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MAROC:D’où viennent les islamistes du PJD? 2/2

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  • MAROC:D’où viennent les islamistes du PJD? 2/2

    De la clandestinité à l’action légale, de la radicalité sans concession au pragmatisme politique et à la conciliation, les islamistes issus de la Chabiba ont réussi à réaliser une transformation majeure de leur mouvement pour devenir un grand parti politique .

    Avant les révoltes arabes et les victoires massives des partis islamistes aux élections en Tunisie, au Maroc et en Egypte, les dirigeants du PJD citaient souvent une phrase attribuée au Tunisien Rached Ghannouchi pour décrire la méfiance de l’Etat et des partis de gauche au Maroc à l’égard des islamistes : « Même s’ils nous voient pendus, ils ne nous croiront pas, et ils vont penser que c’est une ruse ». Les islamistes marocains ont toujours été considérés comme détenteurs d’un « agenda secret », menant un jeu trouble et tenant un double discours : une rhétorique démocratique, pluraliste, où ils déclarent accepter les différences et le débat, et un autre discours, totalitaire et fanatique, destiné à leurs bases et reflétant leur véritable nature. Selon cette conception, les élections pour les islamistes ne sont qu’un tremplin, un moyen d’accéder au pouvoir, qu’ils vont s’empresser de confisquer et exercer sans partage, au nom de Dieu et de la religion. Les exemples du parti nazi, qui a établi un régime totalitaire en Allemagne après sa victoire aux élections de 1933, ainsi que la révolution iranienne de 1979, qui a instauré une théocratie après avoir éliminé toute forme d’opposition, sont fréquemment rappelés pour dénoncer le « péril islamiste ».

    A partir de 1985, date de leur sortie de l’action clandestine, les islamistes marocains issus de la Chabiba Islamiya ont déployé des trésors d’arguments, d’initiatives et de patience, pour rassurer l’Etat et la société civile marocaine, affirmant qu’ils ne disposaient d’aucun agenda secret et qu’ils acceptaient pleinement les règles du pluralisme politique. Pour cela, Abdelilah Benkirane et ses frères ont entamé un long processus d’autocritique et de remise en question des idées prônées et défendues pendant leurs années de jeunesse et de radicalité au sein de la Chabiba.
    Réprimer pour mieux gouverner

    Au milieu des années 1980, Hassan II règne en maître absolu sur le Maroc. Le pouvoir du monarque est stabilisé et consolidé, et les turbulences des années 1970, avec leurs coups d’Etat et leurs menaces, ne sont que d’amers souvenirs que Hassan II commente dans ses discours et entretiens accordés à la presse étrangère. L’opposition de gauche est muselée, contrôlée et amoindrie par des décennies de répression et de violence. Hassan II a bien su profiter de la guerre froide pour s’attirer la complicité bienveillante des pays occidentaux, qui ferment l’œil sur la répression menée par ce régime « ami ». Dans un monde bipolaire où l’on compte les allégeances et les soutiens, le bloc occidental ne peut pas fâcher un précieux allié aux portes de l’Europe. L’État marocain tire avantage de cette situation, qui l’immunise contre toute réaction officielle des pays occidentaux à l’égard des graves violations des droits de l’homme commises sur son territoire.

    Les militants de la Jamâa Islamiya sont dans une situation politique où la répression est utilisée par le régime comme un moyen d’intimidation et de domestication de l’opposition, sans pouvoir espérer aucun soutien de l’extérieur. Abdelaziz Boumaret, ancien dirigeant de la Jamâa, raconte la torture qu’il a subie et les conditions de détention qu’il a vécues après son arrestation à Meknès en 1984 : « J’étais placé dans une cellule étroite, où je n’arrivais pas à distinguer le jour de la nuit. Je partageais cette cellule avec des prostituées, qui interrompaient toujours ma prière par leurs discussions vulgaires ou leurs gestes dévergondés. Pendant cette période, je ne pouvais pas lire le Coran et le climat n’était pas fait pour la dévotion et la piété. Tout était pourri. Les prostituées ne me laissaient pas dormir, et quand je voulais aller aux toilettes, je croisais certaines d’entre elles toutes nues. Je remercie Dieu de m’avoir épargné la tentation. Pendant toute cette période d’emprisonnement, je n’avais pas de matelas, et il faisait très froid dans la cellule. Mes chaussures faisaient office d’oreiller et, au bout d’un certain temps, une partie de mon corps s’est engourdie, je ne la sentais plus. Pendant des mois, notre seul repas était un morceau de pain pour toute la journée. J’étais privé de la visite de ma famille et de mes amis ».

