La dépréciation du dinar Algérien s’accélère : ces mesures que le gouvernement n’ose pas prendre pour stopper la saignée des devises
31 mai, 2015
Le dinar poursuit sa descente aux enfers. Ce dimanche 31 mai, un euro cotait près de 110 dinars. Le dollar approche les 100 dinars. Malgré les protestations de la Banque d’Algérie et du gouvernement, nous sommes bien dans un processus de dépréciation politique de la monnaie nationale face aux principales devises. Si la valeur du dinar suivait une logique économique, elle aurait certes baissé face au dollar mais elle se serait, dans le même temps, appréciée face à l’euro. La monnaie unique européenne est en effet à des niveaux faibles face au billet vert.
Les dangers d’une politique de dépréciation
La Banque d’Algérie détermine la valeur du dinar à travers un mécanisme dit de flottement dirigé. La perte de valeur de la monnaie nationale depuis un an répond donc à une volonté « délibérée ». De ce point de vue, il s’agit d’une forme de dévaluation du dinar.
Le but de la manœuvre est de mécaniquement renchérir les biens et les services importés : en effet, un dinar moins fort ne permet plus d’acheter la même quantité de produits. Ainsi, le gouvernement espère réduire la facture des importations et freiner la (sur)consommation des ménages.
Mais attention. La baisse du dinar et du pouvoir d’achat des Algériens n’est pas sans effets néfastes. Le risque inflationniste pèse lourdement sur l’économie du pays. D’autant plus que la Banque d’Algérie ne dispose pas du levier des taux d’intérêts directeurs, inopérants, pour réguler l’inflation. Or, cette dernière peut s’avérer être un véritable poison pour l’économie du pays.
Des pistes sérieuses pour sortir de l’impasse
Pourtant, il existe des pistes bien plus sérieuses mais le gouvernement continue de les ignorer. Par manque de courage d’affronter les lobbies et les entreprises étrangères.
Il est nécessaire de rappeler que les tentatives du gouvernement pour réduire les importations par des mesures administratives sont vouées à l’échec. Le gouvernement s’agite beaucoup mais dans les faits, il ne peut agir. L’État algérien est lié par des accords avec divers organismes comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Union européenne (UE) qui l’empêchent d’entraver le libre commerce.
Cependant, le gouvernement algérien dispose de plusieurs outils pour lutter efficacement contre l’augmentation incontrôlée des importations et la mise à mal des réserves de change du pays.
Instaurer une TVA modulable
Une mesure simple, efficace et en accord avec les engagements internationaux du pays : mettre en place un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) différencié pour les produits importés et les produits locaux.
Une TVA élevée pour les importations et un taux réduit pour la production nationale permettrait de dissuader les achats à l’extérieur et réorienterait la consommation vers des produits « Made in Algeria », même de qualité moindre.
Cela encouragerait, par la même occasion, les entreprises nationales productrices. Sans doute plus que des slogans et des affiches symboliques de la campagne « consommons algériens » à l’initiative du ministère du Commerce. Mais au lieu de prendre cette mesure, le gouvernement a préféré réintroduire le crédit à la consommation, pour tenir une promesse faite à Renault et au gouvernement français lors du lancement de la Symbol.
Revoir certaines subventions
Sans foncièrement les remettre en cause, les subventions pour certains produits méritent d’être revues. À titre d’exemple, un produit comme le sucre, malgré la baisse des prix sur le marché international (-50% depuis 2011), continue de bénéficier de l’exemption de TVA et de droits de douanes.
Une bonne partie de la subvention sur le sucre profite à de grands industriels, notamment dans la production de boissons gazeuses (Coca Cola, Pepsi Cola…). Sans compter les effets néfastes sur la santé des Algériens.
Plus généralement, l’actuel système de subvention mérite d’être revu. En l’état, il profite à tous, y compris ceux qui n’en ont pas besoin. Un égalitarisme aveugle qui, dans le fond, est loin d’être équitable.
