurons jamais."
    Etaient-ils conscients qu'en utilisant le plomb de façon moins parcimonieuse, ils se seraient exposés à d'autres maladies, comme c'est le cas de certains enfants d'aujourd'hui, quand ils ingèrent le surma (un khôl indien) qui a coulé sur leurs mains ? C'est probable. Des siècles plus tard, l'héritier de la sagesse égyptienne, Pline l'Ancien, avait noté que les femmes employaient le carbonate de plomb "pour se blanchir le teint". Mais il précisait bien que "prise à l'intérieur, la céruse est un poison, comme l'écume d'argent".
    Hervé Morin
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    Une "synapse artificielle" pour humer les cellules fardées
    Pour vérifier que le plomb du khôl égyptien engendrait bien une réponse immunitaire, l'électrochimiste moléculaire Christian Amatore a mobilisé une "synapse artificielle", à l'origine conçue pour étudier la dynamique des phénomènes biologiques à l'échelle de la cellule vivante. La synapse est cette zone de contact essentielle au transfert de l'information nerveuse entre les cellules.
    La synapse artificielle mise au point par Christian Amatore et Mark Wightman (université de Caroline du Nord, Etats-Unis) est en fait une "ultramicroélectrode", dont le diamètre est cinq fois inférieur à celui d'un cheveu. Positionnée à proximité d'une cellule unique, cette électrode est capable d'enregistrer des molécules émises par le vivant. "Nous pouvons distinguer des flux de mille molécules par milliseconde. On "marche" aussi bien que la synapse naturelle", explique le chercheur.
    Cette technique de mesure électrochimique a été mise au point pour étudier la libération de neurotransmetteurs, puis celle de radicaux libres en cancérogénèse. Christian Amatore a souhaité la mettre au service de l'archéologie, par goût de l'interdisciplinarité, et par conviction que la science fondamentale peut aider à "relire" le patrimoine. "On ne pouvait pas demander une allocation pour le faire. Pour valider notre intuition, nous avons donc fait des heures supplémentaires, une "perruque"", avoue-t-il. Quoi de mieux pour régler une question de cosmétique ?

    Le Monde | Par Hervé Morin

    Le Prophète (Prières et bénédictions d'Allah sur lui) a dit : « Mettez-vous du khôl car il renforce la vue et fait pousser les cils ». Rapporté par Tirmidhi.
    dz(0000/1111)dz

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    • #3
      J'adore le Khôl mais je voudrais en trouver du bon, du sud. Il a une couleur particulière, dans le gris foncé, et ne pique pas les yeux.
      Il n’y a rien de noble à être supérieur à vos semblables. La vraie noblesse, c'est être supérieur à votre moi antérieur.
      Hemingway

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      • #4
        « Mettez-vous du khôl car il renforce la vue et fait pousser les cils »
        J'en met souvent et pourtant,je n'arrive pas à déchiffrer ton pavé là haut
        "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

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        • #5
          Space!

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