    La direction de la Jamaâ, composée notamment de fonctionnaires de l’enseignement public, doit alors éviter l’épreuve de l’emprisonnement, les arrestations, la torture et le harcèlement policier qui déstabilisent la vie professionnelle et familiale de ses membres. « L’expérience de l’emprisonnement à Derb Moulay Chérif m’a poussé à réfléchir. J’ai vu devant moi des hommes s’effondrer. Ça m’a vraiment marqué et m’a mis sur la voie de la remise en question », expliquera plus tard Abdelilah Benkirane. Les islamistes marocains doivent alors faire un choix : rester fidèle à une radicalité jusqu’au-boutiste et accepter ainsi la répression et la violence de l’Etat, ou revoir leur idéologie, l’adapter, la reformuler, et repartir ainsi sur de nouvelles bases dans leurs rapports avec le régime. Les jeunes dirigeants de la Jamâa ont opté pour la seconde solution, réalisant ainsi la première expérience de Mourajâat (révisions) dans le monde arabe, c’est-à-dire une autocritique menée par d’anciens extrémistes islamistes, où ils rejettent la violence et reconnaissent la légitimité de l’Etat.

    De nouvelles idées

    Dès la fin de 1985, les membres de la Jamâa commencent à publier des séries d’articles dans des revues islamistes, notamment Al Furqan, pour promouvoir leurs nouvelles idées et convaincre leurs sympathisants de la pertinence du processus d’autocritique qu’ils entendent entamer. Les principaux promoteurs de ce revirement sont Mohammed Yatim, Saâdeddine El Othmani et Abdelilah Benkirane. Enseignant la philosophie, Mohammed Yatim multiplie les articles et les interventions pour asseoir de nouvelles bases intellectuelles pour l’action de la Jamâa et la faire sortir des conceptions rigides héritées des années Chabiba. Saâdeddine El Othmani, issu d’une grande famille d’alims et diplômé lui-même en études islamiques, tente de trouver dans le fiqh et l’histoire de l’islam les fondements des nouvelles orientations prônées par la Jamâa. Quant à Benkirane, son pragmatisme et son esprit d’adaptation auront un impact majeur dans ce processus d’autocritique. Les écrits de quelques islamistes syriens et égyptiens, critiquant l’usage de la violence et remettant en question la pensée révolutionnaire de Sayed Qotb, ont un effet stimulant sur la reformulation du projet idéologique de la Jamaâ. Deux auteurs ont une influence particulière sur cette réflexion : le Syrien Khalis Jalabi et l’Égyptien Youssef Qardhaoui. Dans leurs livres, ces deux figures de proue du réformisme religieux s’attaquent au fanatisme et à l’usage de la violence dans les mouvements islamistes, et prônent des changements pacifiques ainsi qu’une lecture souple des textes religieux. Khalis Jalabi et Youssef Qardhaoui exercent alors une grande influence intellectuelle sur les dirigeants et membres de la Jamaâ qui souhaitaient sortir de la matrice idéologique de Sayed Qotb et des années de militantisme au sein de la Chabiba.

    L’un des principaux axes de la refondation idéologique de la pensée de la Jamâa est la reconnaissance du caractère islamique de l’Etat et de la société marocaine. Pour les dirigeants de la Jamâa, l’État marocain n’est plus l’incarnation du règne du Taghout, c’est-à-dire un pouvoir impie et tyrannique tirant sa légitimité de sa puissance et de sa capacité de répression. L’Etat marocain, selon les nouvelles orientations de la Jamâa, est islamique, gouverné par un chef musulman, à qui il faut prêter allégeance et qu’il faut considérer comme chef de la communauté religieuse, tant qu’il ne se déclare lui-même, par la parole ou par le geste, en dehors de cette communauté. Contrairement au concept de la Jahiliya utilisé par Sayed Qotb pour désigner l’état des sociétés musulmanes, les dirigeants de la Jamââ estiment que la société marocaine est musulmane, même si elle traverse une période d’égarement et de désarroi spirituel. Il suffit donc de retrouver cette âme, cette racine profondément musulmane chez les Marocains pour pouvoir les ramener sur le droit chemin.