Lutter contre la surfacturation sous ses différentes formes
La facture des importations de services en Algérie s’élève à près de 15 milliards de dollars, selon certaines sources. Il est pourtant difficile d’accéder au détail de cette facture. Ce qu’elle contient réellement est un mystère.
Mais certains faits sont connus de tous, y compris des autorités. De nombreuses entreprises étrangères, notamment les concessionnaires automobiles, ont recours à la technique du profit shifting qui consiste à maximiser les marges réalisées à l’étranger et échapper ainsi à l’impôt en Algérie.
De plus, il y a de nombreux cas de surfacturation intragroupe : les prix de transferts d’une entreprise algérienne (ou basée en Algérie) vers des sociétés à l’étranger, appartenant au même groupe, sont souvent majorés pour permettre de transférer des devises en toute légalité.
Salaires des expatriés
Par ailleurs, les salaires des consultants et expatriés, présents en Algérie par dizaine de milliers, sont une autre source non négligeable de sortie de devises. Les montants facturés sont de 1 000 euros par jour au minimum (pour des postes juniors). Dans certains cas, comme pour les entreprises Renault ou Lafarge, l’on peut compter jusqu’à 4 000 euros par jour et par consultant.
Il s’agit ici de salaires transférables en devise. L’essentiel du top-management des entreprises étrangères en Algérie sont des expatriés. Y compris pour l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy, récemment « nationalisé » par l’État.
Des sanctions peu dissuasives et inappliquées
Le gouvernement se doit donc de lutter contre ces « arnaques légales » en mettant en place des outils de régulation, de plafonnement (par exemple pour les salaires des expatriés) et de surveillance stricte.
Cependant, les sanctions prévues par la réglementation actuelle ne sont pas dissuasives. Le cas de la Banque d’Algérie est édifiant. Il y a cinq ans, la Banque centrale avait infligé un total de 1,5 milliards de dollars aux banques pour des transferts illicites et violation de la législation des changes. Les banques françaises étaient les premières concernées. Pourtant, elles ont toutes été annulées en appel. Comment ? Mystère.
Avec, tsa-algerie
L'Afrique adulte.
31 mai, 2015
Le dinar poursuit sa descente aux enfers. Ce dimanche 31 mai, un euro cotait près de 110 dinars. Le dollar approche les 100 dinars. Malgré les protestations de la Banque d’Algérie et du gouvernement, nous sommes bien dans un processus de dépréciation politique de la monnaie nationale face aux principales devises. Si la valeur du dinar suivait une logique économique, elle aurait certes baissé face au dollar mais elle se serait, dans le même temps, appréciée face à l’euro. La monnaie unique européenne est en effet à des niveaux faibles face au billet vert.
Les dangers d’une politique de dépréciation
La Banque d’Algérie détermine la valeur du dinar à travers un mécanisme dit de flottement dirigé. La perte de valeur de la monnaie nationale depuis un an répond donc à une volonté « délibérée ». De ce point de vue, il s’agit d’une forme de dévaluation du dinar.
Le but de la manœuvre est de mécaniquement renchérir les biens et les services importés : en effet, un dinar moins fort ne permet plus d’acheter la même quantité de produits. Ainsi, le gouvernement espère réduire la facture des importations et freiner la (sur)consommation des ménages.
Mais attention. La baisse du dinar et du pouvoir d’achat des Algériens n’est pas sans effets néfastes. Le risque inflationniste pèse lourdement sur l’économie du pays. D’autant plus que la Banque d’Algérie ne dispose pas du levier des taux d’intérêts directeurs, inopérants, pour réguler l’inflation. Or, cette dernière peut s’avérer être un véritable poison pour l’économie du pays.
Des pistes sérieuses pour sortir de l’impasse
Pourtant, il existe des pistes bien plus sérieuses mais le gouvernement continue de les ignorer. Par manque de courage d’affronter les lobbies et les entreprises étrangères.
