Le parti unique et le cerisier lumineux
par Kamel Daoud
Le ciel est une eauforte sur un papier trop im bibé. De lourdes lumiè res donnent des airs de nuages aux sols. Un cerisier est là, léger, grimpant. Le haut des fruits rouges est mangé par les oiseaux. Au bas, le chroniqueur en cueille quelques uns et en mord la chair et le goût du matin. Le chant des oiseaux de différentes espèces et un Babel éparpillé. Le reste est silence, entre des moteurs de voitures lointaines. Les feuillages verts ont ce fascinant mouvement des choses sous l'eau. Où trouver une idée morbide pour écrire une chronique ? Dans une image : Sellal, le Premier ministre, assis, un peu gêné, parmi la foule des congressistes du FLN avant-hier en Algérie. Il a l'air renfrogné, enfermé, ennuyé presque. Illustration de ce retour de l'article 120 qu'il subit en live pour survivre face à la machine du Saadani en inquisiteur. Article de sinistre mémoire : si on n'est pas membre du FLN, on ne peut pas grimper, manger, se faire payer ou avoir carrière. On ne s'en souvient pas, mais on le revit parfois dans ce pays. Le FLN est un parti totalitaire par essence : le pays est à lui, ne peut être sans lui et lui appartient depuis qu'il (le pays) était encore dans le ventre des martyrs. Lentement, le Premier ministre a été obligé de se déclarer FLN pour survivre face au musicien et à l'orchestre. Conclusion première ? En gros, trois partis se partagent le pays : les islamistes de la rue, des mosquées, des TV et des fatwas ; puis le FLN ; puis le FCE (Patronat) de Haddad. Le reste est exclu du jeu du Dey et de la Régence. Le FCE gère l'argent et l'avenir, le FLN gère le passé et l'alimentaire, les islamistes et autres descendants gèrent la rue et l'éternité. A côté, nous sommes repoussés vers le règne de la brièveté et du fugace léger allongé. Donc l'article 120 est de retour. Totalitarisme du baisemain et de l'obédience. Loi de l'affiliation ou de l'exclusion. Conclusion pénible : Le FLN ne lâchera JAMAIS ce pays que dans le sang, comme il est né dans le sang. Intuition tragique et insupportable pour nous, gens sans os, rêvant de transitions douces et de vies sans guerres. C'est donc la grande actualité du moment : ce FLN, né de la déclaration de novembre, trichant avec la déclaration de fortune. Parti de libération, parti d'appropriation, décolonisateurs devenus colons. Monstruosité. Car ce parti se devait d'être dissous dès l'indépendance, à la fin de la guerre. Le front est une union, pas un uniforme. Tromperie. Car un demi-siècle plus tard, il est encore là, avec sa morgue, son populisme, ses coups d'Etat, ses propagandes et ses méthodes. Humiliant, humilié. Parti unique avec des miettes plurielles, voleur des martyrs et revendeur de leurs os, danseur des hanches qui fait chanter une nation.
Le cerisier est haut et calme. Le regarder vous lave l'âme et répare la présence. Au matin, un homme est immobile. Le monde est parfois une imminence. L'art est un refuge contre la nationalité et ses pourrissements. Rien ne bouge. Le dernier mot possible est mort au bout de la langue. Ne reste qu'un fruit dans ce jardin qui ressemble à un moment d'avant l'humanité. Pourquoi le polluer en parlant du FLN et de ses férocités ? J'ai mieux à faire : regarder le feuillage bouger, résumant des langues dans le balancement.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'0ran
par Kamel Daoud
Le ciel est une eauforte sur un papier trop im bibé. De lourdes lumiè res donnent des airs de nuages aux sols. Un cerisier est là, léger, grimpant. Le haut des fruits rouges est mangé par les oiseaux. Au bas, le chroniqueur en cueille quelques uns et en mord la chair et le goût du matin. Le chant des oiseaux de différentes espèces et un Babel éparpillé. Le reste est silence, entre des moteurs de voitures lointaines. Les feuillages verts ont ce fascinant mouvement des choses sous l'eau. Où trouver une idée morbide pour écrire une chronique ? Dans une image : Sellal, le Premier ministre, assis, un peu gêné, parmi la foule des congressistes du FLN avant-hier en Algérie. Il a l'air renfrogné, enfermé, ennuyé presque. Illustration de ce retour de l'article 120 qu'il subit en live pour survivre face à la machine du Saadani en inquisiteur. Article de sinistre mémoire : si on n'est pas membre du FLN, on ne peut pas grimper, manger, se faire payer ou avoir carrière. On ne s'en souvient pas, mais on le revit parfois dans ce pays. Le FLN est un parti totalitaire par essence : le pays est à lui, ne peut être sans lui et lui appartient depuis qu'il (le pays) était encore dans le ventre des martyrs. Lentement, le Premier ministre a été obligé de se déclarer FLN pour survivre face au musicien et à l'orchestre. Conclusion première ? En gros, trois partis se partagent le pays : les islamistes de la rue, des mosquées, des TV et des fatwas ; puis le FLN ; puis le FCE (Patronat) de Haddad. Le reste est exclu du jeu du Dey et de la Régence. Le FCE gère l'argent et l'avenir, le FLN gère le passé et l'alimentaire, les islamistes et autres descendants gèrent la rue et l'éternité. A côté, nous sommes repoussés vers le règne de la brièveté et du fugace léger allongé. Donc l'article 120 est de retour. Totalitarisme du baisemain et de l'obédience. Loi de l'affiliation ou de l'exclusion. Conclusion pénible : Le FLN ne lâchera JAMAIS ce pays que dans le sang, comme il est né dans le sang. Intuition tragique et insupportable pour nous, gens sans os, rêvant de transitions douces et de vies sans guerres. C'est donc la grande actualité du moment : ce FLN, né de la déclaration de novembre, trichant avec la déclaration de fortune. Parti de libération, parti d'appropriation, décolonisateurs devenus colons. Monstruosité. Car ce parti se devait d'être dissous dès l'indépendance, à la fin de la guerre. Le front est une union, pas un uniforme. Tromperie. Car un demi-siècle plus tard, il est encore là, avec sa morgue, son populisme, ses coups d'Etat, ses propagandes et ses méthodes. Humiliant, humilié. Parti unique avec des miettes plurielles, voleur des martyrs et revendeur de leurs os, danseur des hanches qui fait chanter une nation.
Le cerisier est haut et calme. Le regarder vous lave l'âme et répare la présence. Au matin, un homme est immobile. Le monde est parfois une imminence. L'art est un refuge contre la nationalité et ses pourrissements. Rien ne bouge. Le dernier mot possible est mort au bout de la langue. Ne reste qu'un fruit dans ce jardin qui ressemble à un moment d'avant l'humanité. Pourquoi le polluer en parlant du FLN et de ses férocités ? J'ai mieux à faire : regarder le feuillage bouger, résumant des langues dans le balancement.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'0ran
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