    Pour les théoriciens de la Jamaâ, le changement ne doit pas être brutal, ni soudain. Il ne doit pas non plus susciter des réactions de défiance ou de résistance au sein des élites au pouvoir, ou même au sein de la société. Ils estiment que ces réactions peuvent être infiniment plus dommageables que la situation de départ. Selon eux, le changement ne doit pas être un but en soi quand il risque de produire des effets négatifs irréversibles. L’action de réformer, selon cette lecture, doit être graduelle, passant d’un palier à un autre, admettant l’existence d’une marge d’erreur et supposant que les individus aiment le confort du statu quo et demeurent hostiles aux idées et aux événements qui perturbent leurs habitudes. Les tenants de cette réforme progressive citent souvent l’exemple de l’interdiction de l’alcool en islam pour étayer leur démarche : dans une société où le vin était célébré par les poètes, où il a été associé aux vertus de richesse, de générosité, de plaisir et de séduction, l’islam ne pouvait pas interdire sa consommation brusquement, en heurtant les habitudes des gens. L’interdiction de l’alcool s’est faite alors d’une façon progressive afin de préparer les gens et les habituer. Ce principe de la progression est devenu la pierre angulaire de l’idéologie et de la démarche politique du PJD, qui permet de comprendre son évolution et ses transformations.

  • #2
    suite

    Fini la violence

    Le rejet catégorique et définitif de la violence est un élément central dans la nouvelle pensée formulée par les dirigeants de la Jamâa. Pour ces derniers, les armes ne peuvent pas être dirigées contre des musulmans, même quand ils ne sont pas sur la bonne voie. Abdelilah Benkirane écrit alors : « Le musulman ne peut utiliser la force que dans un seul cas : quand la communauté musulmane est soumise à des tyrans hostiles d’une façon manifeste à la religion, comme c’était le cas en Afghanistan, où l’existence même de l’islam est menacée. Dans cette situation, les musulmans doivent se défendre. Mais quand les musulmans peuvent jouir de la liberté de culte, de la liberté de prédication et de la liberté de rassemblement, dans cette situation il serait illégitime de recourir à la violence ». La période de la radicalité, du changement par la violence révolutionnaire est présentée ainsi comme une phase d’« enfance du mouvement islamiste », d’impulsion de jeunes militants en quête de sensations et animés par le désir de tout changer en se souciant peu des conséquences de leurs actions. Les islamistes marocains se préparent alors pour une nouvelle phase de maturité, de pragmatisme politique, qui doit passer inéluctablement par l’établissement de nouveaux rapports avec l’Etat et par des formes différentes d’organisation. La volonté de créer un parti politique islamiste est née de cette transformation.



    Les dirigeants de la Jamaâ installent, à travers l’expérience de l’autocritique, un nouveau type de rapports entre la mouvance islamiste et l’État. Pour les dirigeants de la Jamaâ, et notamment Abdelilah Benkirane, il n’y a aucun inconvénient à prendre contact avec les agents de l’Etat et ses représentants, à discuter avec eux, à prendre acte de leurs demandes et de leurs souhaits, et à leur faire parvenir les doléances du groupe. Pendant longtemps, tout contact avec l’État et ses agents a été considéré au sein du mouvement islamiste comme une trahison, une compromission et la preuve d’une manipulation de la part du Makhzen et de ses différents services secrets. L’étiquette d’« islamistes du Palais » attribuée aux dirigeants du PJD et d’« agent des services » que les adversaires de Abdelilah Benkirane lui collent, découle notamment de cette volonté d’établir des relations décomplexées entre islamistes et État.

    « Islamistes du monde, suicidez-vous ! »

    Pour donner encore plus de gages de changement et de leur volonté de s’intégrer davantage dans le paysage politique marocain, les dirigeants de la Jamâa procèdent, le 10 février 1992, au changement de nom de leur association, qui devient Harakat Al Islah Wal Attajdid (Mouvement de la réforme et du renouveau). En abandonnant le nom de Jamâa Islamiya, Benkirane et ses amis souhaitent montrer à l’Etat qu’ils n’ont aucune prétention à monopoliser la représentation de l’islam au Maroc et qu’ils n’ont aucun lien avec les organisations islamistes à l’étranger qui portent la même appellation.