Il est nécessaire de rappeler que les tentatives du gouvernement pour réduire les importations par des mesures administratives sont vouées à l’échec. Le gouvernement s’agite beaucoup mais dans les faits, il ne peut agir. L’État algérien est lié par des accords avec divers organismes comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Union européenne (UE) qui l’empêchent d’entraver le libre commerce.
Cependant, le gouvernement algérien dispose de plusieurs outils pour lutter efficacement contre l’augmentation incontrôlée des importations et la mise à mal des réserves de change du pays.
Instaurer une TVA modulable
Une mesure simple, efficace et en accord avec les engagements internationaux du pays : mettre en place un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) différencié pour les produits importés et les produits locaux.
Une TVA élevée pour les importations et un taux réduit pour la production nationale permettrait de dissuader les achats à l’extérieur et réorienterait la consommation vers des produits « Made in Algeria », même de qualité moindre.
Cela encouragerait, par la même occasion, les entreprises nationales productrices. Sans doute plus que des slogans et des affiches symboliques de la campagne « consommons algériens » à l’initiative du ministère du Commerce. Mais au lieu de prendre cette mesure, le gouvernement a préféré réintroduire le crédit à la consommation, pour tenir une promesse faite à Renault et au gouvernement français lors du lancement de la Symbol.
Revoir certaines subventions
Sans foncièrement les remettre en cause, les subventions pour certains produits méritent d’être revues. À titre d’exemple, un produit comme le sucre, malgré la baisse des prix sur le marché international (-50% depuis 2011), continue de bénéficier de l’exemption de TVA et de droits de douanes.
Une bonne partie de la subvention sur le sucre profite à de grands industriels, notamment dans la production de boissons gazeuses (Coca Cola, Pepsi Cola…). Sans compter les effets néfastes sur la santé des Algériens.
Plus généralement, l’actuel système de subvention mérite d’être revu. En l’état, il profite à tous, y compris ceux qui n’en ont pas besoin. Un égalitarisme aveugle qui, dans le fond, est loin d’être équitable.
Lutter contre la surfacturation sous ses différentes formes
La facture des importations de services en Algérie s’élève à près de 15 milliards de dollars, selon certaines sources. Il est pourtant difficile d’accéder au détail de cette facture. Ce qu’elle contient réellement est un mystère.
Mais certains faits sont connus de tous, y compris des autorités. De nombreuses entreprises étrangères, notamment les concessionnaires automobiles, ont recours à la technique du profit shifting qui consiste à maximiser les marges réalisées à l’étranger et échapper ainsi à l’impôt en Algérie.
De plus, il y a de nombreux cas de surfacturation intragroupe : les prix de transferts d’une entreprise algérienne (ou basée en Algérie) vers des sociétés à l’étranger, appartenant au même groupe, sont souvent majorés pour permettre de transférer des devises en toute légalité.
Salaires des expatriés
Par ailleurs, les salaires des consultants et expatriés, présents en Algérie par dizaine de milliers, sont une autre source non négligeable de sortie de devises. Les montants facturés sont de 1 000 euros par jour au minimum (pour des postes juniors). Dans certains cas, comme pour les entreprises Renault ou Lafarge, l’on peut compter jusqu’à 4 000 euros par jour et par consultant.
Il s’agit ici de salaires transférables en devise. L’essentiel du top-management des entreprises étrangères en Algérie sont des expatriés. Y compris pour l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy, récemment « nationalisé » par l’État.
Des sanctions peu dissuasives et inappliquées
Le gouvernement se doit donc de lutter contre ces « arnaques légales » en mettant en place des outils de régulation, de plafonnement (par exemple pour les salaires des expatriés) et de surveillance stricte.
Cependant, les sanctions prévues par la réglementation actuelle ne sont pas dissuasives. Le cas de la Banque d’Algérie est édifiant. Il y a cinq ans, la Banque centrale avait infligé un total de 1,5 milliards de dollars aux banques pour des transferts illicites et violation de la législation des changes. Les banques françaises étaient les premières concernées. Pourtant, elles ont toutes été annulées en appel. Comment ? Mystère.
Avec, tsa-algerie
L'Afrique adulte.
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