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Le Poète secret de Mario Rigoni Stern

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  • Le Poète secret de Mario Rigoni Stern

    "La nuit, dans l’attente du sommeil ou de l’aube, à la lumière diffuse de la neige qui filtre des fenêtres donnant sur la forêt, ma pensée s’arrête en ces temps-là, et ressurgissent visages d’amis, épisodes, situations dramatiques. Pas seulement les souffrances mais aussi les moments sereins : jeux d’enfants, visages rieurs, lettres d’amour, rêves, chants, montagnes conquises. Les cadeaux de la jeunesse."

    Il y a des écrits qui communiquent de l'émotion. Beaucoup d'émotion. Car ce sont de véritables oeuvres d'art.

    C'est chez les éditions la Fosse aux ours que ce livre est paru. Mario Rigoni Stern est un écrivain massif et fraternel. Dans Le Poète secret, il éblouit son lecteur. En 1945, Mario Rigoni Stern revient vivre au pays, à Asiago, sur l’altiplano des Sept-Communes, au nord de Venise. C’est un plateau unique, jadis peuplé par les Cimbres, éphémères envahisseurs nordiques, dont la langue comptait jusqu’à huit mots différents pour désigner la neige... Cinquante ans plus tard, il soupire : "La nuit, dans l’attente du sommeil ou de l’aube, à la lumière diffuse de la neige qui filtre des fenêtres donnant sur la forêt, ma pensée s’arrête en ces temps-là, et ressurgissent visages d’amis, épisodes, situations dramatiques. Pas seulement les souffrances mais aussi les moments sereins : jeux d’enfants, visages rieurs, lettres d’amour, rêves, chants, montagnes conquises. Les cadeaux de la jeunesse." Comme tous ceux qui ont vécu la capitale de la douleur, il a fallu du temps à Mario Rigoni Stern pour sortir de l’ombre longue que faisait sa prison, la steppe russe autant que le camp. Et toutes ces campagnes du petit Saint-Bernard, d’Albanieet de Grèce que le jeune Alpini n’avait pas voulues.

    Il lui a fallu du temps pour retrouver les couleurs de la vie et réaliser que les oiseaux chantaient encore. Et c’est l’écriture de la douleur qui fit renaître à la vie le modeste agent de l’administration avec Le Sergent dans la neige, récit clinique de La Retraite de Russie des Italiens, publié en 1953. On ne réalise pas ce qu’a représenté cette campagne de Russie pour le peuple italien. Guerre absurde, où l’on détestait sans doute davantage le prétendu allié que l’adversaire. Où l’enlisement de la retraite finira, à partir de 1943, dans les camps nazis pour les rares survivants. "La plupart ne reviennent pas", pour reprendre le titre du premier livre d’Eugenio Corti, l’auteur du Cheval rouge."Chaque nuit, après s’être trop retourné dans son lit, il devait se lever, ranimer le feu, et s’installer à sa table de travail, devant un cahier d’écolier, en attendant l’aube, guettant les bruits de la nature et de la maison", écrit le Figaro. Et c’est ainsi que depuis un demi-siècle, il a bâti une oeuvre considérable – près de 2 000 pages dans La Pléiade italienne de Mondadori -, dont on commence seulement à saisir l’ampleur et l’unité. Quelques faux romans, des nouvelles, des récits, des papiers collés, qui tournent inlassablement, c’est-à-dire sans lasser, autour de la guerre, de la frontière, de la nature, des saisons, et de l’amitié, dans une simplicité de style, avec une économie de moyens, sans tomber dans le piège de la mièvrerie qui rôde toujours autour de l’authenticité. Miracle de l’autodidacte.

    Massif et fraternel, Mario Rigoni Stern est un homme des confins, voisin du Danube de Claudio Magris, de la "Kakanie " de Musil qu’il évoque dans un de ses récits, et il aurait sans doute bien des tourments à partager avec Boris Pahor, le Slovène de Trieste.Son dernier recueil, Le Poète secret, retouche ces saisons de la mémoire. La nature, omniprésente, n’est pas idéalisée, comme dans la pensée germanique. Ce n’est pas un nouveau Dieu qui subjuguerait les hommes, mais un don fragile qui les aide à se construire. Qu’il décrive les sauts d’un lièvre dans la neige, le chevreuil blessé qui cherche un refuge, ou la chronique de son jardin potager, sa voix évoque une civilisation qui est peut-être en train de disparaître. Mais l’homme qui désigne les arbres et les fleurs par leur nom ne cède pas pour autant à la vaine nostalgie. Il est intemporel, parce qu’il parle à l’âme humaine. Quand la guerre matricielle le reprend dans ses rets, au détour du rangement du grenier, il retrouve le petit garçon, puis le jeune soldat, qui aura aimé les ennemis de rencontre de son pays, et toujours cherché l’homme derrière la sauvagerie.C’est ce qu’il partageait avec Primo Levi, dont il était l’ami primordial, comme lui "dépositaire d’un secret vécu et compris sur la terre de Pologne". Sa dernière lettre, écrite à l’annonce de son suicide, est bouleversante : "Viens, nous irons dans la forêt, là où nous ne rencontrerons pas d’indifférents ; nous marcherons sur la mousse, nous nous enfoncerons dans le vert sombre comme au fond de la mer ; ou bien nous irons à skis dans le silence baigné de lumière, et cela te fera oublier l’angoisse d’Auschwitz". C'est là, un véritable cri du coeur.


    Par la Dépêche de Kabylie

    Biographie de Mario Rigoni Stern

    Mario Rigoni Stern , né en 1921 à Asiago, est un des plus grands écrivains italiens contemporains. Histoire de Tönle, Le Sergent dans la neige, La Chasse aux coqs de bruyère, L'Année de la victoire, Arbres en liberté, Les Saisons de Giacomo, Retour sur le Don, Le Livre des animaux, En guerre, Sentiers sous la neige, Lointains Hivers, Hommes, bois, abeilles, En attendant l'aube, Le Vin de la vie et La Dernière partie de cartes sont traduits en français.
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