    Après ce changement, les islamistes marocains cherchent à organiser leur action au sein d’un parti politique. C’est ainsi que, le 4 mai 1992, Abdelilah Benkirane dépose lui-même, à la wilaya de Rabat, les statuts et les documents de création du Hizb Attajdid Al Watani (Parti de la réforme nationale). Le comité exécutif du nouveau parti, présidé par Abdelilah Benkirane, est composé essentiellement d’anciens militants de la Chabiba (Abdelilah Benkirane, Saâdeddine El Othmani, Abdellah Baha, Abdellatif Sedrati, Lamine Boukhobza, Mohammed Yatim). Les statuts du parti reflètent l’aboutissement de plus d’une décennie de refondation idéologique de la pensée politique des héritiers de la Chabiba et leur volonté d’inscrire leur action dans la légalité et la reconnaissance de la légitimité de la monarchie, ainsi que son ascendance sur les autres acteurs politiques. Malgré tous ces gages, le ministère de l’Intérieur refuse, par un courrier de la wilaya de Rabat, la création du nouveau parti, au grand dam de Benkirane, qui envoie des courriers pour connaître les raisons de ce refus. Pas de réponse de Driss Basri ou de son administration. Le refus du ministère de l’Intérieur d’autoriser la création du Parti Attajdid s’explique par les inquiétudes du Maroc à l’égard des événements dramatiques que connaît le voisin algérien, après l’interruption du processus électoral et le début de la guerre civile. La peur d’un effet de contagion préoccupe les autorités marocaines, qui estiment alors qu’il n’est pas judicieux de lancer un parti islamiste dans ce contexte régional très difficile et à un moment où Hassan II entame des négociations avec l’opposition, visant à préparer un gouvernement d’alternance. Face à ce refus, Benkirane et ses compagnons vont exprimer leur désarroi et leur frustration dans un édito de leur hebdomadaire Al Raya, sous le titre « Islamistes du monde, suicidez-vous ! ». Mais les islamistes vont repartir à l’assaut, en changeant de stratégie et d’approche.


    Les dirigeants de la Jamaâ installent, à travers l’expérience de l’autocritique, un nouveau type de rapports entre la mouvance islamiste et l’État. Pour les dirigeants de la Jamaâ, et notamment Abdelilah Benkirane, il n’y a aucun inconvénient à prendre contact avec les agents de l’Etat et ses représentants, à discuter avec eux, à prendre acte de leurs demandes et de leurs souhaits, et à leur faire parvenir les doléances du groupe. Pendant longtemps, tout contact avec l’État et ses agents a été considéré au sein du mouvement islamiste comme une trahison, une compromission et la preuve d’une manipulation de la part du Makhzen et de ses différents services secrets. L’étiquette d’« islamistes du Palais » attribuée aux dirigeants du PJD et d’« agent des services » que les adversaires de Abdelilah Benkirane lui collent, découle notamment de cette volonté d’établir des relations décomplexées entre islamistes et État.

    « Islamistes du monde, suicidez-vous ! »

    Pour donner encore plus de gages de changement et de leur volonté de s’intégrer davantage dans le paysage politique marocain, les dirigeants de la Jamâa procèdent, le 10 février 1992, au changement de nom de leur association, qui devient Harakat Al Islah Wal Attajdid (Mouvement de la réforme et du renouveau). En abandonnant le nom de Jamâa Islamiya, Benkirane et ses amis souhaitent montrer à l’Etat qu’ils n’ont aucune prétention à monopoliser la représentation de l’islam au Maroc et qu’ils n’ont aucun lien avec les organisations islamistes à l’étranger qui portent la même appellation.

    Après ce changement, les islamistes marocains cherchent à organiser leur action au sein d’un parti politique. C’est ainsi que, le 4 mai 1992, Abdelilah Benkirane dépose lui-même, à la wilaya de Rabat, les statuts et les documents de création du Hizb Attajdid Al Watani (Parti de la réforme nationale). Le comité exécutif du nouveau parti, présidé par Abdelilah Benkirane, est composé essentiellement d’anciens militants de la Chabiba (Abdelilah Benkirane, Saâdeddine El Othmani, Abdellah Baha, Abdellatif Sedrati, Lamine Boukhobza, Mohammed Yatim). Les statuts du parti reflètent l’aboutissement de plus d’une décennie de refondation idéologique de la pensée politique des héritiers de la Chabiba et leur volonté d’inscrire leur action dans la légalité et la reconnaissance de la légitimité de la monarchie, ainsi que son ascendance sur les autres acteurs politiques. Malgré tous ces gages, le ministère de l’Intérieur refuse, par un courrier de la wilaya de Rabat, la création du nouveau parti, au grand dam de Benkirane, qui envoie des courriers pour connaître les raisons de ce refus. Pas de réponse de Driss Basri ou de son administration. Le refus du ministère de l’Intérieur d’autoriser la création du Parti Attajdid s’explique par les inquiétudes du Maroc à l’égard des événements dramatiques que connaît le voisin algérien, après l’interruption du processus électoral et le début de la guerre civile. La peur d’un effet de contagion préoccupe les autorités marocaines, qui estiment alors qu’il n’est pas judicieux de lancer un parti islamiste dans ce contexte régional très difficile et à un moment où Hassan II entame des négociations avec l’opposition, visant à préparer un gouvernement d’alternance. Face à ce refus, Benkirane et ses compagnons vont exprimer leur désarroi et leur frustration dans un édito de leur hebdomadaire Al Raya, sous le titre « Islamistes du monde, suicidez-vous ! ». Mais les islamistes vont repartir à l’assaut, en changeant de stratégie et d’approche.

    Le nouveau parti

    Déboutés par l’Etat, mais espérant toujours intégrer la vie politique et donner à leur engagement un nouveau cadre et un nouvel élan, les islamistes changent leur fusil d’épaule et décident d’approcher les partis déjà existants. La première cible est le Parti de l’Istiqlal (PI). Se revendiquant d’un salafisme réformateur et intégrant la dimension religieuse dans son corpus idéologique, l’Istiqlal est l’interlocuteur naturel des islamistes. Ces derniers ont pris contact avec les responsables du PI, en vue d’une adhésion du mouvement islamiste au vieux parti, dirigé par M’hammed Boucetta, homme politique chevronné et ancien ministre de la Justice et des Affaires étrangères. L’Istiqlal décline courtoisement l’offre des islamistes en leur proposant de rejoindre ses rangs en tant qu’individus et non en tant que groupe et mouvement. Et pour cause, une éventuelle OPA islamiste sur la puissante machine de l’Istiqlal serait porteuse d’une transformation majeure de la vie politique marocaine, que ni le Palais, ni les autres acteurs politiques ne toléreraient. Les islamistes marocains se tournent alors vers un vieux parti, en jachère depuis une vingtaine d’années : le Mouvement populaire démocratique et social (MPDC), dirigé par Abdelkrim Khatib, militant nationaliste, proche du Palais et ayant toujours formulé des idées proches du discours islamiste, notamment dans son opposition aux partis et mouvements de gauche. L’Egyptien Saleh Abou Raqiq, ancien collaborateur de Hassan El Benna, fondateur des Frères musulmans, sert d’intermédiaire entre les islamistes marocains et Abdelkrim Khatib.

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    • #3
      suite et fin

      La rencontre a lieu en juin 1992 dans la demeure de Khatib, qui sera d’une grande rudesse et froideur lors de ses premiers contacts avec les dirigeants islamistes. Le patriarche redoute une démarche opportuniste et « entriste » de ses interlocuteurs et conditionne d’emblée leur intégration à son parti à trois principes : l’islam, l’acceptation de la monarchie constitutionnelle et le bannissement de la violence. Les islamistes rétorquent que ces trois principes sont déjà intégrés par leur mouvement depuis leur sortie de la Chabiba. Le vieux leader nationaliste et les jeunes islamistes tombent d’accord et se mettent au travail. Ainsi, de 1992 à 1996, les islamistes marocains, sous l’égide du docteur Khatib, se mettent à repeupler et restructurer le MPDC, afin d’en faire une machine politique et électorale, tout en étant capables de brider sa puissance et de l’adapter aux circonstances et au rapport de force avec le Palais et le ministère de l’Intérieur. En juin 1996, le rapprochement entre le MPDC et les islamistes d’Al Islah devient officiel. Un congrès extraordinaire du MPDC est organisé dans la vaste demeure du « docteur », en présence de plus de 600 participants, pour élire la nouvelle direction du parti. Comme prévu, Abdelkrim Khatib est élu à la tête du parti, avec un secrétariat général composé de six membres, où les jeunes islamistes côtoient d’anciennes figures du MPDC. A la tribune, Abdelilah Benkirane, Abdellah Baha et Saâdeddine El Othmani, membres de la structure dirigeante du parti, incarnent la transformation d’une génération d’islamistes, passés du militantisme radical et violent à l’action partisane, dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle. Le tout sous la houlette d’un patriarche dont toute la carrière politique s’est déroulée dans la fidélité et l’allégeance au Palais. C’est de cette alliance et sous ces auspices que naît le PJD.

      Abdelkrim Khatib, un islamiste avant l’heure
      Immédiatement après la victoire du PJD aux élections législatives du 25 novembre 2011, Abdelilah Benkirane s’est rendu à la maison du docteur Khatib, pour honorer la mémoire du fondateur du parti islamiste. L’ancien dirigeant nationaliste avait accompagné et protégé les jeunes islamistes dans leur intégration de la vie politique marocaine en leur ouvrant les portes de son parti, le MPDC. Pourtant, Abdelkrim Khatib était un islamiste avant l’heure. Ce chirurgien, proche de Mohammed V et de Hassan II, n’a jamais cessé de mettre en avant sa sensibilité religieuse en matière politique. Lors de l’élaboration de la première Constitution marocaine de 1962, il avait proposé aux rédacteurs du texte l’introduction d’un titre honorifique, destiné à affirmer la nature musulmane du pays : la Commanderie des croyants. Khatib rappelait aux membres de la commission chargée de cette rédaction, composée notamment de juristes français, que les sultans du Maroc ont toujours porté les titres de commandeur des musulmans et de commandeur des croyants. Le titre a finalement trouvé place au cœur de l’article 19 de la Constitution pour devenir, au gré des interprétations successives, la pierre angulaire d’une construction juridique et politique, offrant à son titulaire, le roi, un pouvoir étendu et sans limites.

      Khatib voyait dans le référentiel islamique une réponse forte et solide aux idées de ses adversaires politiques, notamment la gauche, à laquelle il vouait une aversion et une haine profondes, particulièrement à l’égard du communisme. Ainsi, lors de la création de l’Association marocaine de soutien au peuple palestinien, en 1969, qui a eu lieu dans sa demeure à Rabat, Khatib a exigé l’exclusion de tout représentant communiste parmi ses membres. En 1973, Abdelkrim Khatib voulut changer le nom de son parti, pour devenir « Hizb Al Nahda Al Islamiya » (Parti de la renaissance islamique), afin d’affirmer le référentiel religieux de sa formation politique. La proposition a été rejetée par Hassan II, qui a signifié à Khatib qu’il n’avait qu’à fonder une confrérie pour mener des activités religieuses et non pas un parti politique. La rencontre avec les islamistes d’Al Islah, une vingtaine d’années plus tard, a permis à Khatib de réaliser son souhait et de donner à son parti l’orientation religieuse tant espérée.

      Abdellah Tourabi


      Zamane

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      • #4
        Les islamistes du Maroc ce sont des islamistes creux, coquille vide, sans dents, totalement émasculés tels des eunuques. Au Maroc, le représentant d'Allah est aux commandes, les islamistes s'agenouillent.

        Et franchement, c'est peut-être le seul rôle positif du monarque.

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        • #5
          Les islamistes du Maroc ce sont des islamistes creux, coquille vide, sans dents, totalement émasculés tels des eunuques. Au Maroc, le représentant d'Allah est aux commandes, les islamistes s'agenouillent

          Quand on a été en prison , qu'on a été torturé , je ne pense pas que les adjectifs employés aient un rapport avec la réalité
          Ces gens malgré des idées de départ très radicale ont tout de même choisis d'éviter l'engrenage de la violence a une période ou c'était a la mode puisque même en Europe certains groupes d'extrême gauche avaient opté pour le terrorisme
          Aujourd'hui encore le principal mouvement politoco religieux , adl wal al ihsan, refuse toute forme de violence tout en continuant a nier au roi son rôle de commandeur des croyants

          Je ne sais pas si c'est un effet secondaire d'une forte consommation de thé a la menthe mais ces mouvements ont pris des décisions qui ont évité beaucoup de problème au pays et rien que pour ça ils méritent le respect

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